L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Koudougou : Un orage fait 03 morts et plus de trente blessés

Koudougou

Un orage fait 03 morts et plus de trente blessés

 

Sans exagération ni  esprit machiavélique, on peut dire que le vendredi 20 avril dernier a été un jour noir et macabre pour les habitants de Koudougou, en particulier pour ceux des secteurs 2, 1, 5 et du village de Nayalgué (05 km de Koudougou). Une véritable série noire : l'effondrement d’infrastructures scolaires aux secteurs 2 et 1, des noyades au secteur 5 et à Nayalgué. La cause ? Une forte pluie, que la population a appelée de tous ses vœux. Retour sur un drame qui a choqué toute une ville.

 

Durant  la semaine écoulée, les Koudougoulais scrutaient sans cesse le ciel, espérant en voir tomber quelques gouttes d’eau à même d’apporter un peu de fraîcheur. Il faut dire que ces derniers temps, la canicule pesait sur la ville comme une chape de plomb. La nuit,  la température baissait à peine, rendant le sommeil pénible. Plus d'un à Koudougou souhaitait que ce vendredi 20 avril le calvaire prenne fin.

Leur vœu sera exaucé, mais on aurait préféré  végéter encore quelques jours dans la fournaise que de vivre le drame qui allait s’abattre sur la ville et sa banlieue.

Certes il y a eu de la pluie accompagnée d’un vent fort,  mais à l’arrivée point de fraîcheur, mais plutôt des larmes, des meurtrissures, la  mort et, en prime, des dégâts importants. C’est à l’école bilingue du secteur 2, flanquée au bas de la colline sur laquelle est perché le château d’eau que le bilan dressé par le directeur général de l’hôpital de l’Amitié aux autorités,  qui se sont promptement déplacées sur les lieux, est des plus sombres : 33 élèves plus quatre enseignants  dans son établissement, dont la directrice, Mme Komi/Séré Damata ;  trois enfants morts, soit  la fille de la directrice, Komi Carine, morte sur le champ, une au cours de son évacuation (Sophie Yaméogo) et une à hôpital, le samedi matin.

Quand nous sommes arrivé sur les lieux aux environs de 16 heures, c’est un spectacle désolant et apocalyptique qui s’est offert à nos yeux. Des gens hagards, courant dans tous les sens, les sapeurs-pompiers, la gendarmerie, la police fouillant  les décombres ou tentant de faire régner l’ordre. La flamboyante école bilingue du secteur 2 ouverte en 2003 et construite en BTC (briques de terre comprimée), n’est plus que ruines. Des amas de tôles ondulées, les IPN (barres de fer servant à soutenir le toit) et des blocs de béton enchevêtrés gisent partout. On aurait dit qu’une main géante s’était amusée à  malaxer tous les matériaux pour les déposer ensuite là en tas avec, tout autour et sous les décombres, des pans entiers de murs effondrés. Selon certains témoignages dont ceux d’enseignants, toujours sous le choc, c’est aux environs de 15 heures que l’orage a commencé. Les élèves étaient naturellement en classe, et dehors, sous l’auvent, l’inspecteur Amadou Bassia, chef de la circonscription de Koudougou 2, la directrice de l’école, Mme Komi/Séré Damata, et un enseignant étaient en séance de travail avec Mme Remaine Kinda de la DGEB dans le cadre du suivi pédagogique. Devant la grêle, qui tombait, un maître s’est proposé d'aller faire sortir les enfants afin qu’ils assistent à ce phénomène climatique. Il ne fit pas trois mètres qu’un bruit assourdissant se produisit suivi de tremblements. Le vent venait de décoiffer deux classes (celles des 3e et 4e années), de détruire complètement  les murs et d'endommager sérieusement les autres salles. Les occupants recevront des blocs de béton, des poutres  de fer et d’autres projectiles dans une panique et une débandade monstrueuses. Alertés, les pompiers, la gendarmerie et la police arrivent sur les lieux, et, tous ensemble, ils dégagent les élèves pris au piège dans les décombres. Au finish, on dégagera le corps inerte de la fille de la directrice, écrasée par un bloc de béton, celui d’une autre fille, qui mourra au cours de son évacuation. Les élèves et les 04 enseignants seront transportés à l’hôpital de l’Amitié, vite rejoints par d’autres élèves blessés venant cette fois-ci de l’école de Dapoya 1 où la toiture d’une classe a été détruite par le vent.

A l’hôpital, où nous nous sommes rendu, la promptitude du corps médical a permis d’éviter le pire à nombre d’enfants, même si un troisième, touché à la tête et au visage, succombera le lendemain. A cette diligence du corps médical est venu s'ajouter le geste  salvateur de la mairie de Koudougou, qui a pris en charge la totalité des ordonnances médicales. Une femme, dépêchée sur place par le maire Seydou Zagré, a veillé à ce que toutes les  ordonnances soient honorées sur le champ, facilitant ainsi le travail des agents de santé. Le secrétaire général du MEBA est venu s’ajouter aux autorités politiques et administratives de la place, et ensemble, ils ont fait le tour de l’hôpital pour apporter soutien et réconfort aux blessés. Ils se sont rendus sur les sites des écoles pour se faire une idée de l’ampleur des dégâts. A l’hôpital, on nous informera qu’une personne s’est noyée à Nayalgué pendant que ses deux compagnons, plus chanceux, ont été repêchés. Le lendemain, samedi, un enfant s’est noyé  dans le marigot du secteur 5 tandis que son camarade a pu être sauvé. Un week-end sans  répit pour les Koudougoulais, qui n’avaient jamais vécu pareille situation ; une situation qui, selon certains, aurait pu être évitée surtout au niveau de l’école bilingue du secteur 2, si certaines normes de sécurité avaient accompagné la construction de l’infrastructure. Certains n’hésitent pas à incriminer la qualité des matériaux  utilisés. Vu de près, un béton qui s’effrite au moindre coup, des briques qui prennent l’eau, des fers d’attache qui se tordent comme de l’étain, un bâtiment de cette taille, construit sans chaînage avec des étais pour le béton de la toiture, ne dépassant pas 4 cm de largeur, reconnaissons qu’ils n’ont  peut être pas tort, ceux-là qui pointent un doigt accusateur sur l’EPCD, qui a assuré la maîtrise d’ouvrage, et sur l’entrepreneur qui a réalisé l’ouvrage. Est de ceux-là Zakari Sawadogo de l’OSEO, qui ne décolère pas contre l’EPCD pour n’avoir pas, selon lui, pris en compte  leurs suggestions quant au respect des normes de sécurité en matière de construction. Du reste, on espère que les enquêtes de la gendarmerie permettront très vite de situer les responsabilités. Mais en attendant, que de larmes et de désolation ! Quand nous avons rendu visite à la directrice  Komi/Séré Damata  dans sa chambre d’hôpital, c’est à peine si elle ne délirait pas. Se demandant toujours ce qui a bien pu  lui arriver.

Ce drame repose le problème de la sécurité des enfants en période de pluies. Une rencontre tenue le lendemain samedi a regroupé les autorités, les responsables de l’éducation et les différents acteurs concernés autour du sujet. Et selon l’inspecteur, au cours de cette rencontre, le point a été évoqué et proposition a été faite de revoir et d'opérer des tests dans certaines écoles en vue de voir les mesures à prendre au cas  où certaines seraient défectueuses. Et là, on pense immédiatement à l’école de Dapoya 2 où 2 classes ont été construites avec des tôles et des seccos empilés de façon hâtive et défiant toutes les normes de sécurité.

Pour l’inspecteur, cette situation va permettre aux différentes autorités concernées de prendre la mesure réelle des choses, de voir les mesures urgentes à prendre et d’envisager  des solutions définitives en ce qui concerne la sécurité des enfants.

 

La réaction de quelques acteurs

 

Nous vous proposons la réaction à chaud de quelques acteurs concernés en attendant celle du directeur de l’EPCD, que nous n’avons pas pu recueillir à temps pour la faire figurer dans ce numéro, mais que vous lirez dans une de nos prochaines éditions.

 

1-  M. Innocent Noraogo Zaba, secrétaire général du ministère de l’Enseignement de base.

 

Après avoir fait le tour et vu ce qui s’est passé, qu’elle réflexion pouvez-vous faire ?

 

• Devant un tel drame, je suis attristé et désolé. Je ne puis que m’incliner devant les victimes, souhaiter que leur âme repose en paix ; souhaiter aux blessés  prompt rétablissement, du courage pour les enseignants qui ont eu un grand choc psychologique. J’exprime toute ma reconnaissance aux jeunes riverains qui se sont promptement mobilisés pour aider à secourir les victimes et nous éviter une véritable hécatombe. Ma reconnaissance va aux autorités administratives de la municipalité pour leur mobilisation, aux médecins et infirmiers de l’hôpital de l’Amitié pour leur prompte réaction, aux sapeurs-pompiers, qui  ont joué leur partition. Ce drame constitue un grand deuil pour le ministère de l’Enseignement de base ; ce qui explique que madame le ministre  m’a instruit de me rendre sur les lieux pour constater de visu les faits et apporter les encouragements du ministère à tous ceux qui sont éprouvés par ce drame.

 

Beaucoup font le constat qu’au niveau de cette école bilingue, la qualité de la construction laisse à désirer. Est-ce votre avis ?

 

• Je vais me réserver de tirer des conclusions d’autant plus que la gendarmerie est venue faire le constat. Tous ceux qui sont habilités à faire une enquête sont passés sur les lieux. Nous attendons leurs conclusions pour pouvoir tirer des leçons et situer les responsabilités dans ce drame.

 

2-  M. Zakari Sawadogo, chef de la division éducation bilingue au sein de l’Œuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO) au Burkina Faso

 

On sait que l’école bilingue touchée par le sinistre aujourd’hui fait partie de ces écoles que l’OSEO tente de mettre en place au Burkina Faso.

 Ayant fait le tour et vu l’ampleur des dégâts quelle réflexion faites- vous ?

 

  Pour  nous, c’est un véritable drame. Nous profitons de cette occasion pour exprimer toute notre compassion aux familles des disparus et notre soutien aux blessés, à qui nous souhaitons prompt rétablissement. Par rapport à votre question, l’OSEO, en partenariat avec le MEBA, a mis en place les écoles bilingues, qu’elle construit pour ce ministère. Pour le cas présent, il est nécessaire q'on vous donne le contexte où les choses ont eu lieu : l’OSEO a été accompagnée par la coopération suisse pour la mise en place  des écoles bilingues à Koudougou à la demande des femmes de Koudougou. Concernant la maîtrise d’ouvrage, il y a eu des débats tant au niveau de la commune de Koudougou qu’au niveau de la coopération suisse. Il était question que les écoles soient construites à partir de la technologie de l’EPCD, à l'instar du marché central de Koudougou. En son temps, nous avions souhaité que la construction se fasse en pierres taillées comme dans le cas de l’école du secteur 9. Mais finalement, dans les discussions, nous sommes arrivés à un consensus, à  savoir que celle du secteur 9 soit en pierres taillées et l’école du secteur 2 en BTC (Blocs de terre comprimée) sous la responsabilité de la mairie à travers son bras ouvrier, l’EPCD. Et c’est ce qui a été fait.

En son temps, nous avions, au niveau de l’OSEO, souhaité qu’à défaut d’accepter le type d’architecture que nous proposions, au moins on mette un chaînage. Ils ont dit que cela ne répondait pas à leur modèle d’architecture et qu’il n’était pas possible de faire une modification. Malheureusement, ce que nous avons craint est arrivé, et on le déplore. Nous le disons et le répétons, la construction a été assurée par l’EPCD.

 

D’aucuns ont mis en cause la qualité de l’ouvrage ; avez-vous fait le même  constat ?

 

• Le constat est effectivement là et très amer. Quand une architecture est le choix d’un partenaire, qui la met en place dans le cadre de sa maîtrise d’ouvrage, vous comprenez que les choses peuvent aboutir à ce qu’on déplore. C’est dommage. On aurait pu ensemble éviter cette situation si dès le départ on avait accepté notre proposition : pierres taillées ou parpaings. La réalité, c’est que c’est une infrastructure en expérimentation et qui a ses limites.

 

Vous êtes déçus à l'OSEO ? 

 

• La déception est grande. Dès lors qu’une école a été construite qui doit abriter des enfants, le minimum est d’offrir des infrastructures de qualité pour faciliter les apprentissages et mettre les enfants en sécurité. Mais le cas  de l’EPCD, avec ici ce bâtiment, démontre que cela n’a pas été la préoccupation de tous, et le malheur, c’est que ce que nous avons craint est ce qui est arrivé. Vous pouvez certes approcher l’EPCD pour avoir  leur son de cloche, mais les choses sont claires que  la maîtrise d’ouvrage a été assurée par l’EPCD, et au demeurant, l’architecture n’est pas loin de celle utilisée pour la réalisation du marché central, qui a été construit avec le même type de matériaux,  et sur, à peu près, le même  modèle.

 

3-  M. Amadou Bassia, chef de la CEB N°2 de Koudougou

 

Vous étiez présent durant le drame à l’école Bilingue du secteur 2 ; pouvez-vous nous dire comment ça s’est passé ?

 

• En effet,  j’étais sur les lieux, aux environs de 14h 15 en compagnie de Mme  Kinda Remaine, chargée du suivi des écoles bilingues à la DGEB. Nous étions là pour une intervention pédagogique. C’est entre 15 h 15 et 15 h 20 que le drame est arrivé. Nous étions dehors, en entretien pédagogique avec le maître de la classe de 5e année et en compagnie de la directrice, quand, tout à coup, nous avons entendu un grand bruit  accompagné de secousses. Les tôles de l’école venaient de s’envoler, et les murs des classes de  3e et 4e année  de s’effondrer. Ce fut alors la débandade, le sauve-qui-peut. Le grand problème, dans cette panique générale, était de maîtriser les enfants et de les éloigner des lieux ; tout ça sous une pluie qui continuait de tomber, et dans le vent, qui soufflait toujours.

 

Au nombre des victimes il y a la directrice. Pourquoi elle a été atteinte du moment qu’elle était avec vous selon vos dires ?

 

• Quand il y a eu le problème, nous avons cherché à nous éloigner des lieux avec les enfants. Entre-temps, elle m’a rappelé que sa fille était sur les lieux, car elle fréquentait cette école en classe de CM2. Elle est donc revenue  sur les lieux. C’est là que sûrement elle a chuté et avec tout ce qui tombait, elle a dû recevoir un morceau de brique ou de béton ou quelques masses, car ni la pluie ni le vent n’avaient cessé.

 

· Vous venez de sortir d’une rencontre avec les autorités de la place ainsi que les différents acteurs impliqués, pouvez-vous nous faire la synthèse des débats et de ce qui a été arrêté ?

 

• En fait, la rencontre visait à donner les informations exactes à la population, à lui faire le point de la situation réelle de ce drame, mais aussi à voir  les mesures urgentes à prendre pour permettre aux enfants de  reprendre les cours ; à passer en revue les questions psychologiques, matérielles  pour ce qui concerne  les fournitures et les locaux. La mairie est du reste, là-dessus en train de voir avec la direction régionale et la direction provinciale de l’enseignement de base ce qu'il y a lieu de faire afin de caser ces enfants.

 

Beaucoup de personnes soutiennent que la construction de cette école n’a pas respecté les normes de qualité au niveau des matériaux et de la sécurité. Quel est votre point de vue ?

 

• Vous voyez, j’ai été très traumatisé, je le suis toujours parce que je suis resté avec les enfants du début à la fin. Je les ai vus souffrir, mourir pour certains ;ce qui fait que je n’ai rien remarqué en ce qui concerne la qualité de l’ouvrage. C’est ce matin au cours de la rencontre, que  j’ai appris cela. La préoccupation du moment était de sauver les enfants. Vous- même  m’avez vu, j’étais complètement perdu.

 

Cyrille Zoma

L’Observateur Paalga du 23 avril 2007



23/04/2007
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