Fraudes au BEPC 2007 : Huis clos judiciaire pour une
Fraudes au BEPC 2007
Huis clos judiciaire pour une "marée noire"
Sans tambour ni trompette, les personnes convaincues de fraudes au Brevet d'études du premier cycle (BEPC) lors de la session de juin 2007 ont été jugées le 28 juin dernier par le tribunal correctionnel de Ouagadougou. Au total, ils étaient 55 à répondre du chef d'accusation de fraudes aux examens. A l'issue du procès, le réputé cerveau de l'affaire, Lassané Félix Gouba, a écopé d'une peine de 12 mois de prison ferme et d'une amende de 150 000 FCFA ; 50 autres prévenus s'en tirent avec une amende de 500 000 FCFA chacun tandis que 4 autres ont été relaxés au bénéfice du doute. (Pour plus d'information sur le verdict cliquer ici).
On se rappelle que le 15 juin 2007, au deuxième jour du Brevet, comme on l'appelle couramment, la vigilance des surveillants avait permis de démasquer plus d'une quarantaine de fraudeurs, notamment au cours des épreuves de mathématiques et de physique-chimie. Ces élèves fautifs détenaient par-devers eux, en salle d'examen, «des corrigés d'exercices qui présentaient beaucoup de similitudes avec les épreuves administrées à cette session du BEPC». Visiblement, le pétrole avait coulé encore ; l'on se demandait si, en fait, ce n'était pas une vraie marée noire qui avait déferlé. La police, qui s'était rapidement saisie de l'affaire, avait mis en branle sa machine des enquêtes.
Ainsi, quatre jours plus tard, le directeur régional de la police du Centre, Alain Joachim Bonzi, le commissaire central, Paul Sondo, et le directeur général de l'Office central des examens et concours du secondaire (OCECOS), Didace Gampiné, animaient une conférence de presse au sein du commissariat central de Ouagadougou pour montrer à l'opinion les résultats de l'enquête, bouclée, on l'aura vu, "en deux temps trois mouvements" pour être trivial. Ce jour-là, on nous avait présenté 54 alevins (des élèves essentiellement) et 1 requin (Lassané Félix Gouba, chargé de la reprographie des épreuves à l'OCECOS).
Le moins qu'on puisse dire, c'est que les choses sont allées très vite, tant et si bien que l'affaire a été jugée le 28 juin dernier avec le verdict que l'on connaît maintenant. Il ne pouvait en être autrement puisque les prévenus ont été jugés suivant la procédure du flagrant délit, cette procédure qui permet de juger sur-le-champ ou dans un très bref délai un fautif qui a été pris la main dans le sac ou venant juste de commettre son forfait.
On ne peut que se féliciter du dénouement judiciaire de cette affaire rondement menée. Pour autant, l'espèce de «clandestinité» dans laquelle le jugement a eu lieu est pour le moins étrange pour ne pas dire suspecte.
On peut en effet se poser la question de savoir si c'est parce qu'une partie des fraudeurs étaient des mineurs qu'il y a eu cette sorte de "huis clos" ou si on a choisi à dessein de ne pas ameuter la presse pour éviter de donner une ampleur supplémentaire à une affaire dont les journaux avaient fait leurs choux gras courant juin.
On s'en étonne d'autant plus que ceux qui inondent habituellement les médias de demandes de couverture des multiples séminaires, colloques et consorts n'aient pas jugé utile de signaler aux organes de presse la tenue de ce procès, qui ne manquait pourtant pas d'intérêt, voire de piquant.
Il est vrai qu'une grande médiatisation du jugement aurait pu éclabousser certains responsables qu'on voudrait à tout prix disculper alors qu'ils sont aussi comptables de l'incurie itérative qui entoure l'organisation des examens, principalement du BEPC. On a donc préféré noyer le poisson, pour ne pas dire les alevins, dans l'eau polluée du barrage alors que l'opinion publique espérait une pêche aux gros. Finalement, on ne saura donc pas vraiment les tenants et les aboutissants de cette sombre affaire qui aura coûté des millions de francs aux contribuables à cause de la reprise des épreuves à Ouaga et à Bobo.
Tout cela participe en réalité de la banalisation du phénomène. La même banalisation qui avait conduit à la reprise des seules épreuves de mathématiques et de physique-chimie, pis est, uniquement à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso alors que tout le monde savait pertinemment que non seulement toutes les matières, à différents degrés, étaient concernées, mais aussi que le pétrole avait en réalité coulé sur toute l'étendue du territoire burkinabè.
Au demeurant, la cinquantaine de bougres qui ont été pris dans les mailles du filet devaient être les moins intelligents des fraudeurs et sans doute la partie émergée de l'iceberg comme nous l'avons indiqué en son temps. Et le fait qu'ils soient des mineurs, pour la plupart, a dû influencer le tribunal qui ne leur a pas infligé les peines les plus lourdes prévues par la loi (1). Ce qui, évidemment, est loin de dissuader toute velléité de fraude. Pendant qu'on y était, on avait qu'à leur trouver des circonstances atténuantes. Voilà donc des fautifs qui ne paieront pas de leur personne pour réparer les torts qu'ils ont causés à la société. En effet, ce sont leurs parents qui vont devoir délier les cordons de la bourse pour régler cette amende de 500 000 FCFA. Mais c'est normal quelque part quand on sait que certains parents, militants de la réussite sociale par la courte échelle, n'hésitent pas à prendre eux-mêmes l'initiative de trouver le "pétrole" à leurs rejetons ou alors à leur donner de l'argent pour se le payer.
A bien analyser cette affaire sous toutes ses coutures, on pourrait même absoudre ces petits qui ne sont, à vrai dire, que de pauvres victimes. De plus, ils n'ont fait qu'imiter ce qui se fait parfois dans les plus hautes sphères de l'Etat. En la matière, il est à penser que le mauvais exemple vient d'en haut.
Mais qu'on se le dise les yeux dans les yeux, tant que dans ce pays on ne se contentera que de faire porter le chapeau aux alevins plutôt qu'aux requins ; tant que les peines infligées aux élèves, parents d'élèves et personnel de l'administration ne seront pas exemplaires ; tant que les fraudeurs sauront qu'ils peuvent être jugés loin de toute effervescence médiatique ; tant que les condamnés seront assurés de faire juste un aller-retour à la MACO parce qu'ils en sortiront, sitôt admis, par grâce présidentielle pour être... décorés sous les lambris dorés de la République, la fraude prospèrera toujours, et rien n'y pourra quoi que ce soit. Et certains petits malins pourront toujours passer au travers des mailles du filet et réussir ainsi à se faire une assise sociale par la courte échelle.
Véritablement, pour que notre pays quitte ce triste rang de 174e/176 de l'Indice de développement humain (IDH) du PNUD, il y a lieu de montrer le bon exemple en mouillant le maillot. Et l'exemple devrait venir d'en haut !
San Evariste Barro
L'Observateur Paalga du 5 juillet 2007
Notes :
(1) Voici les dispositions prévues par le code pénal en cas de fraudes aux examens et concours publics:
Article 308 : Est puni d'un emprisonnement de six mois à un an et d'une amende de 500 000 à 1 000 000 de francs quiconque, par tout moyen et sous quelque forme que ce soit, commet une fraude dans ou à l'occasion d'un examen ou d'un concours public ayant pour objet l'entrée dans une administration publique ou l'obtention d'un diplôme officiel.
Article 309 : Quiconque par imprudence, négligence ou inobservation des règlements favorise une fraude à un examen ou à un concours est puni d'un emprisonnement de six mois à un an et d'une amende de 150 000 à 500 000 francs.
Article 310 : L'emprisonnement est de six mois à un an et l'amende de 150 000 à 500 000 francs, lorsque la fraude est commise à l'occasion d'un examen ou d'un concours autre que public.
Article 311 : Sont notamment considérées comme fraude à un examen ou à un concours toutes les pratiques tendant à :
- transmettre, communiquer, diffuser ou vendre des épreuves, leurs corrigés ou leurs solutions ;
- substituer lesdites épreuves, les résultats ou les listes des candidats ;
- modifier par rajout ou retrait des notes ou des noms de candidats des listes relatives auxdits examens ou concours.
Article 312 : La tentative de fraude aux examens et concours est punissable.
Source : Codes et lois du Burkina Faso. Tome VI. Code pénal. Juin 1999, p 53.
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