Intolérance, violence et vandalisme : Des menaces sur la démocratie
Intolérance, violence et vandalisme
Des menaces sur la démocratie
Appelée à jouer dans la société un rôle de veille et d’éveil, la presse est souvent présentée comme la gardienne de la démocratie, alors que la justice en constitue le socle.Média de service public, Sidwaya votre quotidien, tout comme les autres titres édités par l’établissement, se doivent de refléter la vie et la marche de notre société, porter et éclairer le débat démocratique, tout en soutenant le développement économique, social et culturel, ainsi que le rayonnement international de notre pays. Mission noble et redoutable que nous tentons d’assumer avec responsabilité.
Malheureusement nous ne sommes pas toujours compris par certaines composantes de la nation qui, mues par des préjugés tenaces, nous vouent aux gémonies, si elles ne nous agressent pas physiquement.
L’incident malheureux vécu le 15 mai dernier par une équipe de reportage de Sidwaya sur le campus universitaire de Ouagadougou nous donne l’occasion de stigmatiser trois phénomènes courants qui se sont développés ces dernières années dans notre pays. Il s’agit de l’intolérance, de la violence et de la destruction des biens. Les faits sont d’autant plus graves qu’ils surviennent couramment en milieu scolaire et estudiantin, vivier des futures élites intellectuelles, politiques et administratives de la nation.
Partie pour investiguer sur les conditions de vie et d’études sur le campus universitaire afin d’éclairer davantage l’opinion publique, notre équipe de reportage a été violemment prise à partie par un groupe d’étudiants qui voulaient mettre le feu au véhicule de service et lyncher la journaliste et le photographe au motif qu’ils sont des espions du régime. Quelle méprise grotesque! Média de service public, Sidwaya en réalité, n’est pour personne de particulier ni contre quelqu’un de particulier ; il est là pour tous, majorité comme opposition, société civile comme société économique, gouvernement comme étudiants, élèves, professeurs, paysans, éleveurs, artisans… Professionnels de l’information, nous faisons cependant nôtre cette vérité de Albert Londres, grand reporter français de l’entre-deux guerres qui disait que “notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort ; il est de porter la plume dans la plaie”. C’est dire que nous stigmatisons les travers d’où qu’ils viennent, tout en rendant compte de la vie ordinaire des citoyens ainsi que des temps forts de la société.
Dans le numéro du 11 mai 2007, nous avons ainsi fait un compte rendu d’une page avec deux illustrations en couleur de la marche de protestation des étudiants du 10 mai dernier, tout comme il a été publié la veille un article du directeur de la communication relatif aux réponses apportées aux revendications de l’Association nationale des étudiants du Burkina par le ministère chargé de l’enseignement supérieur. Le principe de pluralisme et d’équilibre de l’information étant pour nous un souci de tous les instants.
N’eut été leur réflexe de conservation qui a permis au chauffeur et à la journaliste de replier rapidement hors de l’enceinte de l’Université avec le véhicule de service menacé d’être incendié, le pire se serait produit. Quant au photographe qui a eu le malheur de porter un sous-vêtement portant une effigie et des slogans de la campagne présidentielle dernière, il a été roué de coups et a dû être enfermé à double tour dans une salle, le temps que la furie des étudiants justiciers retombe, avant de pouvoir être exfiltré par les responsables du mouvement estudiantin. “La foule a beaucoup de têtes et pas de cervelle”, a dit un penseur. Les mouvements grégaires de foule, en effet, sont toujours incontrôlables et les étudiants, qui ont suspendu de nos jours leur mouvement de protestation, auraient eu des morts de journalistes sur leur conscience si certains d’entre eux étaient passés aux actes. Norbert Zongo, journaliste de Sidwaya des années 1985-1990, dont nos pleurons encore la disparition tragique en 1998, a dû se retourner dans sa tombe face à la violence physique exercée sur ses jeunes confrères sept ans après le début du troisième millénaire.
La scène d’horreur dont nous avons été témoin au début des années 1990 à la cité universitaire Mermoz de Cocody à Abidjan hante encore nos nuits de sommeil. Accusé d’être un loubard à la solde du régime du président ivoirien d’alors Félix Houphouët-Boigny et du Premier ministre Alassane Ouattara, l’étudiant Thierry Zébié Zirignon a péri sous les coups des barres de fer et de cailloux de ses condisciples surexcités. Depuis cette époque, les démons de la violence semblent avoir élu domicile en Côte-d’Ivoire d’où il s’avère difficile de les y extirper, bien que la majeure partie des Ivoiriens aspirent aujourd’hui à la paix. La mise à sac du siège de la Ligue ivoirienne des droits de l’homme (LIDHO) la semaine dernière par la Fédération estudiantine et scolaire de Côte-d’Ivoire (FESCI) prouve malheureusement que la gangrène est toujours purulente.
Quand des intellectuels se montrent intolérants face à des opinions, des attitudes ou des avis différents et s’adonnent à la violence et à des actes de vandalisme et de barbarie pour se faire entendre, il y a de quoi avoir peur pour l’avenir. La démocratie respecte les libertés, la diversité et les minorités.
Une université, temple du savoir par excellence, qui se transformerait en un no man’s land et n’admettrait qu’une pensée unique, serait un monstre redoutable. Les franchises universitaires doivent au contraire garantir le pluralisme et le foisonnement des idées et des savoirs afin de permettre à notre société d’avancer en surmontant ses contradictions. La démocratie est un long apprentissage. Au lieu de toujours jeter l’anathème sur les seuls tenants du pouvoir, il importe que toutes les composantes de la nation se mettent à l’école de la tolérance, de l’observance des principes démocratiques et du respect des biens publics et privés.
Les acteurs politiques et sociaux, toutes tendances confondues, se doivent de bannir à jamais les actes de barbarie d’un autre âge et entreprendre désormais de civiliser les mœurs politiques et les pratiques sociales. C’est alors que nous pourrons édifier une société démocratique de paix, de justice et de prospérité où il fera bon vivre.
Jean-Paul KONSEIBO
Sidwaya du 28 mai 2007
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