Forum sur la gouvernance en Afrique : Le difficile passage aux actes
Forum sur la gouvernance en Afrique
Le difficile passage aux actes
Le Forum sur la gouvernance en Afrique est à sa 7e édition. Au rythme où se mettent en place les instruments et mécanismes devant présider à la bonne gouvernance sur le continent, on est parti pour des forums à n’en pas finir. Car, après toutes ces grand-messes sur la question, la bonne gouvernance, entendue dans le sens simple de la gestion démocratique et rigoureuse de nos Etats, demeure toujours une arlésienne. Très peu d’Etats africains peuvent s’enorgueillir d’offrir à leurs populations la sécurité, du point de vue social, économique et politique. L’Afrique continue de traîner bien des tares préjudiciables à son développement. Rien que sur la question de l’égalité des citoyens devant la loi, on peut reprocher beaucoup d’insuffisances aux pays africains. La confusion toujours entretenue entre l’Etat et le parti au pouvoir crée une citoyenneté à plusieurs niveaux : tout pour les proches du régime et rien pour les autres. Certains entrepreneurs courageux en arrivent à baisser les bras en raison de la concurrence déloyale que leur oppose une catégorie d’opérateurs économiques dont le seul mérite est de détenir la carte du parti présidentiel ou d’être proches des cercles du pouvoir. Cette discrimination s’exerce tant dans l’accès aux marchés publics que dans l’application de la loi fiscale.
Cet exemple n’est qu’une facette du spectre de pratiques attentatoires à la bonne gouvernance en Afrique vécues par les populations au quotidien. Le souci des dirigeants réunis à Ouagadougou est axé sur le renforcement des capacités de l’Etat. Cela sous-entend des ressources supplémentaires à accorder aux pays. Certes, des Etats sans capacités en matière de lutte contre la corruption ou la fraude sont fragiles. Mais dans le cas africain, il est exagéré de ramener le problème de la gouvernance à une question d’accroissement des ressources allouées à la lutte contre la pauvreté et pour le renforcement des capacités de l’Etat. La responsabilité des dirigeants est primordiale. Il ne sert à rien en effet de créer des institutions à la pelle quand elles sont incapables d’agir pour que prévale la transparence dans la gestion des affaires publiques. Dans les différents pays, ces structures censées veiller aux bonnes pratiques des gouvernants existent mais ont fait la preuve de leur inefficacité. La volonté politique est donc le premier facteur de l’émergence de la bonne gouvernance en Afrique. Or, sur ce plan, les réflexes des Etats d’exception ont la vie dure partout sur le continent. A telle enseigne qu’il semble utopique de demander aux chefs d’Etat en exercice d’être en phase avec les règles de bonne gestion. Pour leur maintien au pouvoir et la protection de leurs clans, certains dirigeants n’hésitent pas à violer leurs engagements pris au cours de forums comme celui de Ouagadougou.
C’est paradoxalement, lorsqu’ils quittent les affaires, que les dirigeants se montrent enthousiastes sur la question. Il en est ainsi de Joaquim Chissano, l’ancien président mozambicain, qui parcourt le continent pour prêcher la bonne nouvelle. Mais il est vrai qu’il est légitimé dans son action par sa propre expérience de la gestion du pouvoir jugée globalement positive. C’est à juste titre d’ailleurs que la Fondation Mo Ibrahim vient de lui décerner son premier prix de la gouvernance. Mais cette Fondation peut mieux faire en distinguant également les chefs d’Etat en exercice car, ce sont eux qui ont les leviers du développement de l’Afrique en mains. Les ONG et organisations de la société civile, en tant qu’actrices indépendantes de la bonne gouvernance, méritent aussi d’être honorées par ce prix. Il est peut-être temps, face à la torpeur des institutions gouvernementales de lutte contre les pratiques participant de la mal gouvernance, de responsabiliser davantage cette société civile africaine. Pour l’instant, elle est gentiment écartée de ce secteur, si elle n’est pas combattue quand elle veut voir clair dans la gestion des dirigeants. Les seules institutions internationales dont nos Etats tolèrent les regards inquisiteurs sont la Banque mondiale et le FMI. Parce que le label décerné par ces institutions peut ouvrir les vannes des financements extérieurs, il est recherché frénétiquement par les gouvernants africains. Et c’est le bonheur quand on est considéré comme bon élève par le FMI et la Banque mondiale. Au-delà du caractère infantilisant de ce concept, il faut y voir aussi le signe des enjeux des relations économiques, politiques et géostratégiques entre les Etats africains et ceux du Nord. Les syndicats et sociétés civiles africains, pas du tout dupes, n’ont jamais donné du crédit à ces satisfecits des institutions de Bretton Wood qu’ils accusent de connivence avec certains régimes africains.
La détermination de la bonne ou de la mal gouvernance doit d’abord être l’affaire des Africains car, ce sont eux qui vivent dans leur chair les dégâts de dirigeants assoiffés de pouvoir. Le Forum de Ouagadougou veut sans doute incarner cette recherche endogène de solutions aux difficultés du continent. Il reste à souhaiter que les bonnes résolutions qui seront prises ne soient à nouveau enfermées dans les tiroirs, en attendant le 8e Forum.
Le Pays du 26 octobre 2007
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