Etudiants et politique : Eviter le mélange des genres
Etudiants et politique
Eviter le mélange des genres
Que l'université soit un foyer de bouillonnement des idées, nul ne peut le contester. C'est le contraire, c'est-à-dire, des campus mornes, incapables de s'emparer des grands débats intellectuels, qui serait surprenant. On l'a vu avec l'université de Dakar qui a porté toutes les luttes des intellectuels francophones sur la question des indépendances. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien si Nicolas Sarkozy, le président français, y est retourné pour prononcer le discours fondateur de sa vision de l' "homme africain", en raison du rôle prééminent qu'a joué cette université dans l'éclosion et la formation de l'intelligentsia africaine.
L'université est donc par essence au coeur de la politique. Mais il y a politique et politique. Car contrairement à leurs devanciers qui ont milité pour des causes nobles, les étudiants d'aujourd'hui s'adonnent le plus souvent à de la politique politicienne. Ils deviennent des acteurs au même titre que les hommes politiques dont l'ambition est la conquête du pouvoir d'Etat. Seulement, ils mènent leurs activités dans l'enceinte même du campus, ce qui brouille totalement le jeu. Est-on à l'université pour étudier ou pour faire de la politique? Telle est la question que l'on est en droit de se poser, car ce mélange des genres est en grande partie à l'origine de la crise des universités. Bien sûr, on ne peut occulter tous les dégâts sur le système universitaire provoqués par les différentes réformes économiques imposées par les bailleurs de fonds. On ne peut écarter la saturation du marché de l'emploi qui fait de l'étudiant un chômeur en puissance, pas plus que l'on ne saurait nier l'impact de la misère généralisée de la société sur la vie de l'étudiant. Tous ces facteurs conjugués ont pu influencer négativement les comportements de ces derniers. Mais il n'empêche que la transformation de l'université en théâtre d'opérations politiques a achevé de la fragiliser. Les clivages partisans se sont déportés sur le campus, faisant des étudiants des relais de partis politiques. Comment dès lors discuter, en toute franchise et sans a priori, des problèmes spécifiquement académiques?
L'université de Ouagadougou souffre aussi de cette politisation à outrance. Les cellules des partis y agissent à visage découvert, recrutant et utilisant des étudiants qu'ils n'hésitent pas à instrumentaliser. Face aux dérives qu'une telle pratique entraîne sur le campus, des mesures strictes devraient être prises par les autorités compétentes. Tout étudiant, en tant que citoyen, a le droit d'exprimer ses convictions politiques et même d'en être acteur, mais cela devrait se faire hors des limites territoriales de l'université. L'étudiant doit retrouver sa vocation première, celle de suivre des cours dans les conditions que l'Etat peut lui offrir. En cela, le système doit pouvoir rendre justice aux étudiants consciencieux, non seulement en leur délivrant des diplômes, mais aussi et surtout en leur procurant de l'emploi. Les politiciens arrivent à mettre le grappin sur les étudiants en profitant justement de leur situation de précarité, avec un marché de l'emploi incertain. Face à un avenir bouché, les étudiants sont des proies faciles pour les manipulateurs de tout acabit.
Dans tous les cas, un sursaut contre la récupération politique au sein de l'université est plus que jamais nécessaire. Revendiquer ? oui; mais sans calculs ou sans pressions de mentors tapis dans l'ombre. Faire de la politique ? oui; mais pas au détriment de l'avenir de tout un pays. Voilà comment l'université burkinabè peut retrouver la crédibilité qui a fait ses années de gloire.
Mahorou KANAZOE
Le Pays du 4 septembre 2008
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