Conflits agriculteurs-éleveurs : Menace sur la cohésion sociale
Conflits agriculteurs-éleveurs
Menace sur la cohésion sociale
La saison des pluies est source de vie pour la nature qui reverdit. Elle l'est aussi pour les animaux, sevrés pendant de longs mois des verts pâturages. Mais l'hivernage vient avec lui , un conflit saisonnier tenace, les éternels affrontements entre agriculteurs et éleveurs. Malgré les textes législatifs mis en place, le Burkina est toujours régulièrement frappé par le fléau des batailles rangées entre populations d'éleveurs et de cultivateurs. Le drame, c'est qu'il y a très souvent mort d'hommes et que l'Etat semble impuissant à enrayer le mal. La récurrence de ces conflits est la preuve que les moyens de préventions sont inopérants, sinon inexistants. Le scénario est toujours le même: les forces de l'ordre n'accourent que lorsque les populations se sont entretuées; puis vient une délégation gouvernementale dans des "tout-terrains" rutilants pour appeler à la paix. C'est toujours une réaction a posteriori dont l'impact est négligeable. Que fait-on en amont pour prévenir les dérives qui risquent de mettre à terme en danger la cohésion sociale ? Car des signes avant-coureurs permettent toujours à un dirigeant d'apprécier la nature des risques d'implosion. Les crises couvent longtemps avant d'exploser au grand jour. Mais quand l'administration se montre laxiste dans le traitement des dossiers encore dans une phase latente, elle fait elle-même le lit des troubles violents. La tentation de se rendre justice soi-même devient alors grande face à une administration ou à une justice assez peu regardante sur les notions d'impartialité. Tant que ces affaires étaient gérées à l'échelle du chef de village, des solutions endogènes appropriées étaient trouvées pour apaiser les coeurs, à la satisfaction des différentes parties. Mais les recours modernes de résolution de ces conflits sont souvent défaillants à cause de la corruption rampante.
Pour le moment, les solutions sont donc ponctuelles, en attendant la prochaine saison agricole et ses crises. On ne semble pas mesurer le danger que constituent à long terme ces déchirements sociaux. Parce qu'ils sont larvés et localisés, on se dit qu'ils seront toujours limités et contenus dans des proportions raisonnables. Mais un seul mort est déjà une vie de perdue et il faut tout faire pour ne pas y arriver. En outre, ces affontements, mis bout à bout, peuvent installer une méfiance durable entre les communautés. A la lumière de l'opposition faite entre ethnies, on peut redouter le pire, quand le lavage de cerveau se sera opéré. Cependant, force est de reconnaître que les lignes de séparation entre agriculteurs et éleveurs ne sont pas aussi simplistes. Car de plus en plus, une même communauté peut exercer les deux activités qui sont amplement complémentaires et non antagoniques. La frontière n'est plus forcément d'ordre ethnique, mais liée au type d'activité menée. Mais le mal est fait et dans l'esprit de bien des Burkinabè, il s'agit bien d'un problème aux relents ethniques. Si cette conviction reste ancrée dans les mentalités, le tissu social dans son ensemble peut donc en être affecté. Le phénomène pourrait aller croissant à cause de la pression grandissante sur le foncier rural. L'urbanisation, la démographie et surtout la relance des cultures vivrières pour surmonter les pénuries actuelles, exerceront inéluctablement une pression sur les éleveurs.
L'agriculteur et l'éleveur continuent à se disputer les mêmes terres qui se réduisent comme une peau de chagrin, rendant encore plus problématique la cohabitation. Que faire face à cette tendance à la réduction des espaces de pâturages? Il est évident que le système actuel de l'élevage extensif est voué à l'abandon. Les défis de modernisation de l'élevage et de réduction des conflits passent par la fin de la divagation des animaux. Mais encore faut-il que l'Etat accompagne les éleveurs et les producteurs dans cette dynamique. Pour le moment, ceux qui se sont lancés dans les embouches bovines ont des difficultés à s'en sortir en raison essentiellement du coût prohibitif des aliments.
Dans un pays où l'élevage et l'agriculture sont les mamelles de l'économie, un arbitrage judicieux s'impose, en vue de permettre la pérennité de ces deux secteurs tout en préservant la paix sociale.
Le Pays du 27 juin 2008
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