L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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La bastonnade comme preuve d'amour (Cameroun)

Cameroun

La bastonnade comme preuve d'amour

 

Dans certaines sociétés camerounaises, battre son épouse est encore perçu comme une marque d'amour. En l'absence de loi spécifique sur la violence conjugale, les traditions ont la vie dure.

 

"Quand mon mari fait deux ou trois jours sans porter la main sur moi, je me demande s'il m'aime encore, et pour me rassurer, je le provoque", confie sans gêne Christine Ngono, commerçante dans un marché de Douala, la capitale économique camerounaise. Mère de famille nombreuse, Marie Messomo se félicite ouvertement des bénéfices ainsi récoltés. "Après la bastonnade, mon mari me cajole et m'offre des cadeaux pour se faire pardonner."

Selon Belibi Ndzana, chef de la communauté béti dans la région du Littoral (Sud du pays), battre sa femme serait un phénomène culturel. "C'est à la femme qu'incombe l'éducation de toute la famille. Elle doit être exemplaire et il ne faut lui tolérer aucun comportement déviant", soutient-il. Quand la monogamie ne s'était pas encore imposé dans la plupart des foyers avec la progression du christianisme, le quotidien était encore plus compliqué pour les femmes… "Chacune des nombreuses épouses voulait alors se sentir aimée. Elle provoquait alors de temps en temps son mari qui ne tardait pas à la bastonner. Cela réveillait la jalousie des autres femmes ", ajoute Belibi Ndzana.

Officiellement, les sévices et les mauvais traitements constituent une cause de divorce prévue dans le Code civil camerounais. Mais en 2004, le rapport sur les droits de l'homme au Cameroun déplorait déjà l'absence de loi spécifique sur la violence conjugale. Selon ce rapport, la législation n'interdit pas expressément cette terrible pratique : "Dans plusieurs régions, le droit coutumier considère la femme comme la propriété de son mari. En raison de l'importance accordée aux traditions, les lois qui protègent la femme ne sont pas souvent respectées".

 

"Faire cesser cette barbarie"__Pour Same Kollé, enseignant de psychologie et de sociologie à l'Université de Douala, la relative passivité des femmes violentées s'explique également par le poids de certaines traditions qui orientent l'éducation des filles vers une totale soumission à l'homme. "L'homme développe un réel sadisme et la femme un grand masochisme. Dans le couple, la femme idéale sera celle qui affichera sa soumission à la domination de l'homme", soutient-il.

"Je n'accepte pas qu'un mari pratique son 'droit de correction' sur sa femme au nom d'une certaine coutume. Il faut encourager la victime à se plaindre devant les Tribunaux pour faire cesser cette barbarie.", dénonce Alice Nkom, avocate et féministe.

Au Cameroun, plusieurs femmes ressentent chaque jour dans leur chair les humeurs de leurs conjoints. "Il suffisait que quelqu'un appelle mon mari pour se plaindre de mon comportement. Il débarquait alors et me bastonnait copieusement", se souvient cette victime qui préfère garder l'anonymat. Son époux justifie aujourd'hui son comportement par les pressions de ses parents et de ses amis qui lui faisaient croire que c'était là le seul moyen de démontrer son amour pour sa compagne et d'asseoir son autorité. _"Ceux qui tapent font preuve de faiblesse, car ils sont incapables de convaincre par les mots", rectifie Fidèle Essomba, homme plus sensé.

 

SYFIA

L’Observateur Paalga du 11 février 2008



11/02/2008
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