Fraudes aux examens : Côte d'alerte atteinte, nécessaire sursaut
Fraudes aux examens
Côte d'alerte atteinte, nécessaire sursaut
Les fraudes ayant émaillé la session 2007 de l'examen du BEPC, au-delà du préjudice qu'elles causent au système éducatif, sont révélatrices de l'état de décomposition morale avancée de la société burkinabè. Pour une fois, il faut accepter de donner au phénomène son vrai visage plutôt que de se caresser le nombril pour rire pendant que tout va mal. "Où allons-nous ?" doit-on s'interroger courageusement et apporter une réponse tout aussi courageuse à une telle question avant qu'on n'atteigne le fond de l'abîme. Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'ampleur de la fraude est si importante qu'il y a péril en la demeure.
Il ne sert à rien de se voiler la face. Plutôt que de tenter de minimiser cette situation, les autorités compétentes doivent, plus que jamais, prendre le taureau par les cornes. Le plus inquiétant, c'est que ce phénomène concerne la frange jeune de la population burkinabè. Cette frange-là même qui est censée présider aux destinées de cette patrie demain. Si ces jeunes ont désormais pour reflexe de recourir systématiquement à la fraude pour acquérir leurs diplômes, il faut convenir en toute objectivité que la patrie est sérieusement en danger.
L'engouement des élèves pour le "pétrole" à la veille des examens atteste que le mal est profond et généralisé. Plutôt que de s'habituer au goût de l'effort pour acquérir dans l'honnêteté et la rigueur leurs diplômes, les élèves et étudiants d'aujourd'hui semblent avoir opté pour une culture de la fraude et de la facilité. Tout cela, avec une démission, si ce ne sont une complicité et un encouragement honteux de certains parents. Que dire de ces enseignants qui ont renoncé à leur statut d'éducateur pour s'installer définitivement dans des pratiques obscures et déshonorantes ? Comme si la fraude était devenue un péché originel qui devrait suivre la nation à jamais, chaque session d'examen passe avec son cortège de fraudes et de pratiques obscures sans que des solutions définitives ne puissent être trouvées. Chaque fois que cela arrive, on promet de tirer toute l'affaire au clair, le temps qu'un autre sujet d'actualité vienne détourner l'attention des citoyens. Pourtant, sans nier que le risque zéro n'existe pas en matière de fraudes aux examens, ce genre de situation peut être maîtrisée et la fraude endiguée. D'autant que le cercle chargé du choix des épreuves est bien restreint et contrôlable, et la chaîne maîtrisable. Si la tâche peut paraître difficile, elle n'est pas impossible, pour peu que chacun veuille bien y travailler avec la bonne foi nécessaire et en toute conscience.
En l'état actuel des choses, il ne s'agit plus, pour y faire face, de solutions conjoncturelles, mais plutôt de solutions structurelles qui permettent de ramener la confiance, la sérénité et le goût de l'effort au sein de cette frange jeune. Mais tant que l'impunité continuera d'être une prime à la fraude et que certains citoyens auront le sentiment d'être les seuls à devoir fournir chaque fois des efforts pendant que d'autres travaillent à prospecter les gisements "de pétrole", la ruée vers la fraude ne s'estompera jamais. Souvenons-nous de la session 2004 du BEPC, qui avait été émaillée de graves fraudes et qui avait donné lieu à des procès ayant abouti à la condamnation ferme de responsables d'établissements et de jurys d'examen en novembre de la même année. L'opinion a été outrée de voir certains de ces éducateurs indélicats graciés un mois plus tard et même décorés... "pour services rendus à la nation". Dans un tel contexte, comment avoir peur de frauder, quand on est presqu'assuré de ne pas subir les rigueurs de la loi ? Il est indéniable que la fraude est devenue un phénomène transversal dans la société burkinabè. Il est tout aussi indéniable que les valeurs morales se sont étiolées, dans une totale agonie attendant maintenant la mort. Doit-on, face à cela, continuer, toute honte bue, d'accepter l'appellation "pays des hommes intègres" ? Non. L'ultime issue de secours consiste, incontestablement, pour les autorités, à recourir à un remède de cheval. En cela, le nouveau Premier ministre est fortement interpellé. Autant dire que la tâche s'annonce déjà immense pour celui qui avait déjà affiché ses intentions de mener une croisade sans répit contre la corruption et la fraude au Burkina Faso.
Le Pays le 19 juin 2007
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