L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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"Je n'ai pas pris un centime sur le Tour du Faso"

RENE EMILE KABORE (ex-ministre des Sports)

"Je n'ai pas pris un centime sur le Tour du Faso"

De 1999 à 2002, il a été ministre de la Jeunesse et des sports. Lui, c'est René Emile Kaboré qui, par la suite, a siégé à l'Assemblée nationale comme député de 2002 à 2007. Aujourd'hui, il dit s'organiser. Mais René Emile Kaboré, qui fut footballeur et président de l'USO, n'est pas resté déconnecté du milieu sportif national qui rencontre actuellement quelques difficultés. En effet, le football traverse une zone de turbulence et le Burkina remettait en cause il y a peu de temps, le contrat qui lie le Tour du Faso à Amaury sport organisation (ASO) qui gère le Tour de France. Après un long silence, René Emile Kaboré a accepté de se prononcer sur tous ces sujets et particulièrement sur le Tour du Faso, parce qu'il est à la base de la signature du contrat.

Pourquoi acceptez-vous de parler maintenant après avoir gardé longtemps le silence ?


René Emile Kaboré : Je tenais d'abord, à rendre hommage à tous ceux qui au Burkina, travaillent dans le sens de la promotion du sport d'une manière générale. En premier lieu, à tout seigneur tout honneur, je pense que le président du Faso fait beaucoup pour la promotion du sport. Et, il continue de le faire. Je rends également hommage à tous les acteurs, notamment les dirigeants, le ministre et ses agents, des bénévoles qui travaillent dans le cadre des clubs, etc.

C'est la somme de tous ces efforts qui permet à notre sport d'avancer dans une certaine dynamique. Certaines personnes seront surprises, si j'ai accepté de répondre à certaines questions. Mais, si j'ai gardé le silence pendant cinq ans, c'était essentiellement pour ne pas gêner les actions de qui que ce soit dans le domaine du sport. Le temps est passé et je n'exerce pas de fonction officielle. Je suis donc un citoyen comme tout le monde. Je pense à ce niveau que je peux avoir des positions comme tout le monde peut en avoir. Nous sommes à un stade où chacun a le devoir de dire ce qu'il pense bon pour que nous puissions avancer et sortir de cette espèce de morosité ambiante qui ne dit pas son nom, mais qui est là quand même et que tout le monde voit.


Quelles sont les raisons qui vous ont motivé lorsque vous étiez ministre à signer une convention avec l'ASO et qui a été un moment remise en cause ?

Parlant du Tour du Faso, les gens n'avaient pas compris ce qui se passait exactement. Je rappelle que je suis arrivé au ministère en novembre 1999. Moins d'une semaine après mon arrivée, il y avait le premier sit-in des cyclistes au ministère. Ils réclamaient des primes de deux ou trois ans. C'est pour vous dire l'ambiance qui prévalait. Le budget alloué au ministère des Sports pour le cyclisme était de 16 millions de F CFA. Le Tour du Faso bénéficiait par ailleurs du travail d'un régisseur, Francis Ducreux, qui faisait ce qu'il pouvait pour avoir des sponsors au niveau uniquement local. Il n'y avait aucun sponsor à l'international. C'était visiblement insuffisant, parce qu'à l'issue de chaque Tour du Faso, il y avait des déficits qu'il fallait s'activer à payer les années suivantes. Alors je me suis dit que, si nous ne prenons garde, le Tour du Faso va mourir de sa belle mort comme ce fut le cas de la Boucle du café en Côte d'Ivoire ou le Tour du Cameroun. Je signale au passage que ces deux pays, sur le plan économique, sont plus riches que le Burkina. J'ai donc décidé en travaillant autour de l'année 2000, qui était une année exceptionnelle pour tout le monde. J'ai essayé de trouver une formule pour faire du Tour du Faso 2000, un Tour spécial en le recentrant sur le souvenir. Autour d'une conversation avec un grand-frère que j'apprécie beaucoup, le professeur Alassane Séré, je lui disais qu'il y a eu des compétitions de cyclisme au début de l'Indépendance au Burkina que je n'ai pas suivies parce que j'étais un gamin. Il a rétorqué que lui les a suivies. Et, je lui ai demandé de me relater quelques détails. C'est ainsi que j'ai su que Fausto Coppi avait gagné cette course, en décembre 1959. Le second était Jacques Anquetil, l'éternel deuxième au niveau du Tour de France et d'autres tours de renommée. Je me suis dit: "Pourquoi ne pas essayer de recentrer le souvenir de cette compétition ?" Cela traduirait les quarante ans d'indépendance de notre pays. C'était en même temps, quarante ans de souvenir de cette compétition qui, à mon avis, était la naissance du cyclisme au Burkina Faso. J'ai pris mon bâton de pèlerin pour aller à la rencontre de ces personnalités. A travers notre représentation diplomatique à Bruxelles, j'ai été voir Eddy Merckx. J'ai même été dans son usine et il m'a offert des maillots de coureurs. J'ai rencontré également la famille de Jacques Anquetil, et Bernard Hinault que j'ai pu rencontrer à l'aéroport d'Orly parce qu'il voyageait beaucoup. C'est par la même occasion que j'ai invité Jean Marie Le Blanc qui était le directeur exécutif du Tour de France à venir suivre notre compétition.

Où se trouvait pour le Burkina, le bénéfice de tout cela ?

J'avais dans mon idée, le soutien du Tour de France pour nous aider techniquement d'abord, et ensuite peut-être financièrement. Je pensais que la collaboration avec le Tour de France ne pouvait que nous tirer vers le haut. C'est comme ça que toutes ces personnalités se sont retrouvées au Tour du Faso 2000. J'ai tout fait pour donner l'honneur à Jean Marie Le Blanc de donner le top-départ du Tour à Banfora. Cela a été une course contre la montre. J'ai offert un dîner à l'ambassade de France et le président du Faso avait accepté de les recevoir.

Tous ces événements sont inoubliables et il a même fait don de plusieurs matériels à la fédération. Et, j'ai reçu du chef de l'Etat et du Premier ministre, le droit de leur donner une distinction honorifique du Burkina, en reconnaissance de ce qu'ils ont fait pour le cyclisme en général et le cyclisme burkinabè en particulier. C'est ainsi que Jean Marie Le Blanc a été décoré au rang d'officier de l'Ordre national de même que Bernard Hinault, Eddy Merckx, et les familles de Jacques Anquetil et Fausto Coppi l'ont été à titre posthume. Ce fut le départ de la collaboration avec la société du Tour de France. Parallèlement, j'ai imaginé comment mieux vendre le Tour du Faso parce qu'il s'essoufflait et j'ai mis l'accent sur les images. J'ai recherché une société d'images pour assurer un reportage au quotidien en suivant le Tour. Le Burkina était incapable de le faire au niveau local. J'ai trouvé une société européenne avec qui j'ai passé un contrat pour assurer la montée des images tous les jours à 19h pendant la durée du Tour sur un canal que nous avons réservé sur le satellite. Les images étaient reprises en Europe par quelques chaînes de télévision. Pour assurer la sécurité du reportage, j'ai fait appel à une société dont la mission est spécifiquement le reportage. C'est après tout ceci que la société du Tour de France a accepté de nous appuyer.

Aviez-vous prévu des clauses dans ce partenariat ?

La convention que j'ai signée en 2000 stipulait simplement que le Tour de France acceptait de nous aider. Dans les échanges, nous pouvions envoyer des techniciens pour se former et nous informer chez eux et vice-versa. C'est parce que nous étions sur la bonne voie qu'ils ont accepté le principe de signer un accord de coopération qui permettait au Tour de France de prendre en main la gestion du Tour du Faso. Le contrat a été signé en avril 2002. Je précise qu'il y avait des clauses que j'avais imposées dans le contrat, notamment de durée, de révision, et qui allaient au-delà de la convention signée. Voilà un peu l'historique du mariage avec le Tour de France. Quand j'ai eu cette idée, j'ai convoqué le président de la Fédération burkinabè de cyclisme de même que Francis Ducreux en tant que régisseur du Tour pour leur expliquer mon projet. J'ai respecté la fédération en l'associant à la démarche et j'ai toujours associé le président aux missions effectuées dans ce cadre. Dans la même logique, j'ai impliqué le groupe Fadoul, sans lequel, je suis convaincu, le cyclisme burkinabè n'aurait pas évolué comme il l'a fait. J'ai tout fait pour associer tous les partenaires à cette démarche en leur expliquant que cela militerait à leur avantage.

Pensez-vous que techniquement le ministère était habilité à signer un accord quand on sait qu'il y a une fédération chargée de la gestion au quotidien de cette activité ?

Je ne vais pas blesser quelqu'un. Mais, j'ai trouvé une situation dans laquelle personne ne faisait rien pour que les choses changent. Vous ne pouvez pas demander à des gens qui ne sont pas à la base d'une conception de faire les choses à votre place. Et moi, je n'avais pas de temps à perdre. Le Tour de France ne pouvait pas faire confiance à une fédération. C'est parce qu'il y avait la force publique avec moi que la société du Tour de France a accepté. Vous pensez que la fédération pouvait aller inviter comme cela Jean Marie Le Blanc et autres ? Allaient-ils venir et avec quels moyens ? Je ne pouvais pas me dérober devant une telle tâche. J'avais aussi des objectifs, notamment celui de sauver le Tour en lui imprimant son caractère international et rompre avec le folklore. Nous sommes dans la mondialisation et la globalisation et pour moi, soit le Tour s'inscrit dans ce cadre ou il disparaît. Je ne sais pas qui a pu dire cela. Je lisais dans le temps, une interview du ministre Toundoun Sessouma qui déclarait que les relations avec le Tour de France se passaient bien. Il disait également que le budget était autour de 650 millions de F CFA et le pays ne participait pour rien dedans. Pour moi, le débat est ailleurs. J'ai vécu une situation et je veux la partager. Primo, c'est tout d'abord de sauver le Tour et le Burkina a gagné parce que le Tour a survécu. Secundo, le Tour s'est davantage internationalisé. Aujourd'hui, toutes les contrées du monde connaissent bien le Tour du Faso. Tertio, le Burkina a gagné en image et financièrement (600 millions pour le budget). Supposons que 200 millions de FCFA sont dépensés ici. L'Etat perçoit une TVA sur ces 200 millions et cela n'existait pas. Cette TVA dépasse les 16 millions que l'Etat donnait pour le Tour. En outre, nos coureurs, pour la première fois se sont entraînés pendant un mois en Europe. Ils n'avaient jamais connu cela. Sur le plan des primes, ils ne se plaignent plus et sont bien payés contrairement au passé.

Quand je suis arrivé au ministère, les prix qui avaient été gagnés par l'Egypte et la Slovaquie étaient toujours en attente de paiement. L'ambassadeur d'Egypte m'a bousculé pour qu'on puisse payer ce qu'on leur devait depuis deux à trois ans.

Le Burkina a gagné ainsi en qualité sportive et les coureurs sont capables de faire des pointes de 40 km/h. Nous voyons un Burkinabè, Michel Bationo, ardoisier au Tour de France. Quel honneur pour le Burkina ! J'ai insisté pour qu'il y ait un minimum de fonds à la disposition du ministère pour la promotion avec 10 000 euros qui est l'équivalent de 6,5 millions F CFA. Notre Etat ne nous donnait que 16 millions. Je vais plus loin en disant que l'hôtel Ok inn se plaignait du non paiement des factures et se désengageait du cyclisme et du football. Il y a aussi le cas de Tenkodogo où nous étions obligés pendant le Tour du Faso 2000 de sauter cette ville pour des raisons économiques.

J'avais pris l'engagement d'amener le budget du Tour à 1 milliard de francs CFA en 5 ans. Deux ans après, il était à 600 millions de nos francs. On pouvait arriver à 1 milliard parce que j'avais beaucoup de projets.

Ce contrat a été remis en cause par l'actuel ministre. Quel est votre commentaire ?

Je ne vais pas polémiquer avec un ministre en fonction. Je parle de ce que j'ai eu à faire. Le ministre a le plein droit de dire ce qu'il pense. C'est la raison pour laquelle j'avais observé un silence depuis 5 ans. Pour sauver une situation, je ne pouvais pas la déléguer à des personnes qui n'y comprenaient rien. C'est ça la réalité. Le Tour de France avait 97 ans d'existence contrairement au Tour du Faso qui était à sa 12e année. Et, il n'y avait jamais eu un contact entre les deux institutions. Je dis bien, rien. Dans le protocole que j'ai signé et dont je suis l'initiateur, j'ai prévu des clauses de sauvegarde. Il était signé pour deux ans et ensuite, nous devions arriver à une autre étape. Si j'avais eu la charge dudit protocole, deux ans après, le Tour du Faso ne serait pas à sa phase actuelle. Mais le ministre en charge des Sports et des Loisirs a sa propre vision. Il a le plein droit de dire ce qu'il veut.

Lorsqu'un contrat est biaisé, ne pensez-vous pas que l'initiateur a mal ficelé les choses ?

Je ne sais pas. Pour moi, j'ai bien ficelé le contrat. Si le ministère en convient, je peux la faire publier. J'ai pris le soin de gérer un certain nombre de choses. Je vous parle des droits à l'image. A l'époque, personne n'en parlait. Les images du Tour, chacun les piquait à sa guise. Des chaînes faisaient beaucoup plus les commentaires sur la dimension folklorique.

On disait qu'une personne percevait des millions dans ce contrat.

Je défie quiconque d'apporter des preuves attestant que j'ai prélevé un centime dans le dossier.

Quel commentaire faites-vous de l'évolution du Tour du Faso ?

Je n'ai pas de commentaire à faire. Tant que les choses marchent bien, tant mieux. Ceux qui dirigent aujourd'hui ont le dernier mot. Ils ont le droit d'agir selon leur bon sens. Les choses ne sont pas statiques. Le seul mérite que j'ai, c'est celui d'avoir initié cela. J'ignore l'instance décisionnelle du Tour du Faso.



Quel est votre regard sur le sport de façon générale en tant qu'ex-ministre de ce département ?

Je parle en tant que simple citoyen. Je pense que nous piétinons un peu. N'importe qui dans la rue peut donner son avis. La chose qui m'a marqué, c'est notre capacité à dilapider le capital des cadets en football. Une équipe qui arrive 3e en coupe du monde de sa catégorie, qui élimine de surcroît l'Argentine et l'Espagne, qui était la meilleure équipe incontestée de l'Europe, et qui disparaît aussi facilement. C'est le plus gros choc de ma vie en tant que sportif.

Comment analysez-vous la débâcle des Etalons et la démission du Comité exécutif de la FBF !

Selon moi, l'insuffisance notoire de dialogue a favorisé cette situation entre les acteurs du football. J'en parle, parce que je suis un peu à la base de cette formule qui a consisté à donner aux clubs, la gestion du football. L'équipe Seydou Diakité est une émanation directe des clubs, des ligues. Le retour vers les clubs m'a semblé indispensable pour centrer les choses par moments. Lorsqu'il y a un problème, l'on doit se consulter. Le reproche que je puisse faire, c'est le comportement passif des clubs. Ce sont eux qui doivent décanter les problèmes liés à leur secteur. Aussi, le ministère doit convoquer les acteurs pour une issue favorable du football.

La crise de la fédération traduit celle de tous les clubs. Soit le football revient entre les mains des gens qui n'ont rien à voir avec les clubs ; soit les clubs continuent à gérer la Fédération avec d'autres acteurs. Je déplore que le capital humain soit gaspillé de la sorte. Quand vous prenez chacun des acteurs de la fédération démissionnaire dans leur club que ce soit l'ASFA-Y, l'EFO, RCK..., ce sont des ténors dans la gestion de ces clubs et c'est là où je suis inquiet. Il faut un nécessaire dialogue pour recoller les morceaux.

Mais ces mêmes clubs ne sont pas à la hauteur et en font la preuve au niveau des compétitions africaines.

Les clubs ne fonctionnent pas parce que nous refusons toujours de regarder la vérité en face. Le football ne peut grandir que par la base. Nous ne donnons pas les moyens aux clubs. Je vous donne l'exemple d'un pays comme le Gabon où en début de saison, chaque club reçoit 50 millions de F CFA. Quand j'étais au ministère, chaque club recevait 500 000 F CFA. Il y a aussi les réalités des clubs mineurs qui ne font pas de recettes au stade. Seuls l'EFO, l'ASFA-Y et, dans une moindre mesure, le RCK, l'USO pouvaient faire des résultats. J'ai été président de l'USO et je suis bien placé pour vous en parler. Quand nous avions un match USO#RCK, c'était compliqué ou un match USO# Ouahigouya qui se jouait devant 200 spectateurs. Ce sont les derbys EFO # ASFA-Y qui faisaient des recettes. Par la suite, l'Etat a permis à certaines personnes influentes de diriger les clubs. C'est ainsi que le maire Simon Compaoré a été le président de l'ASFA-Y, et c'était une bonne politique. J'ai proposé aux clubs très modestement et simplement qu'on puisse regarder la réalité en face. En 1999, nos clubs sont allés jouer à l'extérieur. Cela nous a coûté 128 millions de F CFA. Il s'agit des coupes des clubs champions, de l'UFOA et des vainqueurs de coupe. Toutes les équipes ont été éliminées au premier tour. L'année suivante, nous avons dépensé 108 millions de F CFA et nos équipes ont connu les mêmes échecs. J'ai convoqué les présidents des clubs afin de trouver des solutions idoines parce que l'Etat n'a pas également les moyens financiers pour supporter des clubs sans résultats. C'est ainsi que je leur ai fait une proposition qu'ils ont acceptée en réduisant nos ambitions en compétitions africaines. Ils ont accepté le principe qu'il n'y ait plus que deux clubs qui puissent sortir et que l'argent que nous allons économiser puisse servir aux autres clubs. Pour la compétition 2001, il y avait le RCB, l'EFO, l'ASFA-Y et l'USFA qui devraient prendre part aux compétitions africaines. Le lendemain, le RCB m'a envoyé un fax en me disant qu'il ne participera plus parce qu'il connait son niveau. En contrepartie, j'avais proposé qu'on donne 10 millions de F CFA aux clubs qualifiés qui acceptaient ne pas participer aux compétitions africaines. Ces 10 millions de F CFA devraient leur permettre de mieux s'organiser. Le club par contre qui est qualifié perçoit 5 millions de F CFA pour sa préparation. Chose qui n'existait jamais. Certes les 5 millions sont insignifiants, mais c'est encore mieux. Cette année-là, seule l'USFA a décidé d'y participer. Cela nous a coûté 65 à 68 millions de F CFA. Après cette débâcle, l'USFA a fait deux ou trois saisons sans avoir la possibilité de rebondir au niveau du championnat national. Avec l'argent restant, j'ai remis 2 millions de F CFA à chacune des équipes de la première division. Au total, ces équipes ont reçu 2,5 millions comme soutien. On peut remettre en cause cette méthode. Mais c'était une première dans le football burkinabè. C'est une base sur laquelle on peut améliorer les choses. L'objectif était de donner de l'argent aux clubs. Si les clubs n'ont pas d'argent, ce n'est pas la peine d'y croire.



Est-il acceptable selon vous que des comités de soutien aux Etalons reçoivent de l'argent de l'Etat ?


J'ai été clair à ce niveau. J'ai bien dit aux supporters de ne rien demander au ministère parce qu'il n'avait rien pour eux. C'est plutôt les supporters qui devraient cotiser pour les clubs. A mon temps, il y avait deux comités : celui de notre grand-frère Noufou Ouédraogo et celui de notre petit-frère Mahamadi Kouanda. Visiblement, ils ne voulaient pas s'unir. Nous étions obligés de les laisser. Une prise de position radicale n'était pas la meilleure solution. En interne, je n'atteins pas l'objectif et en externe, je n'en voyais pas l'efficacité. J'avais décidé de ne pas m'y mêler, parce que j'avais d'autres chats à fouetter.

Au regard de la crise que traverse notre football que proposez-vous ?

Je dis qu'il y a des problèmes de fond qu'il faut corriger. Nous devons nous atteler à l'essentiel du problème dans la gestion du sport à mon avis. Lors du Forum national sur le sport que j'ai convoqué en avril 2000, j'ai fait passer l'idée de créer un fonds national de développement du sport. Cette idée, je l'ai vue ailleurs. J'avais estimé le niveau de ce fonds en fonction des ambitions qui étaient les nôtres à 1,5 milliard de F CFA et renouvelable. Le problème était comment faire accepter et trouver le moyen de renouveler ce 1,5 milliard de F CFA. Ce projet a été en examen au conseil des ministres à deux reprises. Mais nous ne nous sommes pas accordés sur la manière de faire et j'ai quitté le gouvernement avant que cela ne soit adopté. Il faut également régler la question de nos centres de formation parce que nous avons tendance à encourager la création des centres indépendants qui posent problème. Nous avons le cas de Planète champion pour nous instruire. Quand vous allez à Lyon, à Auxerre, à Nantes, toutes ces équipes ont leur propre centre. Donc, le problème ne se pose pas. Personnellement, en son temps, j'avais conseillé à Philippe Ezry de créer un club. Il n'aurait pas eu tous ces problèmes. Concernant le problème de la gestion de l'équipe nationale, il faut trouver une solution. Lors des travaux de la commission de réflexion pour la refondation du football qui se sont tenus juste avant la fédération de l'équipe Seydou Diakité, j'avais déjà suggéré qu'il y ait une commission de gestion de l'équipe nationale qui compterait le ministère, la fédération et les représentants des clubs. J'ai même un projet de texte qui avait été fait à l'époque. Au sujet de la gestion des entraîneurs, quand j'arrivais au ministère, c'est René Taelmann qui était aux commandes des Etalons. D'après les informations que j'ai reçues, Taelmann n'avait pas été recruté comme il le fallait. Notre directeur technique national n'avait pas été associé. Pire, il était chassé des vestiaires, quand il partait superviser l'entraîneur national. En outre, il y a le cas de l'entraîneur fantôme Oscar Fullone. Il a été recruté et je ne l'ai jamais vu à l'oeuvre. Il y a également le problème des entraîneurs Sidiki Diarra et Joseph Kaboré dit Sap qui a été mal traité. Je pense qu'il y a des problèmes essentiels à régler tels que le financement des clubs, la gestion de la relève, de l'équipe nationale, la mise en place d'un texte pour fixer le statut des joueurs de l'équipe nationale. Aujourd'hui, vous ne pouvez pas connaître les droits et devoirs des joueurs de l'équipe nationale, à ce que je sache, et ceux de l'encadrement technique. Rien n'est codifié.

L'équipe Seydou Diakité a démissionné de la FBF, dit-on, suite aux différents échecs. Qu'en pensez-vous ?

Quand on parle d'échec de l'équipe Seydou Diakité, je le veux bien mais vous avez des gens de bonne volonté comme toutes les fédérations qui viennent avec de grandes ambitions et une générosité de coeur et d'âme extraordinaire. Malheureusement, il y a un certain nombre d'obstacles dressés sur leur chemin. C'est pourquoi, il faudrait qu'on se parle en se disant la vérité et il faut qu'on ajuste nos ambitions à nos moyens. Dans le cas échéant, nous irons d'échec en échec et on mettra cela sur le compte des gens. A ce tarif-là, on va épuiser toutes les bonnes volontés dans le domaine du football et on n'aura plus quelqu'un pour le gérer. Je suis partisan d'un apurement du passif. Apurer le passif en faisant en sorte que les responsabilités soient situées.  A partir de ce moment, c'est bon pour l'équipe dirigeante, le sport et la nation. Si on me montre les aspects où j'ai échoué, je prendrai note et je pourrai mieux m'expliquer. Je saurai où j'ai échoué et où j'ai réussi. Cela peut servir de leçon pour les autres. S'il n'y a pas cet apurement du passif, aucune fédération ne jouira d'une honorabilité. Dans l'esprit des gens, tout le monde est pourri, a volé, a détourné de l'argent. Pour les acteurs eux-mêmes, il y a intérêt qu'on situe les responsabilités. Que les gens continuent à servir sur la base du positif qu'ils ont. C'est dommage d'assassiner ainsi une fédération.

Propos recueillis par Antoine BATTIONO et Issiaka KABORE (Stagiaire)

Le Pays du 3 août 2007



03/08/2007
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