L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Blaise et la célébration du 15-Octobre : Un changement de thème plus qu'opportun

Blaise et la célébration du 15-Octobre

Un changement de thème plus qu'opportun

 

Il y a quelques semaines de cela, la présidence du Faso a entrepris de célébrer le 15-Octobre sous le thème des vingt (20) ans de l'accession de Blaise Compaoré au pouvoir. Ce qui a eu pour conséquence de faire naître une fracture au sein de l'opinion : les uns estimant que c'est un triste épisode qui n'a pas lieu d'être fêté, les autres jugeant que vingt (20) ans avec toutes les réalisations socio-économiques dont B. Compaoré est le moteur méritent bien des réjouissances populaires.

 

Dans une certaine mesure, la position du premier camp est compréhensible. Celui-ci, constitué essentiellement de sankaristes (mais aussi de personnes dont les valeurs religieuses, traditionnelles et philosophiques les mettent mal à l'aise dans le cadre de telles festivités), ne manque pas d'argument pour décrire les événements comme la fin brutale d'une expérience prometteuse ou au moins un carnage dont les motivations demeurent discutables à ses yeux. En effet, il y a lieu de reconnaître, qui que vous soyez et quoi que vous fassiez, qu'il est difficile, voire impossible, de convaincre l'opinion que ce n'est pas d'un carnage qu'il s'est agi. Cette opinion, on peut s'en moquer car ce n'est pas un gouvernement de l'opinion (du reste ondoyante et pleine de contradictions) que dirige Tertius Zongo, mais l'on ne gouverne pas sans tenir compte d'elle.

Ainsi, des gens se sont retrouvés du jour au lendemain qui sans fils, qui sans mari, qui sans père, qui sans soutien.

Pour ces personnes, assister au 20e anniversaire de l'accession de B. Compaoré au pouvoir, c'est revivre le cauchemar des heures et jours suivants de cet après-midi du 15 octobre 1987. Et contrairement à ce que l'on peut penser, certains hommes forts du régime, qui y ont laissé des frères, des amis ou des camarades, ne seront que de corps avec les organisateurs, pas de cœur.

Pire, ce cœur irait du côté des sankaristes. En plein Etat d'exception, on ne s'en serait pas fait. En démocratie, c'est tout à fait autre chose.

 

Renaissance démocratique au lieu de 20 ans d'accession au pouvoir

 

Quelqu'un dans le comité d'organisation a-t-il eu la sagesse de proposer un autre thème ou les réserves formulées çà et là par des gens qui ne sont pas la cinquième roue du carosse de la IVe République ont-elles eu raison du thème initial ? Difficile d'être affirmatif.

Cependant, il est clair que ce changement est opportun pour trois raisons au moins :

- Si les sankaristes sont dans leur bon droit de citoyens qui utilisent le nom de leur idole et martyr pour capitaliser au plan politique, le pouvoir serait mal inspiré de prendre leur contre-pied de façon aussi brutale ou de faire revivre à plus d'un des moments aussi difficiles. Certes, nous sommes et demeurerons de pauvres humains, donc tentés par les réponses du berger à la bergère. Seulement, les humains qui ont entre leurs mains le sort de leurs semblables ne doivent pas se comporter comme le commun de ces derniers. Sans être des surhommes nietzschéens, ils doivent être des modèles.

- Cahin caha, la réconciliation nationale et le pardon sont de plus en plus des réalités tangibles. Etait-il bienséant de courir le risque d'hypothéquer ces acquis en remuant le couteau dans la plaie ? A l'échelle individuelle, cela pouvait avoir l'avantage de réjouir quelques égo sadiques, mais qu'y gagnerait la nation ? Rien. Ce n'est pas de la faiblesse, loin s'en faut, que d'avoir changé de thème, c'est dans l'intérêt supérieur du pays.

- L'article 167 de la Constitution dit ceci : "Tout pouvoir qui ne tire pas sa source de cette Constitution, notamment celui issu d'un coup d'Etat ou d'un putsh, est illégal".

Quant au rapport du collège de sages, il affirme avec force "que la violence comme moyen de conquête du pouvoir est humainement intolérable, culturellement inadmissible et contraire à la Constitution. Aussi, l'article 167 doit être rigoureusement respecté dorénavant". Si la lettre de ces deux passages cités ne fait pas cas de la célébration de l'accession au pouvoir de Blaise Compaoré, ce n'est pas le cas de leur esprit. En effet, quand on sait comment le président du Faso est arrivé au pouvoir en octobre 1987 (même si par ailleurs celui auquel il a succédé est venu à la tête du pays de la même façon avec toutefois un bilan humain moins important), il n'est pas bien à propos de focaliser la commémoration du 15-Octobre sur ses vingt (20) ans au pouvoir. Car quoique son bilan, à notre sens, soit dans l'ensemble positif, il n'est pas arrivé là de manière démocratique.

Au regard de ces trois points, il était plus que bienséant de revoir le thème, qui, nous semble-t-il, est devenu : "Le 20e anniversaire de la renaissance démocratique avec le président Blaise Compaoré". Le fait de préciser "avec le président Blaise Compaoré" peut paraître redondant car il est évident que si renaissance il y a eu, c'est nécessairement avec lui, mais cela ne constitue pas un problème majeur.

 

Pourquoi ce thème est-il opportun ?

 

Ce thème a l'avantage de :

- mettre l'accent sur les péripéties du parcours historique de l'Etat de droit (et notamment de la IVe République). Ce qui est positif au sens politique tout en ne s'appesantissant pas sur le drame du 15 octobre 1987 au contraire de l'autre thème ;

- être plus rassembleur (ou en tout cas moins excluant) car même des partis d'opposition pourraient, en principe, s'associer à la réflexion ;

- ne pas donner l'occasion à l'opinion d'interpréter de façon ambivalente une célébration qui, en soi, n'est pas une mauvaise chose.

Cela dit, il est bon de relever que :

- Le 15 octobre 1987 est une date importante et donc ineffaçable (comme quelques autres) de notre histoire commune ;

- parce qu'elle est ineffaçable, la nécessité s'impose de l'assumer ;

- l'histoire des nations (même ou surtout grandes) n'est pas seulement faite que d'heurs, mais (parfois) aussi de malheurs ;

- la grandeur du Burkina, dont nous rêvons légitimement tant, est conditionnée par notre aptitude à intérioriser, à digérer et à transformer les pans peu reluisants de notre passé en leçons susceptibles de nous mener vers les voies royales de la sagesse, qui bannit chez l'humain toute frontière intérieure avec son prochain en dépit des différences certaines et des contradictions éventuelles pouvant exister entre eux.

 

Z. K.

L’Observateur Paalga du 26 septembre 2007



26/09/2007
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