L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Koudougou : La guerre de l'oignon a eu lieu

 

Gare ferroviaire de Koudougou

La guerre de l'oignon a eu lieu

 

Ainsi que Passek Taalé le rapportait dans "Une lettre pour Laye" de vendredi dernier, la gare ferroviaire de Koudougou était le théâtre d’une animation toute particulièrement le mercredi 21 février dernier. Cela, on  s’en souvient, était le fait des commerçants et commerçantes de fruits et légumes, qui ont bloqué la marche normale du train, le contraignant à un arrêt forcé de plus de trois heures (contre 20 mn habituellement). La raison ? Exiger l’embarquement de leurs sacs d’oignons, de choux, d’aubergines… Retour sur cette chaude matinée.

 

Comme on le sait, les autorités burkinabè ont mis en place une politique incitative à la production agricole et maraîchère, matérialisée notamment par les cultures de contre-saison, la petite irrigation villageoise, la construction de barrage et autres retenues d’eau, l’organisation des producteurs en associations et groupements, le lancement des centres régionaux d’agriculture, l’allocation de petits crédits aux associations et groupements de producteurs... La tenue régulière de la journée du paysan est la consécration de la volonté du gouvernement et  du premier citoyen du pays de valoriser l’activité agricole.

 

Naturellement, du côté de la base, on ne pouvait rester indifférents à de  si nobles attentions et intentions et c’est ainsi qu’on constatera dans certaines régions l’explosion d'activités comme la production cotonnière, celles des céréales, des légumes… Sans risque de nous tromper, on peut affirmer qu’au niveau du Centre-Ouest et plus particulièrement dans les provinces du Sanguié et du Boulkiemdé, le jardinage a pris le pas sur le reste en ce qui concerne les cultures de contre saison.

 

C’est ainsi qu’un véritablement marché s’est constitué autour de cette activité, qui nourrit des milliers et des milliers de personnes dans ces provinces. Il faut dire que la culture et  la commercialisation des fruits et légumes ont suscité un engouement qui occupe professionnellement plusieurs catégories de personnes :  du jardinier à l’acheteur en passant par les transporteurs, les chargeurs et déchargeurs, les ensacheurs, les démarcheurs… Pour s’en convaincre, nous avons fait un tour au marché de Zakin, où deux sites ont été investis pour la commercialisation des oignons  uniquement.

 

Ici, c’est une vraie fourmilière qui s’active autour de cette plante potagère : une rotation continue de camions, des ‘’gros-bras’’ déchargeant des montagnes d’oignons, des gens agglutinés autour d’autres sacs pour ensacher les légumes, encore les ‘’gros-bras’’ pour les ranger en attendant de les recharger dans des camions  en partence pour quelques villes du pays (Bobo, Boromo, Ouaga…) mais surtout la Côte d’Ivoire et le Ghana.

 

Si pour les villes du Burkina et le Ghana, ce sont les remorques qui sont exclusivement sollicitées, pour la Côte d’Ivoire, le principal moyen de transport demeure le train, qui est la solution la plus facile et la moins onéreuse. La raison ? Le chemin de fer passe par Koudougou avec une gare bien fonctionnelle. Mais voilà, la locomotive ne s’y arrête que 20 petites minutes.

 

Ce qui est largement insuffisant pour charger les centaines de sacs d’oignons, de choux, etc. Les discussions avec les commerçants ont abouti à une solution palliative : les marchandises sont acheminées à Ouaga par des camions pour y  être embarquées dans les collecteurs (wagons). Bien sûr, cela occasionnera des frais supplémentaires de transport, mais ayant le dos au mûr, les marchands ont dû s’y plier.

 

Le forcing pour se faire entendre

 

Malheureusement, comme nous l’a expliqué l’un d’entre eux, la quantité autorisée pour être envoyée à Ouaga est nettement  dérisoire par rapport à ce dont ils disposent, ce qui fait qu'ils se retrouvent à Koudougou avec des ballots d’oignons dont ils ne savent que faire. Qui pis est, et selon toujours notre interlocuteur, depuis un certain temps, peu de sacs expédiés à Ouaga ne sont pas embarqués en totalité ; ce qui fait rester sur place à Ouaga des quantités importantes d’oignons, destinées à pourrir.

 

Les démarches pour obtenir un ou deux collecteurs pour les marchandises de Koudougou seraient restées vaines, de même que celles pour obtenir des responsables de SITARAIL un temps d’arrêt conséquent du train à Koudougou afin de charger les produits. Las et en désespoir de cause, les commerçants et les commerçantes, à leurs dires, n’ont pas trouvé mieux que la méthode forte du mercredi 21 février 2007.

 

Ce jour-là, la gare de SITARAIL à Koudougou était en ébullition, et il y avait de l'électricité en l'air pour ne pas dire sur les rails. Les frondeurs n’avaient plus d’oreille pour entendre raison, et c’est une marée humaine qui a investi la voie ferrée, contraignant le train à l’arrêt. Derrière eux, tout au long du tronçon, ils avaient disposé sur la voie des barres de fer, des morceaux de rail, des blocs de pierre, pour le cas où la locomotive voudrait faire du forcing.

 

S’engage alors un véritable dialogue de sourds. On était au bord de la crise de nerfs et on proférait presque des menaces à l'encontre de ceux-là qui montraient des signes de faiblesse ou contre ceux qui tendaient à afficher un langage modéré. C’était vraiment pathétique de voir ces vieilles dames et ces vieux parcourir le quai, les yeux rouges et la bave aux lèvres, haranguant la foule et criant justice.

 

Même la présence, en nombre important, des éléments de la police n’intimidait personne. Certains ont vite fait de dire que c’est encore une autre façon d’étouffer économiquement Koudougou comme ce fut le cas, ont-ils affirmé, avec la fermeture de Faso Fani. Fort heureusement, l'arrivée du maire adjoint, de passage  pour discuter avec le chef de gare d'un autre problème, qui ne concerne pas directement ce mouvement d’humeur mais est relatif à l’inaccessibilité des vendeuses au quai, va aider à résoudre le problème et à calmer les esprits.

 

Car, après de longues et vives palabres, les révoltés ont obtenu qu’un collecteur (wagon) soit libéré pour leur permettre de charger leurs marchandises. C’est ainsi que les sacs d’oignons et d'autres légumes qui étaient entreposés sur le quai ont été en grande partie fourgués dans le train, qui a alors pu reprendre son chemin, direction la Côte d’Ivoire.

 

Mais comme il ne fallait pas enterrer le cadavre et laisser ses pieds dehors, une rencontre a été organisée séance tenante dans les locaux de la Police ferroviaire pour débattre du problème. Elle a réuni autour du maire de Koudougou, Seydou Zagré, venu précipitamment  de Ouaga pour la circonstance, le chef de gare par intérim, Maxime Zoma, le 1er adjoint au maire, Alexis M’bi Yaméogo, un responsable de l’Union des transporteurs ivoiro-burkinabè (UTIB), Jean Nana, le commissaire central de police, certaines autorités administratives, militaires et paramilitaires ainsi que les responsables (plus d'une dizaine) des commerçants de fruits et légumes de Koudougou. Les discussions ont, bien entendu, tourné autour du problème de chargement des marchandises et de leur entreposage sur le quai.

 

Eviter d’enterrer le cadavre à moitié

 

Selon le 1er adjoint au maire, normalement, il est accordé à Koudougou un wagon d’une capacité de 500 sacs attelé au train EXPRESS destiné au transport des oignons et des denrées périssables. Le problème est que, pour respecter son timing, le train n’a qu’un arrêt de 20 mn à Koudougou, ce qui est insuffisant pour le chargement de l’ensemble de la cargaison.

 

L’UTIB avait passé des accords avec les commerçants d’oignons afin que les colis soient acheminés à Ouaga pour y être chargés. Seulement, voilà, que depuis un certain temps, le train n’a pas pu embarquer la totalité du stock et il a été dit aux commerçants de ne pas y envoyer des sacs supplémentaires. C’est ce qui a conduit au mouvement d’humeur du mercredi 21 février passé.

 

Alexis Yaméogo  nous a confié  que la rencontre avec les différentes parties prenantes a permis d’aboutir à un accord selon lequel les commerçants doivent continuer d’acheminer leurs marchandises à Ouaga, où l’UTIB promet de les embarquer. Cependant,  cette mesure n’est pas définitive, car les négociations vont se poursuivre afin que les chargements puissent se faire à Koudougou. Car, comme l’a relevé le maire Seydou Zagré, cela générerait du travail pour bien de jeunes, en même temps que seront réduits les frais et autres risques liés au transport. De même, il n’est pas concevable que, disposant d’une grande gare, Koudougou soit réduite à envoyer ses chargements dans la capitale.

 

Le maire adjoint a indiqué qu'en raison des mesures de sécurité, la vente à la criée sur le quai est interdite. En outre, l’UTIB a promis de contribuer aux frais de transport occasionnés par  l’acheminement des marchandises à Ouaga. A titre indicatif, sachez que le transport d’un sac d’oignon entre Ouaga et la Côte d’Ivoire coûte 4200 FCFA contre seulement 3000 FCFA il n'y a pas longtemps.

 

Cette fronde des opérateurs de la filière fruits  et légumes de Koudougou vient rappeler l’importance économique de cette activité qui fait vivre décemment des centaines de familles à Koudougou et à Réo, en générant plein d’emplois pour la jeunesse (jardinage, manutention, démarche, transport…).

 

Son importance et son poids vitaux dans l’économie familiale et régionale méritent que des solutions définitives, satisfaisantes par tous, soient trouvées au problème. Aussi, il faut travailler à revitaliser le transport ferroviaire et l’activité commerciale au niveau de la gare de train de Koudougou, qui était jadis un des poumons économiques de la localité et qui a, depuis, périclité. Car, assurément, la commercialisation des fruits et légumes entre notre pays et la Côte d’Ivoire est un créneau à ne pas négliger.

 

Le modus operandi trouvé lors de la rencontre multipartite du mercredi 21 février sont bonnes à prendre, même s'il est  conjoncturel.

Il faut donc rechercher des solutions structurelles et pérennes pour que les pieds du cadavre ne restent pas dehors après un si laborieux enterrement. Tout le monde y gagnerait et la filière fruits et légumes de Koudougou ne  s'en porterait que mieux.

 

                                                                                                    Cyrille Zoma

                                          Source, L'Observateur Paalga du 1er mars 2007



01/03/2007
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