L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Ces pubs qui ne parlent pas burkinabè !

Ces pubs qui ne parlent pas burkinabè !

 

La marque la plus évidente que nous sommes dans une société de consommation et de communication est l’inclination actuelle du commerçant et du politique à recourir au spot publicitaire pour vendre son message ou son produit.

 

Aussi la TNB diffuse-t-elle jusqu’à la nausée des films publicitaires avant le JT, pendant les séries et les matchs de foot, et les pubs succèdent aux  pubs… Et le téléspectateur saoul du flot continu de bonne et de mauvaise pub finit par ressembler à une vache regardant passer les wagons de SITARAIL. Même si la pub vise à amener le téléspectateur «à regarder, regarder, jusqu’à ne plus être soi-même» selon Marine JOLY, on devine que c’est dans le dessein d’en faire un consommateur et non un bovin exaspéré. Finalement  le téléspectateur   ressent devant ces spots la fureur destructive du taureau de corrida  face au balancement de la muleta du torero. On constate donc que  la plupart de ces pubs ratent le coche et aboutissent à des résultats diamétralement opposés à leur intention première qui est de séduire et de susciter l’adhésion. Pourquoi ?

On recourt de plus en plus au film publicitaire parce que l’on croit que l’image est un langage universel. C’est pourtant une erreur. Car si la perception visuelle  est commune, on oublie que l’interprétation est soumise au contexte socio-historique et culturel de l’individu. On pourrait donc dire que « image c’est pas image » en paraphrasant une célèbre pub sur les tôles où un vieillard clamait  « tôle c’est pas tôle » pour insister sur les qualités particulières des tôles de son toit.

Le publicitaire doit connaître le téléspectateur dans sa perception de l’image et l’interprétation qu’il en donne. Il doit connaître l’individu dans ses rapports avec ses propres désirs, dans ses interactions avec les autres individus de la société. Pour faire coïncider son intention avec la réception du consommateur. L’échec de la plupart des pubs vient de ce divorce.

Quand le ministère de l’Environnement et du Cadre de vie initie une campagne de communication contre les sacs plastiques qui sont devenus une menace environnementale, cette campagne aboutit au contraire de son intention. Le «sachet noir» est devenu un phénomène de mode légitimé par cette pub. En effet, pour nombre de téléspectateurs, «sachet noir» n’est plus synonyme de danger pour le cadre de vie mais c’est un code pour signifier «le poulet rôti» que l’on ramène de ses virées nocturnes pour calmer sa bien-aimée. Il participe à raffermir les liens du couple. Voilà comment un spot publicitaire pour l’écocitoyenneté devient un spot sur la préservation du couple. Parce que les acteurs utilisés sont des comiques et leur message n’est jamais pris au sérieux et aussi parce le message central est alourdi de trop de messages seconds  parasites qui l’obscurcissent. Hyppolite Ouangrawa et sa compagne passent trop de temps à parler de poulet rôti et c’est ce que retient le téléspectateur.

Par ailleurs, un autre spot du même Ministère ne fait pas mieux en termes d’efficacité. Celui où un voisin passe la tête par-dessus le mur mitoyen et se plaint à la voisine des sachets plastiques qui volettent et le «giflent». Le téléspectateur s’accrochent au fait que cette sorte de voyeur bourru qui regarde par-dessus le mur sa voisine au lieu de passer par un portail mériterait mieux que des gifles de sachets plastiques : un baston d’enfer !

Seul le spot qui met en scène les enfants sauve les meubles. Le message est clair. On peut regretter que le pollueur soit celui qui baragouine un français approximatif et que celle qui parle comme une parigote soit l’exemple. C’est Ouaga 2000 contre Zone «Une». Le petit peuple serait celui qui détruit l’environnement. Néanmoins le message est là : il faut mettre les sachets plastiques dans des poubelles.

 

Il y a nécessité de toujours contextualiser son message si l’on veut qu’il soit efficace. Il y a  une pub (un court métrage presque) sur une grosse cylindrée qui ne l’a pas fait. C’est un motard traversant un village, manquant de tuer un vieux poussant sa charrette et freinant devant une courge. Cette pub veut montrer la puissance de la moto, sa vitesse et les qualités de son système de freinage (sécurité). Elle réussit bien surtout avec un montage focal qui décline les aspects de puissance, de luxe et de sécurité de la moto. Mais en introduisant le motard dans un paisible village où des enfants jouent au ballon, une jeune vendeuse de fruits et un vieux, un ensemble de personnes que l’on considère généralement fragiles et sans défense, le téléspectateur voit dans ce rouleur de mécanique un élément perturbateur, un intrus et même un péril. C’est le citadin qui, imbu de son pouvoir, ne décélère même pas pour traverser un village au risque de tuer un vieux, une jeune fille ou un enfant. Le téléspectateur assimile le personnage de la pub à tous  les automobilistes qui apportent la mort dans les villages qu’ils traversent à vive allure. Le publicitaire aurait choisi un autre cadre et  l’interprétation  en aurait été autre.

Il est vrai qu’il n’est pas dans le pouvoir du publicitaire de supprimer la polysémie de l’image et d’arrêter «la chaîne flottante du sens» dont le spectateur entoure l’image, mais il peut, en ancrant son image dans une certaine culture, en donner un certain niveau de lecture.

 

Il y a une pub d’un office de télécommunication sur une carte prépayée dénommée «Liberté» qui est illustrative de notre propos. Le spot est un court film qui se déroule dans un pénitencier. Après quelques gros plans sur les bottes Rangers du geôlier, sa tenue militaire vert olive et son trousseau de clefs qui ancre l’action dans une prison, le tout dans une atmosphère carcérale faite de bruits de botte et de cliquetis de clés que l’on tournent dans des  serrures. Ensuite un ensemble de plans nous montre des barreaux (dommage que l’on s’aperçoive que ce sont des lattes de bois), une porte que le geôlier entrouvre et on découvre quelques prisonniers tassés dans quelques angles du mitard. Le geôlier ordonne aux bagnards de sortir prendre l’air. Ils lui répondent en brandissant des cartes téléphoniques : «Vous aussi, vous avez besoin de Liberté !». En voix off, on décline les qualités de la carte.

C’est un spot bien monté, de belles images esthétisantes, un message clair qui joue sur une grande figure de la rhétorique de l’image, le paradoxe. La carte «Liberté» rend les prisonniers plus libres que le geôlier. L’oiseau en cage plus libre que l’oiseau dans le ciel ! Cependant, cette publicité est beaucoup critiquée par les téléspectateurs. Pourquoi ?

Parce que la pub ne tient pas compte de l’ancrage culturel de son public cible. La prison n’est pas un lieu «romantique» au Burkina Faso et le bagnard n’est nullement un héros. La prison est un espace miteux où on enferme les petits délinquants et il n’ y a aucune commodité. Pas de sanitaire à plus forte raison de cabine téléphonique. La grande délinquance, ceux qui ont les cols blancs bien amidonnés, n’y va jamais. On ne connaît pas de prisonnier politique. En somme pour le Burkinabé lambda, le bagnard fait partie de la petite pègre et nul ne veut s’identifier à un pensionnaire de la MACO. Peut-être en Afrique du Sud où des héros tel Nelson Mandela ont fait 25 ans de bagne, il en va autrement. Aux USA aussi où le cinéma d’Hollywood a forgé le mythe du prisonnier injustement arrêté et qui se fait la malle pour se rendre  justice, une pub ou un clip avec des prisonniers est facilement toléré.

En plus, les personnages de notre pub semblent si malheureux quand ils nous apparaissent tassés dans leur coin, le visage triste  et brandissant  timidement leur carte que leur refus de prendre un peu d’air dans la cour de la prison nous est incompréhensible. Cette pub est bien faite mais elle ne parle pas burkinabé. «Burkinabè joue pas avec Prison, dê !», dirait Tartempion

Une bonne pub télé doit adjoindre à la beauté de l’image, un message clair pour toucher un large éventail de téléspectateurs. Jean Luc Godard  ne disait-il pas que «mot et image, c’est comme chaise et table : si vous voulez vous mettre à table, vous avez besoin des deux» ? Mais si nos créateurs de publicité veulent que nous consommions avec appétit leurs spots télé, qu’ils n’oublient pas d’intégrer l’escabeau et la natte, ces habituels «pose-fesses» du plus grand nombre de Burkinabé.

 

Barry  Saidou Alceny

L’Observateur Paalga du 6 septembre 2007



06/09/2007
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