Sarkozy sur la voie Royale vers l'Elysée ?
Second tour de la présidentielle française
Sarkozy sur la voie Royale vers l'Elysée ?
Les Français, réputés réfractaires à toute réforme, blasés par les discours politiques, ont-ils repris goût aux joutes électorales ? Le premier tour de la présidentielle semble indiquer ce retour normal des choses, ou plutôt que la gestion des affaires publiques intéresse au plus haut point nos cousins les Gaulois.
Car, avec un taux de participation avoisinant les 85%, les électeurs viennent de prouver que le politique n'est pas si discrédité que ne laisse apparaître souvent l'observation quotidienne. C'est la première fois, depuis 1981, que l'on assiste à une participation record à un scrutin présidentiel.
Il s'agit donc d'une première victoire, qui est celle du taux de participation, lequel a fait chuter celui des abstentions à 15%, exorcisant celui de 2002, où il avait atteint 20%. Ce phénomène est d'abord à placer dans le cadre de qu'il faut appeler le tournant générationnel des dirigeants ; qu'on le veuille ou non, après l'ère des octo, incarné par Chirac et Jean-Louis Debré, voici venir le temps des quinqua voire des quadra, dont la plupart ont grandi politiquement dans l'ombre de ceux qui quitteront bientôt la scène.
Nicolas Sarkozy est, de ce fait, un pur produit de Charles Pasqua, de Jacques Chirac, d'Achille Perriti (ancien maire de Neuilly), d'Edouard Balladur et, par ricochet, de Georges Pompidou ; Ségolène Royal doit son "charisme" politique à François Mitterrand, à Jack Lang et Rocard ; et à cette soif de renouvellement de la classe politique, qui explique cet engouement pour la politique, s'ajoutent les voix des jeunes, qui sont 3 millions de plus en 2007 par rapport à 2002 et qui ont fait grimper le taux de participation.
La seconde lecture visible de ce premier tour est relative, évidemment, à l'identité des deux challengers : ce n'est pas une surprise, loin s'en faut, que ce soit Nicolas Sarkozy (UMP) et Ségolène Royal (PS) qui soient les deux qualifiés pour le second tour du 6 mai 2006 ; les pithies contemporaines que sont les instituts de sondage avaient annoncé ce scénario. C'est donc sans surprise, que les deux se sont positionnés pour cette ultime course élyséenne. L'événement majeur eût consisté en une répétition du scénario du 21 avril ou en un positionnement de François Bayrou de l'UDF en pôle position pour le 6 mai prochain. Mais rien de tout ces scénarii, et c'est le ticket annoncé par les sondeurs qui est effectivement le gagnant de ce 1er tour.
Cependant, si l'ordre d'arrivée a été respecté, nul ne peut se risquer à prévoir ce qui sortira des urnes en mai. Certes, Sarkozy, qui slalome au sommet des sondages depuis plusieurs mois avec son score confortable (31%) à ce premier tour, est le grand favori de cette présidentielle, mais l'expérience a montré qu'entre le premier et le second tour, tout peut arriver ; ce n'est donc pas forcément le 1er du premier tour qui sort gagnant au second : un Edouard Balladur est l'exemple type de la "victime" des sondages, lui qui était donné gagnant lors de la présidentielle de 1995, mais a été battu par un certain Chirac, lequel, pourtant, ne volait pas haut dans les intentions de vote ; alors que Jérôme Jaffré (1), qui savait lire dans le tréfonds des opinions, annonçait Balladur président. Et toute la France y croyait à l'époque.
Autant dire qu'une grande incertitude est toujours la donnée centrale de ce second tour. Bien sûr que les marchandages de l'entre-deux-tours auront lieu au gré des intérêts, mais les candidats qui ont recueilli des scores honorables sont-ils certains que s'ils donnaient des consignes de vote, elles seraient suivies ? En tout cas, Philippe de Villiers a été plus que limpide sur ce sujet, en déclarant : "Je ne suis pas propriétaire de mes voix". Répondant en échos à cela, Jean-Marie Lepen affirmait que "le FN n'est pas à vendre".
Ségolène Royal, avec ses 25%, n'a pas non plus dit son dernier mot. La patronne de la région Poiteau-Charente a du mérite : avoir bataillé contre les éléphants du parti, et en être sortie adoubée, surtout que c'est la première fois, du reste, que le champion du PS n'est pas un ancien secrétaire, même si c'est tout comme, avec son mari qui occupe cette fonction. Mathématiquement donc, elle a obligé Sarkozy à concéder un ballotage favorable, et c'est bon pour le moral de cette femme qui, véritablement, a désormais fait son trou au PS.
De ce fait, les deux semaines qui nous séparent de ce second round seront celles de tous les calculs, supputations, promesses et alliances de toute nature.
On peut ainsi conjecturer que l'ensemble des "petits" candidats de la gauche pourraient miser sur Ségo et lui faire bénéficier de leurs voix, qui, totalisées, caracolent autour de 30%. Encore faut-il que tous le fassent et que les électeurs suivent.
Le beau rôle, incontestablement, revient à François Bayrou qui est la 3e force politique de l'Hexagone. Heureux, il peut l'être, lui, l'outsider de cette présidentielle, qui, quoiqu'on dise, avec ses 18%, a fait un peu voler en éclats les vieux clivages droite/gauche ; même si le modèle des grandes coalitions politiques à l'allemande (droite) ou à l'italienne (gauche), qu'il veut instaurer en France, ne sera pas pour cette fois-ci. La grande question est donc de savoir si le Bearnais va s'allier à Ségolène Royal ou continuer à faire des UDF les éternels supplétifs de l'UMP. Mais, comme le disait Mitterrand, "être du centre ne signifie pas être le centre", et le patron de l'UDF a intérêt, gonflé qu'il est par ce score, à bien manœuvrer pour capitaliser les dividendes qu'on peut tirer d'un tel résultat. Et déjà, on subodore qu'il maintient un faux suspense, car il ira avec Sarko, dès maintenant sur la voie Royale vers le château (?), question de grappiller quelques strapontins ministériels. De toute façon en politique, ce sont toujours les intérêts qui déterminent les décisions, et l'homme qui a vaincu son bégaiement le sait bien.
Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana
L’Observateur Paalga du 24 avril 2007
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