L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Envoi de militaires burkinabè en RCI : Les envahisseurs arrivent par la grande porte

Envoi de militaires burkinabè en RCI

Les envahisseurs arrivent par la grande porte

 

"Des gorilles burkinabè dans la forêt ivoirienne?" Telle était la question que nous nous posions le mercredi 11 juillet 2007, deux semaines après l'attentat raté contre Guillaume Soro.  Le 29 juin en effet, alors qu'il venait installer dans son fief de Bouaké des magistrats commis aux audiences foraines, l'avion du Premier ministre de Côte d'Ivoire a essuyé des tirs de roquettes qui ont fait quatre morts et plusieurs blessés.

Lui-même n'eut la vie sauve que parce qu'il aurait changé de cabine entre-temps. Qui étaient ces tireurs embusqués ? Etaient-ils venus du Gbagboland ? Sont-ils des renégats des Forces nouvelles qui n'ont pas intérêt à ce que la paix revienne ou tout autre type de pêcheurs en eaux troubles dont le marigot politique ivoirien est plein ? Les réponses à ces questions ne sont toujours pas formellement et définitivement connues.

Le coup de semonce était en tout cas suffisamment grave pour que le leader des FN  vienne se planquer quelques jours à Ouaga, question de se ressourcer et de consulter le président Blaise Compaoré. Présenté dès les premières heures de la rébellion comme le parrain voire l'artificier des croquants du nord-ivoirien, le chef de l'Etat burkinabè est surtout devenu, par la volonté de son homologue Laurent Gbagbo, le facilitateur du dialogue direct interivoirien, sous les yeux duquel a été signé, le 4 mars 2007, l'Accord dit de Ouaga.

Un modus operandi plus que jamais porteur de prix, même si son calendrier initial, qui doit déboucher sur des élections générales libres, transparentes et ouvertes à tous, accuse un sérieux retard.

On comprend donc aisément ce qu'ont pu susciter dans la capitale burkinabè les salves du 29 juin, car, en même temps que l'aéronef premier ministériel, c'est l'Accord de Ouaga que les roquettes assassines avaient visé et atteint, en partie. Suffisamment en tout cas pour que le médiateur s'inquiète de la sécurité du miraculé de Soro et veuille, à la demande de ce dernier, jouer les anges gardiens pour prévenir à l'avenir ce genre d'embuscades meurtrières.

De fait, ce qui n'était que conjectures il y a peu est en train de devenir réalité, à pas cadencés.

Car, si le plat de résistance de la session extraordinaire de l'Assemblée nationale, convoquée  du 17 au 31 juillet courant, est l'examen et l'adoption du projet de loi sur la réforme de l'éducation, la touche politique devrait concerner l'évolution de la situation en Côte d'Ivoire.

On voit en effet circuler dans les couloirs de l'Hémicycle ces derniers jours un projet de loi portant autorisation d'envoi d'un contingent militaire en République de Côte d'Ivoire dans le cadre de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (ONUCI). Un texte qui devrait faire l'objet, ce matin même, de la conférence des présidents avant d'être appelé en plénière le 31 juillet prochain.

De l'exposé des motifs, dont nous avons obtenu copie, il ressort que c'est à la demande des autorités ivoiriennes que le Burkina s'engage "en vue de contribuer à la sécurité du Premier ministre, pièce maîtresse de l'Accord politique de Ouagadougou et du processus de paix".

Trois raisons, dit-on, expliquent le choix porté sur "le pays des hommes intègres" pour fournir cette unité: "l'implication personnelle" du Président du Faso dans le règlement de la crise, la "confiance placée en notre pays" et "la bonne prestation habituelle des personnels militaires burkinabè dans le cadre des missions de maintien de la paix".

Si donc cette loi était votée, 150 soldats burkinabè seront déployés, pour une durée de douze mois minimum, pour servir au sein de l'ONUCI, laquelle prendra en charge les frais de transport aller et retour des militaires burkinabè mis à sa disposition, leur fournira une police d'assurance et leur versera un perdiem pour le gîte et le couvert.

On voit donc déjà l'ombre des gorilles burkinabè, que nous annoncions, se profiler et se préciser dans la forêt ivoirienne, et le bruit de leurs rangers résonner de plus en plus fort au fur et à mesure qu'ils se rapprochent de la lagune Ebrié.

Il faut sans doute se féliciter, comme nous l'avons souvent écrit, de ce que les choses se passent désormais dans la plus pure tradition démocratique, c'est-à-dire avec une relative transparence où le Législatif est mis dans le coup.

Révolue donc cette époque où, par le seul fait du prince, on envoyait des corps expéditionnaires burkinabè guerroyer pour des causes qui leur sont étrangères quand les raisons n'étaient pas tout bonnement inavouables, comme ce fut le cas au Liberia.

En Côte d'Ivoire au moins, ça nous concerne directement.

L'affaire, en réalité, était pliée depuis la commission du forfait du 29 juin, même si, pour se prémunir de toute critique d'ingérence, les autorités burkinabè attendaient d'avoir l'onction onusienne avant d'entreprendre quoi que ce soit. Les obstacles semblent donc être visiblement levés, et les soldats de Blaise désormais bienvenus (même si cela reste à confirmer) dans cette Eburnie dont on les accusait d'être les pyromanes. Quelque part, le régime en place à Ouaga, qui n'a jamais été tout à fait blanc dans le drame ivoirien, doit savourer une petite revanche, car si la chose devait s'avérer définitivement, on assisterait à l'entrée par la grande porte des jusque-là indésirables "envahisseurs".

Zorro, qui se sent "moralement obligé" de se jeter à corps perdu, arrive donc, et même pas à pas feutrés, pour éviter  que les snippers, qui n'ont peut-être pas dit leur dernier mot, ne déchirent sa feuille de route.

Mais quelle que soit la noblesse présumée de l'équipée, elle n'est pas sans poser quelques problèmes.

Car en décidant de devenir le "body guard" de Soro et quand bien même ce serait à la demande expresse de ce dernier, Blaise désavoue sans le vouloir les Forces armées des Forces nouvelles (FAFN), les FANCI (Forces armées nationales de Côte d'Ivoire) ainsi que l'ONUCI, qui n'ont pas été en mesure d'assurer la sécurité de son protégé. Il aurait voulu leur dire qu'elles étaient inefficaces voire incompétentes qu'il ne s'y serait pas pris autrement. "Dégagez, bandes d'incapables que je vous montre comment on doit s'y prendre" ! semble dire le chef de l'Etat burkinabè qui peut, il est vrai, se prévaloir d'un pedigree respectable en la matière.

Du coup, il n'est pas sûr que la collaboration entre le contingent burkinabè et les autres soit franche et loyale.

C'est de ce fait une aventure un peu risquée sur un terrain a priori inconnu, cela, d'autant que certains, là-bas, ne verraient pas  d'un mauvais œil le beau Blaise dans de beaux draps, et ne ménageraient certainement pas leurs efforts pour le voir échouer.

Cela dit, il faut reconnaître que dans l'atmosphère de suspicion généralisée qui règne au bord de la lagune Ebrié depuis ce 29 juin 2007, les éléments burkinabè sont censés être plus "neutres, et donc plus dignes de confiance que les rebelles, les forces loyalistes et même les éléments de l'ONUCI, sur lesquels certains avaient vite fait de porter un doigt accusateur.

Mais si demain, Blaise Compaoré, après avoir coaché la signature de l'Accord de Ouaga dont il assure le service après-vente, devait prendre pied, au propre, dans le bourbier ivoirien, il faut espérer pour lui qu'il ne s'enlisera pas, et avec lui tout le Burkina.

 

La Rédaction

L’Observateur Paalga du 23 juillet 2007



23/07/2007
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