L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Dialogue direct inter-ivoirien : Dans le secret des négociations

Dialogue direct inter-ivoirien

Dans le secret des négociations

Depuis le 05 février 2007, tous les regards sont tournés vers Ouagadougou la capitale burkinabè où se déroule à la demande du Président ivoirien Laurent Ggabgo, ce qu’il a appelé dans son message du 20 décembre 2006 « dialogue direct avec la rébellion », sous la facilitation de son homologue bur-kinabè jusqu’alors présenté comme parrain de l’opposition armée qui occupe la moitié Nord de la Côte d’Ivoire.

La crise ivoirienne a connu une multitude de médiations dites de dernière chance. Or, curieusement les pourparlers de Ouagadougou ont suscité d’immenses espoirs un peu partout dans le monde et singulièrement au sein de la communauté ivoirienne. A la vérité, les combattants sont fatigués.

Tous scrutent donc le ciel paisible de Ouagadougou à la recherche de l’accord entre belligérants qui scellera véritablement le retour de la paix en Eburnie un peu comme on le fait de la fumée blanche du conclave des cardinaux annonçant la désignation du nouveau Pape.

Le problème est que le facilitateur a imposé le silence radio aux deux (2) délégations venues négocier respectivement pour le camp présidentiel et celui des Forces nouvelles. Nos confrères ivoiriens venus nombreux pour couvrir les pourparlers font inlassablement le pied de grue à l’hôtel Libya où se déroulent les négociations.

Les chefs des délégations, Désiré Tagro pour le camp présidentiel et Louis Dacoury Tabley pour les Forces Nouvelles ont multiplié respectivement les déplacements à Abidjan (pour le premier) et à Bouaké (pour le second) soit pour rendre compte de l’évolution des pourparlers soit pour requérir des directives sur un point précis d’achoppement des discussions.

Après avoir introduit le dialogue, le Président du Faso est intervenu personnellement quelques rares fois pour débloquer les situations difficiles laissant le soin à Djibril Bassolet (le négociateur maison du gouvernement) et à ses conseillers Zakané et Moustapha Saffi de conduire la facilitation.

Soro à la Primature

A ce que l’on dit, des compromis ont été trouvés même sur les points les plus délicats comme le désarmement et l’identification des populations. Le camp présidentiel qui avait toujours soutenu que les rebelles ne devraient pas obtenir sur tapis vert ce qu’ils n’ont pas pu conquérir par les armes a véritablement lâché du lest pour ce qui est du partage du pouvoir en acceptant que Guillaume Soro succède à Charles Konan Banny à la primature.

Mieux, Gbagbo accepte de céder dans son quota, certains portefeuilles ministériels à l’opposition non armée. Sur la question des galons acquis dans la rébellion, Louis Dacoury Tabley se serait montré très persuasif à l’endroit des chefs militaires de la zone sous contrôle rebelle.

Ces derniers auraient donc accepté lors d’une rencontre qui s’est tenue jeudi 15 février 2007 à Bouaké, de les abandonner lors de leur réintégration au sein des FANCI, les enrôlés qui n’appartiennent pas aux effectifs réguliers de l’armée devant être intégrés dans le service civique.

Requiem donc pour la 1721 si ce deal politique entre belligérants est enterré par la communauté internationale. Exit, le tandem Gbagbo-Banny poussif et grippé par les contradictions de la résolution 1721 censées le doper. Or, avant d’engager les négociations, le secrétaire général des Forces Nouvelles Guillaume Soro avait donné successivement l’assu-rance au Premier Ministre Charles Konan Banny et aux alliés du RHDP (Rassemblent des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix) que la 1721 resterait la balise aux pourparlers.

Comment comprendre un tel revirement qui laisse en rade ses amis de l’opposition politique qui, il faut le dire, ont toujours joué les vierges effarouchées quand on évoque leurs accointances avec la rébellion ? Alassane Dramane Ouattara le leader du RDR présenté comme le mentor de Guillaume Soro, a toujours multiplié les procès en reniement de paternité quand on essaie d’établir une responsabilité quelconque de sa part dans les événements du 19 septembre 2002 et qui ont conduit la Côte d’Ivoire dans une partition de fait.

N’en déplaise à Alphonse Djédjé Mady qui a soutenu le contraire après l’adoption de la résolution 1633, lorsque alors il insistait sur le rôle joué par le PDCI dans la défense des institutions républicaines. Alphonse Djédjé Mady dans sa charge avait expliqué que le RDR et la rébellion, c’était bonnet blanc, blanc bonnet et qu’il fallait que les Ivoiriens sou-tiennent le PDCI s’ils veulent faire l’économie d’une seconde rébellion après la sortie de crise.

Agacé par les réflexions pour le moins désobligeantes de la part de ses alliés, le jeune chef rebelle qui estime avoir longtemps tiré les marrons du feu, a décidé de jouer désormais sa carte personnelle. Soro s’est émancipé de la tutelle d’ADO qu’on lui prêtait. Dans tous les cas, la crise existe parce qu’ils détiennent les armes.

Le jour où ils les déposeraient, la politique normale reprendra ses droits avec la réunification du pays. Sur ce point au moins, on pourrait dire qu’il est en harmonie avec Gbagbo quand ce dernier déclare caustique à l’endroit de son opposition, que les moutons se suivent mais n’ont pas le même prix.

Des vice-présidents pour le PDCI et le RDR

Comment renier la rébellion tout en revendiquant un partage équitable de ses dividendes quand ce n’est pas simplement la part du lion ? A ce que l’on dit, la mission de l’opposition ivoirienne arrivée à Ouagadougou sous la conduite de Monsieur Alassane Dramane Ouattara le 20 Février 2007, ne s’inscrivait pas dans une consultation des acteurs politiques ivoiriens voulue par le facilitateur, comme l’a laissé croire la version officielle.

Ladite délégation composée d’Ali Coulibaly, Amadou Soumahoro, Alphonse Djédjé Mady et Noël Nemin respectivement du RDR pour les deux (2) premiers et du PDCI pour les deux derniers, était venue négocier une place dans l’architecture gouvernementale qui se dessine. Leur tentative visait à faire prendre en compte partiellement le plan Bongo en attribuant à leurs partis des vice-présidences de la République même s’ils démentent formellement à Abidjan.

ADO et Bédié auraient appris que Soro qui a reçu leur quitus pour le dialogue direct avec Ggagbo était en train de faire un enfant dans leur dos. Au cours de la rencontre qu’ils ont eue avec la délégation des Forces nouvelles, les missionnaires du RDHP n’auraient pas obtenu les concessions souhaitées. « On ne va pas pisser et un caïman sortira de ce pipi pour nous dévorer. Nous ne l’admettrons jamais. »

Tel est le sentiment de dépit lourd de menace, exprimé par un membre de la mission de retour à Abidjan où l’on se demande pourquoi l’UDPCI et la MFA (également membres du G7) n’ont pas été associés au voyage de Ouagadougou. Une chose est sûre : quelle que soit l’issue des pourparlers, le divorce est désormais consommé entre les Forces Nouvelles et l’opposition ivoirienne que l’on soupçonnait de vouloir jouer le chrono jusqu’à la date fatidique du 31 octobre 2007, sans rien faire véritablement pour la sortie de crise.

Or, dans le septen-trion ivoirien, les chefs rebelles ont leurs problèmes d’intendance qu’elle n’aide pas à résoudre. On l’a vu avec la crise du parlement où les députés de cette opposition ont dû cesser le boycott faute de soutiens fi-nanciers quand Mamadou Coulibaly le bouillant Président de l’Assemblée nationale leur a coupé les vivres.

En l’étape actuelle des choses, chacun devrait cultiver son jardin avec des fortunes diverses pour les prétendants au fauteuil présidentiel.Très fier de son statut d’ancien président, Henri Konan Bédié a du souci à se faire dans la mesure où les dissidences sont désormais légion dans son camp.

Après Laurent Dona Fologo, Emile Constant Bombet, Ahoua N’guetta et Jean Konan Banny animant tous comme qui dirait, une guérilla des éléphants, il devrait compter avec une éventuelle candidature de Charles Konan Banny à la magistrature suprême qui sera libéré des contraintes de la 1721 si d’aventure le Conseil de sécurité endosse l’accord issu du dialogue direct.

D’aucuns pensent que l’ex-gouverneur de la BCEAO ne peut pas être débarqué avant le terme échu par la résolution 1721. Ce qui n’est pas exact d’autant que le texte stipule que « le Conseil de sécurité approuve la décision du Conseil de paix et de sécurité de proroger le mandat du premier ministre Charles Konan Banny à partir du 1er novembre 2006, pour une nouvelle période finale de transition n’excédant pas 12 mois et sa décision selon laquelle le Premier ministre ne pourra se présenter à l’élection présidentielle qui sera organisée avant le 31 Octobre 2007 ». Comme on, le voit, même si cela n’est pas explicitement écrit, la prorogation du mandat peut être moins d’un an mais pas au-delà.

Candidat déclaré à la future élection présidentielle, ADO ne connaît pas de contestation majeure de son leadership au sein du RDR. Toutefois, il devra tout faire pour arrêter l’hémorragie de ses militants en direction du FPI de Laurent Gbagbo et trouver une solution à l’équation Soro dans la mesure où personne ne peut parier sur la direction que prendront les noces barbares qu’il a scellées avec le Chef de l’Etat.

En politique, il ne faut jamais jurer de rien. Au regard de sa jeunesse, Guillaume Soro a encore le temps de se construire une belle carrière politique. Aussi, s’attelle-t-il déjà à la création d’un parti politique sur les cendres des anciennes poupées gigognes que sont le MPCI, le MJP et le MPIGO. Mais, il devra surtout veiller à l’unité de son camp au risque de voir éclater des dissidences meurtrières commanditées d’où l’on peut bien imagi-ner.

C’est la menace la plus grave qui pèse sur le futur accord qui sortira des négociations de Ouagadougou. Autrement, les gesticulations du G7 n’impressionnent plus personne. On a pu voir leurs limites lors du bras de fer entre le président Gbagbo et son Premier Ministre Charles Konan Banny.

Michel Zoungrana

L’Indépendant du 06 mars 2007



21/03/2007
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