Darfour : Bush tape du point sur la table
Massacre au Darfour
Bush tape du point sur la table
Décidément, le Soudan n’arrêtera pas de faire parler tristement de lui de sitôt, ou du moins tant que la situation du Darfour perdurera. La dernière évolution en date dans ce génocide à huis clos, c’est la montée au créneau du président américain, Georges Bush, pour lancer une nouvelle offensive diplomatique. Et l’on ne pourra pas reprocher à George W. Bush de n’avoir pas prévenu Omar El Béchir. Lors d’un discours prononcé le 18 avril dernier au Musée de l'holocauste à Washington, le président américain mettait en garde son homologue soudanais contre le mal qui ronge continuellement la région du Darfour.
En effet depuis quatre ans, la guerre civile dans cette province orientale du Soudan a fait plus de 2,5 millions de déplacés, aujourd’hui réfugiés au Tchad, et provoqué la mort d’environ 400 000 personnes, en majorité civiles ; soit un taux de morts quotidien supérieur à celui enregistré actuellement en Irak. Ainsi, vols, viols, empoisonnement de puits dans une zone pourtant désertique, et destructions de villages y sont érigés en tactiques de guerre. Dans cette hécatombe, les organisations humanitaires, témoins gênants de l’une des catastrophes humanitaires les plus graves de la planète selon Mgr Desmond Tutu, prix Nobel de la paix 1984, voient leur quotidien émaillé d’exactions de toutes sortes. Aujourd’hui, le problème est devenu sous-régional, car le Tchad et la Centrafrique y sont impliqués d’une manière ou d’une autre.
Les Américains et leur président sont donc décidés à faire bouger les choses, ne serait-ce que par humanisme après le fiasco irakien. Aiguillonné par la pression parlementaire et l’opinion publique nationale, Bush fils ne veut plus rester impassible face à cette tuerie à grande échelle. Il avait demandé des actes de la part de son homologue El-Béchir, montrant la détermination de son régime à accepter l’application de la résolution 1 706 du Conseil de sécurité d’août 2006 (avec l’envoi de 20 000 Casques bleus). Mais tout en promettant de coopérer, le président Béchir trouve toujours de nouveaux moyens de contrarier les efforts que déploie l'ONU en vue d'instaurer la paix dans son pays.
Ainsi donc, le devoir du bon gendarme du monde commandait à l’Oncle Sam de réagir face aux massacres perpétrés par les milices djandjawids dans des villages entiers. Ce mal ne saurait bénéficier de l’aval de la communauté internationale, même si les mésententes de celle-ci ont toujours servi la cause de Khartoum.
Les sanctions contre le gouvernement soudanais, complice à l’évidence de bombardements et de viols de civils innocents sont d’ordre financier : 31 compagnies publiques soudanaises, liées pour la plupart au secteur pétrolier, vont être ajoutées sur une liste de 130 entreprises avec lesquelles les Américains sont interdits de toutes transactions commerciales et financières. Ces sociétés ne pourront pas utiliser le dollar comme monnaie d'échange, ce qui va rendre plus difficile leur commerce avec l'étranger. A cela s’ajoutent des restrictions visant trois personnalités- clé du régime du président El-Bechir : il s'agit d'Ahmed Mohammed Haroun, le secrétaire d'Etat aux affaires humanitaires, un homme déjà poursuivi pour crimes de guerre par la Cour pénale internationale, d'Awad Ibn Auf, le chef du renseignement militaire, et de Khalil Ibrahim, le chef d'un mouvement rebelle (le Mouvement pour la justice et l'égalité), qui a refusé de signer l'accord de paix. Ils ne pourront pas avoir de relations financières avec les Etats-Unis. Pour ce qui est des sanctions militaires, une nouvelle résolution du Conseil de sécurité de l'ONU est en préparation. Si elle est votée, comme le souhaite Washington, elle renforcerait non seulement l'embargo sur les armes à destination du Soudan, mais interdirait aussi tout vol militaire des forces soudanaises au-dessus de la province du Darfour.
C’est là surtout que ça risque de coincer, car la Chine, qui soutient le Soudan, ne donnera peut-être pas son aval au conseil de sécurité de l’ONU. On peut donc se demander jusqu’où peut porter la décision des Américains. Pékin qui fournit des armes à Khartoum et lui achète plus de la moitié de sa production pétrolière, ne voudra pas avaler cette tasse de thé aussi facilement. Mais si l’étau se resserre sur El Béchir et son protecteur chinois Hu Jintao avec l’adhésion de la Grande-Bretagne et d’autres alliés, la pilule pourrait passer. Il faudrait alors que la volonté de Bush soit réellement manifeste pour que les autres puissances acceptent de le suivre dans cette offensive contre la barbarie qui a cours au Soudan. Et ça, ce ne sera pas une mince affaire.
Kader Traoré
L’Observateur Paalga du 31 mai 2007
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