L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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L'Afrique saura-t-elle en tirer profit ?

Coopération avec l’Inde

L'Afrique saura-t-elle en tirer profit ?

 

Le sommet Inde-Afrique s'est ouvert mardi dans la capitale de la plus grande démocratie du monde. C'est une première, mais la rencontre a un air de famille avec d'autres réunions dont nous avons maintenant l'habitude et qui ont, comme on le voit, tendance à se multiplier. On avait d'abord les inusables sommets France-Afrique; la montée en puissance de la construction européenne nous a donné les prévisibles sommets Europe-Afrique dans la ligne des sommets Japon-Europe, Chine-Europe... Puis, le Japon d'abord et la Chine ensuite ont initié des rencontres du même genre avec l'Afrique. C'est maintenant l'Inde qui entreprend des concertations organisées avec le continent.

Qu'est-ce qui fait courir toutes ces puissances anciennes, nouvelles ou émergentes ? Que cherchent-elles en Afrique ? Le doute n'est pas de mise. Même dans le cas de la France qui a beau jeu d'invoquer l'histoire et la culture, elle ne peut pas faire illusion : ses motivations profondes sont économiques. Pas davantage, l'Union européenne ne peut tromper son monde quand il lui arrive d'agiter la problématique des droits de l'homme avec plus ou moins de conviction. Il est clair que ce sont des raisons économiques qui tournent vers l'Afrique ces puissances montantes ou déjà confirmées. A partir de là, l'attitude des Africains devait être extrêmement claire et nette : ouverture et conscience des intérêts du continent. Puisqu'il est acquis que ce ne sont pas des motivations philanthropiques qui animent les interlocuteurs de l'Afrique, celle-ci doit établir des liens avec tous ceux qui sont en ligne avec ses intérêts bien compris.

Et de ce point de vue, il faut reconnaître que l'Inde est intéressante pour l'Afrique à plus d'un titre. D'abord, il y a une plus grande proximité entre elle et l'Afrique. Des problèmes similaires entravent la marche vers le bien-être des populations. De telle sorte que les solutions que l'Inde a élaborées pour vaincre les pesanteurs naturelles et socioculturelles sont probablement adaptées aux situations que connaissent les populations africaines. Et, dans cette perspective, l'Inde apparaît comme un modèle pour l'Afrique à bien des égards. Il n'y a pas si longtemps, on ne parlait de cet immense pays que pour s'apitoyer sur le sort de sa population vivant les affres de la misère, de la violence et des traditions rétrogrades. On montrait complaisamment les rues de Calcutta jonchées de cadavres, de mendiants aux corps décharnés. On dissertait durement sur le régime regrettable des castes. Aujourd'hui, les choses ont changé. Bien sûr, la pauvreté sévit toujours et souvent durement. La croissance ne profite pas à tout le monde; elle se conquiert même au prix de la paupérisation de larges couches de la population.

Mais l'Inde ne craint personne. Dans certains secteurs des technologies de pointe, les Indiens jouent dans la cour des grands. Comment cela se fait-il ? L'Inde a fait le pari de l'éducation, de la formation et de la recherche. C'est pourquoi, elle peut être pour l'Afrique une source d'inspiration pour la résolution des problèmes de développement rural, pour les actions d'alphabétisation de masse, pour la maîtrise de la technologie, notamment dans l'agriculture. Les micro-crédits si laborieux à mettre en place ici sont développés là-bas de façon efficace. Bref, l'Inde peut nous apporter beaucoup. La question de la gestion des ressources humaines, du transfert des technologies, la diffusion des savoir-faire, le sens de la recherche et de ses applications, voilà des points sur lesquels les Africains devraient savoir qu'ils peuvent s'inspirer du modèle indien. Sans complexe, ils devraient tirer au clair, les possibilités que pourrait offrir une coopération avec l'Inde et accepter des échanges dans lesquels leurs intérêts seront pris en compte.

Or, on peut craindre que les Africains ne buttent sur deux écueils : la crainte de heurter les anciennes puissances colonisatrices qui, quoi qu'on dise, sont toujours maîtres du jeu sur le continent, et la mise en avant des intérêts politiques personnels qui prennent parfois le pas sur les intérêts des pays, des peuples et du continent.

Sur le premier point, on n'insistera jamais assez sur la réalité de la concurrence économique internationale. Les Africains doivent commencer , enfin, à ouvrir les yeux. Ils doivent compter sur eux-mêmes, prendre la responsabilité de la diversité de leur coopération. Il est révolu le temps où ils devaient se soumettre aux intérêts des puissances étrangères. La question des rapports privilégiés avec telle ou telle puissance doit être tranchée sur le terrain de ce que les uns et les autres peuvent nous offrir comme opportunités.

Sur le deuxième point, on sait que les stratégies de conservation du pouvoir peuvent heurter les intérêts nationaux. Les relations diplomatiques et économiques peuvent être mises au service d'intérêts politiques particuliers et mesquins. Nul besoin de dire que de telles façons de faire ont une grande part dans le recul que vivent les pays africains. Il faut donc que les Africains se mettent au diapason de l'évolution du monde, qu'ils sachent tirer, dans ce cas indien comme ailleurs, leur épingle du jeu dans leurs relations avec les autres.

 

Le Pays du 10 avril 2008

 



10/04/2008
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