L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Des souvenirs tragiques à Koudougou

COMMEMORATION DU 15 OCTOBRE

Des souvenirs tragiques à Koudougou

Quatre ans de dur labeur, quatre ans de restructurations, quatre ans de réformes, quatre ans d’éveil de consciences, bref, quatre ans de révolution. Une période que les Burkinabè sont loin d’oublier, surtout les Koudougoulais. La révolution a eu des acquis, mais aussi des insuffisances. A Koudougou, certains se souviennent de cette période, comme si c’était hier, en l'occurrence ceux qui ont vécu les chaudes journées du 27 octobre 1987 à Koudougou. Nous avons rencontré certaines personnes qui ont vu naître cette révolution et qui l’ont également vue mourir. Voici ce qu’ils nous confient comme souvenirs de cette période.

François Sondo

"Des acquis, mais aussi des insuffisances"

"La révolution est une expérience que nous avons vécue au Burkina, et qui, au départ, était une bonne chose par rapport à la prise de certaines décisions. Notamment les décisions à caractère social, comme la construction des cités, qui a permis à certains d’être bien logés. Les acquis majeurs de la révolution, c’est d’abord la vie de l’Etat ; on avait amené les ministres et directeurs d’institution à adopter un rythme de vie qui s’adaptait aux moyens de l’Etat. Au niveau de l’éducation, il y a eu la baisse des frais de la scolarité, il y a eu également la réduction du coût des loyers, etc. Mais, comme certains n’ont pas compris ces mesures, ils pensaient que ce n’était pas bien. Il y a aussi eu des insuffisances à un moment donné. Les libertés individuelles et collectives étaient un peu, quelquefois, bafouées. La fin de cette période révolutionnaire à Koudougou, notamment la date du 27 octobre 1987, a été désolante. J’ai été tellement déçu. Je ne pouvais pas comprendre que pour un problème donné, les Burkinabè ne puissent pas s’asseoir, discuter et se comprendre. A l’époque, on a pris la ville en otage, on tirait partout, on a affolé la population ; c’était vraiment désolant. Ceux qui ont eu le courage de rester en ville ce jour-là n’étaient pas nombreux. Les gens ont fui à pied pour aller à Réo, certains à Goundi, d’autres à Tiogo. Des enfants se sont égarés dans la nature. Il a fallu 2 ou 3 jours pour les retrouver. La solution était de négocier. Tous les conflits se dénouent ainsi. Les droits de l’homme ont été bafoués, certains soldats se sont rendus, mais, malgré cela, ils ont été tués. Certains ont été tués et brûlés soit la nuit, ou dans la journée. Certains n’ont pas été dignement enterrés. On a simplement versé de la terre sur leur corps. La vie humaine est sacrée ; quand un individu tue son semblable et le brûle, c’est très grave. Même en étant dans un Etat de droit, on a remarqué que cela continue. Norbert Zongo a été tué et brûlé. La révolution est une expérience qui va nous permettre de mieux nous organiser."

Issouffou Kabré

"Les CDR, la tache noire"

"La révolution est arrivée quand j’avais 23 ans. Nous étions tous dedans. En tant que musulman croyant, je peux dire que ce qui est arrivé est l’œuvre de Dieu. C’est le destin. Mais après le départ de Thomas Sankara, je constate qu’il n’y a pas eu un grand changement en terme d’actions qui se posent sur le terrain par le pouvoir actuel. Les acquis de la révolution sont nombreux, elle nous a ouvert les yeux, comme on le dit, c’est-à-dire éveillé les consciences. Elle a beaucoup aidé à construire la nation. Les insuffisances, c’était surtout les CDR. Ils n’avaient pas compris leur mission dès le début. Ils se sont comportés de telle sorte que les gens avaient l’impression que la révolution était venue pour tout détruire, alors que ce n’était pas du tout cela. Mais, comme je l’ai dit, c’était la volonté de Dieu. Peut-être que Dieu n’a pas voulu que la révolution dure longtemps, voilà pourquoi ils se comportaient ainsi. C’est un régime que j’ai aimé même s’il avait ses aspects négatifs. La fin de la révolution a été tragique, mais nous avons pu éviter le pire. Parce que le capitaine Boukari, dit le Lion, a été compréhensif. Il n’a pas voulu riposter, je pense que ça a été une bonne décision de sa part en tant que chef de BIA. Je le félicite pour cela. Si Dieu a voulu que Blaise Compaoré soit au pouvoir, on doit l’accepter et le soutenir pour le développement de la patrie. Tout vient de Dieu, donc on ne pouvait que l’accepter. Sinon le 27 octobre à Koudougou n’a pas été facile."

Ousséni Zoungrana

"Des actions collectives de développement"

"Le souvenir que j’ai de la révolution, c’est l’ensemble des actions collectives de développement qui ont jalonné cette période. Les insuffisances, c’était les CDR. Je peux même dire que c’est eux qui ont été à la base de la chute du régime. En tant que Burkinabè, je ne souhaitais pas que la révolution se termine par un bain de sang comme nous l’avons vécu. La date du 27 octobre 1987 a été une date noire pour les Koudougoulais. Nous avons tous eu peur ce jour-là. C’était vraiment désolant."

Amado Zoungrana

"Une belle expérience pour le Burkina"

"Avant la révolution, le peuple n’était pas éclairé. Mais avec l’avènement de la révolution, les gens ont pris conscience. Si la révolution se prolongeait, elle allait devenir comme une sorte de démocratie. C’est-à-dire que personne n’allait être brimé ou opprimé. Mais les gens n’ont pas compris l’idéologie de la révolution, ils pensaient que la révolution allait les faire souffrir. Elle a été une belle expérience pour le Burkina Faso .Il y a eu beaucoup d’acquis sous la révolution, je peux même vous dire que tous les projets en exécution actuel dans le pays sont issus de la révolution. Si elle avait eu la chance de durer un peu plus, les citoyens allaient comprendre que la révolution a beaucoup d’aspects positifs. Le début a été difficile, cela est normal. Pour réussir une bonne œuvre, il faut traverser des périodes difficiles. Ce que j’ai cependant déploré au cours de cette période, c’est surtout les agissements des CDR. Ils ont outrepassé la mission qui leur avait été confiée. La révolution a voulu que l’on traite tout le monde sur le même pied d’égalité. Que les plus nantis soutiennent les plus démunis. Mais beaucoup de gens n’ont pas compris cela. Ce n’est pas comme aujourd’hui, où les plus riches se moquent des plus pauvres parce qu’ils n’ont pas à manger. La révolution a connu une fin douloureuse, surtout à Koudougou ici. Nous avons été beaucoup marqués par la fin de cette ère révolutionnaire, notamment à la date du 27 octobre 1987. Nous avons vécu des nuits cauchemardesques. Nous avons tous fuit la ville. Certains ont camouflé leurs enfants dans des puits perdus, d’autres ont transporté leur famille par des charrettes pour chercher un lieu de refuge. Tout cela est dû au fait que les uns et les autres ne se sont pas compris. La révolution burkinabè a été bien parce qu’il n’y avait pas de voleurs ni de corrupteurs, encore moins des corrompus comme aujourd’hui."

Propos recueillis par Dabadi ZOUMBARA

Le Pays du 16 octobre 2007

 

ENCADRE

Des symboles qui se meurent

La perfection n’est pas de ce monde , comme le dit un vieux dicton. C’est ainsi que la révolution avait ses côtés positifs et négatifs à l’image des agissements des CDR, décriés par bon nombre de citoyens. Elle s’en est allée avec certains de ses pères fondateurs dont le capitaine Thomas Sankara. A Koudougou, certains y ont également laissé leur peau. Les symboles forts de ces heures Sankara se sont dégradés peu à peu. L’ex-camp BIA (Bataillon d’intervention aéroportée), autrefois dirigé par le capitaine Boukari Kaboré, dit le lion, n’est plus que l’ombre de lui-même. Sur la route de Tiogo, reposent certains militaires comme le sous-lieutenant Bertrand Ky et certains de ses compagnons.



16/10/2007
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