Charles Konan Banny : Objectif 2013 ?
Charles Konan Banny
Objectif 2013 ?
Lointain déjà, cet après-midi du 5 décembre 2005, où l’on vit un Charles Konan Banny très jovial reçu en tant que nouveau Premier ministre dans la « petite résidence » de Laurent Gbagbo. La veille, alors que s’était achevé le sommet France/Afrique à Bamako (Mali), d’intenses négociations entre Jacques Chirac et certains de ses pairs africains avaient abouti à l’imposition de l’ex-gouverneur de la BCEAO.
En effet, c’est le 4 décembre que le Sud-Africain Thaobo M’Béki et le Nigerian Olesegun Obasanjo arrivèrent à Abidjan avec un document à en-tête de l’UA qui stipule que « nous, chefs d’Etat... se basant sur la résolution 1633 du Conseil de sécurité de l’ONU et après de larges consultations, décidons de ce qui suit : le Premier ministre de la période de transition, dont la fin est fixée au 31 octobre 2006, est monsieur Charles Konan Banny ». Il est mentionné dans des articles annexes que le nouveau chef de gouvernement est « inamovible et inéligible » en 2006 et que tout cela sera publié au Journal officiel de la Côte d’Ivoire. Aguerri par des années de lutte politique, Gbagbo avale la couleuvre en tapinois et signe le 558e décret présidentiel de l’année 2005, officialisant ce qui s’apparente à ses yeux à une mise sous tutelle de son pays.
Mais ceux qui connaissaient bien le problème ivoirien et surtout la personnalité des deux chefs de l’Exécutif étaient convaincus que cet attelage concocté par la communauté internationale ne pouvait pas parcourir une longue distance : d’un côté on avait Gbagbo qui, depuis qu’il a été échaudé par Marcoussis en janvier 2003, où les ex-rebelles avaient pratiquement été adoubés, et lui dépouillé de ses prérogatives, ne transigeait plus sur son pouvoir. Et de l’autre côté un Banny qui, il faut l’avouer, s’il a longtemps hésité avant de prendre la primature, s’est dit après tout que ce poste pouvait lui servir de répétition générale au cas où un jour il aurait un destin présidentiel.
D’où sa propension à marquer son territoire dans chaque acte qu’il a posé, ce qui, souvent, touchait la susceptibilité du chef de l’Etat. Cette attitude de l’ancien patron de la BCEAO est humainement compréhensible, même si des mois auparavant l’homme avait toujours nié s’intéresser à la chose politique. L’auteur de ses lignes se souvient qu’au cours d’une conférence de presse courant 2005 au siège de la « banque des banques » à Ouagadougou, ayant posé une question relative au faux suspense qu’il entretenait quant à son intérêt pour la présidentielle de 2012, il avait essuyé cette réponse de Banny : « Ecoutez, jeune homme, si vous voulez travailler à la BCEAO, dites-le moi, mais ne racontez pas d’histoire, vos sources sont nauséabondes ... elles ne sont pas bonnes ».
Toujours est-il que le PM multipliera les actes et se donnera à fond pour essayer d’apporter sa pierre à la résolution de la crise dans son pays. Par des rencontres et des gestes forts (telle sa gestion du scandale des déchets toxiques du Probo Koala) et des ... symboles. Hélas, ce que l’on redoutait dès sa nomination arriva le 4 avril 2007, puisqu’après les accords de Ouaga, c’est le chef des ex-rebelles, Guillaume Soro, qui le remplaça, avec, cette fois, l’aval de Gbagbo. C’en est-il fini des ambitions de celui qui affirmait qu’au sujet de la Côte d’Ivoire « il est un chasseur en brousse disposant d’une seule balle, qu’il ne veut pas gaspiller » ?
Pas si sûr, comme l’atteste sa sortie hier 25 juillet 2008 sur les antennes de RFI. Après s’être claquemuré depuis son éviction, Konan Banny s’est livré à fond dans ce bref entretien, où l’humour le dispute à la détermination d’un homme un tantinet amer. Ainsi, à la question de savoir s’il croit au possible déroulement de la présidentielle à la date du 30 novembre, il répondra par des « souhaits, espérant néanmoins que les engagements pris seront tenus ».
Tout en restant sceptique, « on ne sait jamais » face aux « impondérables qui sont nombreux », et n’excluant pas non plus que des gens trouvent des prétextes pour se mettre en travers du processus. L’ex-PM ivoirien demeure circonspect sur les opérations d’identification et de confection des listes électorales et surtout sur le nerf de la paix, le financement. Mais le meilleur reste à venir, puisque si, pour ce scrutin de 2008, il fait chorus derrière Henri Konan Bédié, il n’est pas exclu que « dans 10-15 ans il se présente...tout étant question du moment et de la situation ». Tout est dit dans ce bout de phrase.
Si donc sa candidature « n’est pas d’actualité », Konan Banny n’a pas pour autant enterré ses ambitions de présidentiable, puisque, tout comme Sarkozy il y a quelques années, il y songe en se rasant le matin, mais comme actuellement il est un « militant discipliné et parce que Bédié est un bon candidat... », tout comme d’ailleurs Alassane D. Ouattara, il faut se battre pour que celui qui a le meilleur bilan gagne.
La lecture de cette sortie de Banny est donc assez simple : rassembler le courant houphouettiste, œuvrer à ce que l’un des ses candidats sorte vainqueur du scrutin de novembre et se préparer pour 2013. Un scénario qui n’était pas le sien quand il était PM, puisque, à un certain moment, il a été suspecté de vouloir se la jouer solo : en tentant de détrôner le « sphinx de Daoukro » du PDCI et de se faire adouber pour la présente présidentielle. En sortant du bois à 5 mois de cette échéance, plus que capitale pour ce pays « crisé » depuis 6 années, Charles Konan Banny donne la preuve que l’objectif « Présidence » n’est pas une ligne d’horizon pour lui. Et il a raison après tout, le succès en politique est au bout de la patience, de la prudence et de la constance. En 2013, il ne sera que septuagénaire et aura eu peut-être le temps de mieux se légitimer comme le candidat naturel du PDCI/RDA, ce qui obligerait de facto Bédié à lui passer le témoin, si d’ici là un autre prétendant ne surgit pas, la politique étant volatile par essence.
Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana
L’Observateur Paalga du 26 juin 2008
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