L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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L'évêque de Kaya refuse la polémique

RECONCILIATION NATIONALE

L'évêque de Kaya refuse la polémique

 

Suite à la publication du message de soutien de la commission épiscopale "Justice et Paix" au mouvement des "Femmes en noir", des lecteurs ont exprimé leur point de vue dans certains médias qui interpellent le président de ladite commission.

Tandis que certains lecteurs considèrent ce message à la fois comme une marche en arrière de l'Eglise catholique dans le cadre du processus de réconciliation nationale et un désaveu du président de la Journée nationale de pardon, d'autres désapprouvent totalement la démarche. Sans polémique et tout en remerciant les auteurs des différents écrits, voici la réponse du président de la commission épiscopale "Justice et Paix", Son Excellence monseigneur Thomas Kaboré.


A propos de l’article Réconciliation nationale : "L’Eglise fait-elle marche arrière ?" du Journal du Jeudi N°821 du 14 au 20 juin 2007, l’auteur du message au "femmes en noir" que je suis s’est senti le devoir d’apporter une réponse aux questions posées par l’article, en espérant infirmer les deux hypothèses que l’auteur proposait aux lecteurs.

L’intention de l’évêque de Kaya n’est pas d’instaurer une polémique avec qui que ce soit, mais d’assumer la responsabilité que ses pairs lui ont confiée, celle de présider la commission Justice et Paix, une commission pontificale dont celle du Burkina n’est qu’un démembrement. En instituant une telle commission, l’Eglise veut assumer son rôle prophétique à travers le monde. Ce n’est pas au Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques que l’Eglise emprunte son vocabulaire, mais aux prophètes que Dieu "établit sur les nations et sur les Royaumes, pour arracher et renverser, pour exterminer et démolir, pour bâtir et planter." Jer.1,10

La politique et la pastorale

L’Eglise agit et prend position sur les questions et les problèmes communs, non par calcul politique mais dans une attitude pastorale. Le pasteur veut le bien de tous dans la vérité; la conversion des agresseurs et le réconfort des victimes; le bien de celui qui s’est égaré par sa faute, comme de ceux qui sont restés dans le droit chemin. Il importe donc pour l’Eglise de dénoncer l’injustice avec fermeté, et en même temps, de ne diaboliser personne, de n’éloigner personne.

Lors de la Journée du pardon, l’Eglise a mis en oeuvre cette attitude pastorale que les politiques comprennent difficilement. Elle ne pouvait se tenir à l’écart pour tirer partie d’une lourde faute, afin d’assommer un coupable (ou un ennemi pour certains). Cela aurait sans doute réussi à exacerber les sentiments d’hostilités, avec leur cortège de haine et de violence, mais n’aurait nullement apporté l’apaisement souhaité.

Dès lors qu’il s’agit de "Pardon", les forces de paix ne se doivent-elles pas de faire leur possible pour apporter le meilleur d’elles-mêmes afin de donner des chances, si minces soient-elles, à la recherche de la paix ? C’est ce que firent toutes les religions, protestante islamique et catholique L’attitude pastorale veut ainsi le bien de tous : du coupable et des victimes ; ils doivent continuer de vivre ensemble, et mieux, de construire ensemble leur Faso commun.

Pour travailler à la paix, il faut y croire !

L’Eglise suit encore une logique de foi en la réconciliation : les coupables comme les victimes sont tous des frères qui doivent se réconcilier. Ce n’est pas faire preuve de naïveté comme penseraient les politiques, c’est au contraire le réalisme même. La Bible enseigne que dès l’origine de l’humanité, les premiers frères furent ennemis et homicides. Caïn tua Abel ! mais ils étaient malgré tout des frères. Le plus important, c’est cette affirmation de leur fraternité parce qu’elle porte le germe d’une possible réconciliation, d’une espérance. L’Eglise sait donc que la guerre est aussi vieille que l’humanité, mais elle refuse d’ériger la lutte des classes et la guerre systématique en méthode et en idéologie. La démarche pastorale vise donc à la réconciliation et à la paix, parce que l’Eglise y croit, vit et travaille pour cela.

L’analyse faite dans le Journal du Jeudi à propos du virage à 180° de l’Eglise suit une autre logique que celle de l’Eglise : cette logique qui ne croit pas à la réconciliation, qui prend son parti, et lutte à mort, c’est la logique de la lutte des classes. En définitive, cette logique est celle du "ôte-toi que je m’y mette". Il s’ensuivra toujours des incompréhensions irréductibles avec l’Eglise, car elle ne croit pas à la lutte systématique, et même, la rejette ; la mentalité de lutte systématique est malheureusement la méthode par excellence de la politique et des politiciens.

Heureux les affamés et assoiffés de justice

Le soutien des "femmes en noir" suit aussi cette même attitude pastorale qui se préoccupe des faibles, des oubliés, de ceux qui souffrent. l’Eglise réclame pour eux vérité et justice. L’évêque de Kaya n’apporte aucun désaveu à l’archevêque de Bobo, et il n’y a aucune lutte de factions rivales au sein du collège épiscopal. L’Eglise affirme seulement par là qu’elle est attentive aux victimes, et réclame ce qui apaisera le plus leurs souffrances : la justice par la vérité qui réhabilitera leur disparu; pour un parent, quoi de plus insupportable que de voir son proche abattu comme un animal ou un criminel alors que l’on s’attendrait à voir exalter ses mérites dans le service de la patrie ? S’étant donc engagée pour le pardon, l’Eglise se reconnaît plus d’un titre pour réclamer vérité et justice pour les victimes, afin de rendre le pardon possible.

Enfin, à propos de l’affaire Norbert Zongo, l’Eglise s’est exprimée à propos du non-lieu et n’a pas attendu le 3 juin pour faire ses réserves. Il me plaît ainsi de porter à la connaissance de tous les lecteurs la toute première des 5 recommandations de la deuxième Semaine sociale de l’Eglise catholique du Burkina en novembre 2006 :

"Considérant…..

Prenant en compte les vives réactions de désapprobation enregistrées à la suite du non-lieu prononcé dans le traitement de l’affaire Norbert Zongo ;

Estimant :….

Nous, participants à la 2e semaine sociale de l’Eglise Catholique au Burkina Faso, tenue du 6 au 9 novembre 2006 au Centre national cardinal Paul Zoungrana, sous le thème «La justice sociale et la paix au Burkina Faso : quelle contribution de l’Eglise catholique ?"

Exprimons notre vive inquiétude et notre malaise profond face à ce non-lieu ;

Recommandons vivement aux autorités politiques et judiciaires :

que des mesures appropriées soient prises pour la suite de l’examen de ce dossier en vue d’aboutir à une justice équitable." Ouagadougou, le 9 novembre 2006. Les participants.

L’évêque de Kaya se devait de répondre aux questions posées dans l’article "Réconciliation nationale" du Journal du Jeudi N°821 du 14 au 20 juin 2007; il répond que l’Eglise ne fait ni marche arrière ni marche avant selon la géométrie de la politique ; elle suit son chemin propre. Son chemin est sans doute déconcertant puisqu’elle essaie de suivre celui de son Seigneur qui aima le pécheur tout en condamnant son péché ; chemin inconfortable assurément, mais le seul à même d’atteindre le but que poursuit l’Eglise : la vérité et la justice, la réconciliation nationale et la paix.

 

Mgr Thomas Kaboré

Evêque de Kaya

Président de

La Commission Justice et Paix

Le Pays du 13 juillet 2007



13/07/2007
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