Crash de l’avion Kenyan : La faillite de l’Etat camerounais
Crash de l’avion Kenyan
La faillite de l’Etat camerounais
Il a fallu 48 heures aux autorités camerounaises pour localiser l’épave de l’avion de la Kenya Airways. N’eût été le caractère dramatique de la situation, on aurait parlé d’un gag. Comment tout un Etat peut-il se gourer autant sur la position d’un avion alors que le simple bon sens pouvait permettre d’arriver plus vite sur les lieux du crash ? Cette nouvelle tragédie de l’aéronautique africaine a des causes précises. Il s’agit d’abord de défaillances humaines dont la plus grande responsabilité incombe à l’Etat camerounais, chargé d’assurer la sécurité des vols sur ses aéroports, et d’intervenir en cas de besoin. Déjà, en laissant décoller l’aéronef alors que la météo était infernale, les services aéroportuaires ont fait preuve d’une légèreté dont on connaît le résultat : plus de cent vies enlevées. En matière de sécurité aérienne, l’approximation n’est pas permise. Les passagers sont toujours pressés et les compagnies soucieuses d’être à l’heure. Mais il appartient aux contrôleurs aériens de faire preuve d’une rigueur à toute épreuve. Non contents d’avoir laissé décoller l’avion kenyan, les aiguilleurs du ciel et les secours camerounais sont allés se promener à 150 kilomètres du lieu de l’accident, perdant un temps fou à patauger dans le vide et mettant à nu leur incapacité à répondre aux exigences de rapidité et d’efficacité qu’imposent de telles circonstances. Qui sait, peut-être qu’une prompte réaction aurait permis de retrouver et de sauver des blessés ayant survécu au crash. Des miraculés, on n’en trouve que si les secours arrivent tôt. Le drame de l’avion kenyan vient ajouter une ombre de plus à la situation déjà peu reluisante des transports aériens au Cameroun. On se souvient que la France avait interdit sur son territoire Cameroon airlines en raison du mauvais état de sa flotte. Cette sanction aurait dû servir de signal d’alerte aux Camerounais en vue de prendre les dispositions pour se mettre au diapason des normes internationales. Mais les employés de la compagnie ont vu en cette décision française une sorte de concurrence déloyale en faveur d’Air France. Il est possible que l’Etat français use de subterfuges pour protéger son fleuron aéronautique. Cependant, on ne peut lui dénier le droit de refouler les cercueils ambulants que sont certains avions africains.
L’état de Cameroon airlines est à l’image du laisser-aller qui règne dans les aéroports camerounais. Beaucoup de voyageurs ont gardé un mauvais souvenir de Douala pour son aéroport qui a tout d’un bazar. A la corruption et au laxisme traditionnels sont venues se greffer les rancoeurs de travailleurs frappés de plein fouet par la récession économique. Dans un climat d’affairisme effréné, les innocents voyageurs sont les victimes potentielles. Il n’est un secret pour personne que le plus performant des avions ne vaut que par la qualité des services au sol. Or, visiblement, les zones aéroportuaires, censées être des îlots d’excellence, n’échappent pas à la mal gouvernance générale qui gangrène les administrations africaines. Si bien que l’avion, qui apparaît ailleurs comme le moyen de transport le plus sûr, fait peur. Les Kenyans ne sont sans doute pas exempts de critiques. C’est le deuxième crash que leur compagnie aérienne connaît, après celle de 2000 au large d’Abidjan. Deux drames de cette ampleur en 7 ans, c’est trop. Il faut cependant croire que ce pays n’a pas de chance, si l’on considère qu’en tant que grand pays de tourisme, il fait tout pour sécuriser ses vols. Il serait de ce fait allé vite en besogne que d’accuser le Kenya d’incompétence, d’autant que l’avion tombé à Douala n’aurait que six mois d’existence.
La dégradation de la qualité des prestations dans certains aéroports nécessite une réaction vigoureuse de l’ASECNA (Agence pour la sécurité de la navigation aérienne), la seule structure panafricaine dont le professionnalisme est reconnu de tous. Au nom de la sauvegarde de ces vies humaines victimes chaque année de l’incurie des dirigeants, cette agence a un devoir d’intervention. Elle doit imposer une discipline de gestion très stricte dans les aéroports africains. Aux canards boiteux qui refusent de s’adapter aux normes internationales, elle devrait brandir des menaces de sanction tout en publiant une sorte de liste noire des aéroports dangereux. La perspective d’une mauvaise publicité et donc d’une baisse du trafic peut inciter certains responsables à comprendre enfin qu’on ne transige pas avec la vie des voyageurs. Dans un monde de grande mobilité, où les frontières deviennent inexistantes pour divers échanges, l’avion sera de plus en usité par les Africains. Il est donc impérieux que les autorités politiques s’adaptent à cette aspiration des populations à voyager plus vite et plus loin, en modernisant les outils de voyage que sont les aéroports et les avions.
Le Pays du 10 mai 2007
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