Affaire Norbert Zongo: «Même si le bon Dieu venait témoigner…»
Affaire Norbert Zongo
«Même si le bon Dieu venait témoigner…»
Contrairement au parquet, les avocats des familles des
victimes estiment que les déclarations de Moïse
Ouédraogo dans L'Evénement sont nouvelles, graves,
crédibles et suffisantes pour la réouverture du dossier
Norbert Zongo. Convaincus que le procureur n'ouvrira
jamais ce dossier «même si le bon Dieu venait témoigner »,
ils ont donné une conférence de presse le 31 janvier 2007 à
Ouagadougou.
Le 18 juillet 2006, le juge d'instruction Wenceslas Ilboudo
rendait une ordonnance de non-lieu en faveur de
l'adjudant-chef Marcel Kafando, l'unique inculpé dans le drame
de Sapouy. Malgré cette ordonnance, l'affaire Norbert Zongo
est plus que jamais revenue sous les feux de l'actualité burkinabè.
Çà et là, des actions sont menées pour obtenir la réouverture
dudit dossier. On a en mémoire celles de Reporters sans
frontières (RSF) et du Collectif des avocats des familles
des victimes. La dernière en date émane de Moïse Ouédraogo,
un cousin de David Ouédraogo (1). Dans un entretien accordé
au bimensuel L'Evénement, Moïse a mis en cause
François Compaoré, le frère cadet du président Blaise
Compaoré, qui lui aurait déclaré en substance de «ne pas avoir
peur des écrits de Norbert Zongo car d'ici là, ça prendra fin…».
Moïse était allé jusqu'à demander à être entendu par le procureur
du Faso, Adama Sagnon. Cela a été fait. Le parquet a même
poussé les investigations en entendant également certaines
personnes citées par le requérant. Il s'agit notamment de
François Compaoré, de Dieudonné Sobgo (un coussin de Moïse)
et de Mahamadi Sanoh.
Lors d'une conférence de presse le 25 janvier 2007, le procureur
du Faso et le procureur général, Abdoulaye Barry, avaient
soutenu que les déclarations de Moïse n'étaient pas crédibles
car elles étaient démenties par Dieudonné Sobgo et
François Compaoré.
Comme une réponse du berger à la bergère, le Collectif des
avocats des familles du dossier Zongo a donné à son tour
une conférence de presse pour soutenir le parfait contraire des
thèses du parquet. Les avocats ont fustigé ce qu'ils ont
qualifié d'attitude de «procureurs courtiers et courtisans qui, au
lieu de s'intéresser au contenu des déclarations de Moïse,
l'ont traité de tous les noms. Confondant ainsi leur rôle à celui
des VRP (Voyageurs Représentants Placiers) de
François Compaoré».
«François Compaoré qui dit qu'il remplace Emmaüs»
S'adressant aux journalistes, Me Bénéwendé Sankara a déclaré :
«Le parquet connaît bien les assassins de votre confrère. Mais
il a décidé de ne point poursuivre parce que le dossier
Norbert Zongo est clos d'autorité et de fait par la volonté
de procureurs qui ont le dos large pour faire ce qu'ils veulent».
Pour les avocats, aux termes de l'article 189 du code de
procédure pénale, les déclarations de Moïse constituent des
charges nouvelles de nature à fortifier les charges que le
juge d'instruction avait trouvées trop faibles. On doit donc
ouvrir le dossier sinon il y a «déni de justice». Ils ont précisé
qu'aux termes de l'article 190 du même code, le procureur du
Faso est le seul juge de l'opportunité de la réouverture du dossier
en fonction des charges nouvelles dont il viendrait à
prendre connaissance. Mais il y a peu de chance que ce dossier
soit à nouveau ouvert puisque «le procureur dit qu'il n'y a
rien. Qu'il a entendu Moïse et Dieudonné. Il déclare aussi
avoir entendu François Compaoré qui dit qu'il
remplace maintenant Emmaüs, en faisant dans
l'humanitaire. Donc il n'y a rien».
Pour Me Prosper Farama, «c'est toute la démocratie burkinabè
qui est en jeu dans ce dossier». Puis il a battu en brèche
les arguments juridiques avancés par le parquet concernant la
non-confrontation entre Moïse, Dieudonné, François et les
autres. Pour lui, on est en enquête préliminaire et cette
confrontation peut se faire comme on le fait d'ailleurs
dans les services de police et de gendarmerie. Me Seydou
Nyanpa à son tour a soutenu que ce dossier est bloqué «parce
qu'il y a des personnes qu'on veut protéger». Enfonçant le clou,
Me Farama a déclaré que le parquet a déjà verrouillé ce
dossier et rejettera toute nouvelle charge qu'on viendrait lui communiquer ; et de conclure : «Même si le bon Dieu
venait témoigner, le
procureur n'ouvrira pas ce dossier».
Et cette volonté du parquet est tangible selon Me Sankara
qui a soutenu que le procureur du Faso a dit à Moïse, lorsqu'il
s'est présenté au palais pour faire sa déposition :
«Vous êtes courageux !».
Une chose est sûre, le quadruple assassinat de Sapouy n'est pas
prêt de s'estomper avec le temps. Au contraire. D'ailleurs, ce
samedi 3 février 2007, le Collectif d'organisations démocratiques
de masse et de partis politiques tient à Ouagadougou une
marche-meeting pour protester contre l'ordonnance de
non-lieu et pour exiger la réouverture du dossier Norbert Zongo.
Notes :(1) David était le chauffeur de François Compaoré.
Accusé de vol, il trouvera la mort suite aux tortures et autres
sévices infligés par des éléments du Régiment de
sécurité présidentielle (RSP). Norbert Zongo enquêtait sur la
mort de David quand il a été lui-même assassiné
le 13 décembre 1998.
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