Le capitaine Ouali s'est-il barré ou l'a-t-on barré ?
Le capitaine Ouali s'est-il barré ou l'a-t-on barré ?
Le capitaine Ouali, l'inventeur de la " Compaorose " et qui a, durant son procès, fait le procès en règle du régime Compaoré, se serait enfui à la première permission qu'on lui a accordée. Laquelle est signée des mains du commandant Bagoro lui-même. Fait inhabituel s'il en est, qui contribue à jeter le trouble sur cette fuite curieuse.
Quand les quatre condamnés de la tentative du putsch d'octobre 2003 sont arrivés à la MACO après le jugement d'avril 2004, l'administration pénitentiaire ne leur a pas fait le même sort. Très tôt, un régime de faveur a été fait au capitaine Bayoulou et au sergent Bassana Bassolet. Des contacts secrets ont été noués avec eux, par des émissaires mystérieux se réclamant de Djibril Bassolet et de Gilbert Diendéré. Le capitaine Bayoulou et le sergent Bassolet se sont progressivement éloignés de Naon et de Ouali. Les émissaires mystérieux avaient réussi à les opposer et à les détacher. Quelque temps après, le capitaine Bayoulou et le sergent Bassolet étaient libres. Ils avaient bénéficié d'une grâce présidentielle. La suite, on la connaît. Les promesses que les mystérieux émissaires leur avaient faites n'ont pas été totalement tenues. Quand le capitaine Bayoulou et le sergent Bassolet se sont rendus compte de la supercherie, c'était déjà trop tard. Il ne leur restait plus que la fuite. Où sont-ils actuellement ? Personne ne le sait exactement, si non des rumeurs qui décrivent la situation peu enviable du capitaine Bayoulou dans un pays voisin où il vivrait cloîtré.
Quant à Ouali et Naon, leur demande de grâce présidentielle introduite à l'initiative de leurs avocats est restée sans suite. Le conseil de Naon, las d'attendre une réponse promise qui n'arrivait pas, avait eu ce coup de gueule dans L'Evénement N° 65 du 10 avril 2005 : " Blaise a intérêt à gracier Naon… ". Pour notre part, nous écrivions ce constat amère dans le même numéro, en ces termes : " En contrepartie d'une grâce, ils (Naon et Ouali) ont renoncé au pourvoi. Le 30 mars (date anniversaire de la Journée nationale de pardon), la grâce n'est pas venue. Et ils n'ont plus de recours… "
On a donc travaillé à torturer moralement et psychologiquement les condamnés Naon et Ouali. Contrairement à ce que affirme le commissaire militaire Bagoro, (interview au journal Le Pays) Ouali et Naon n'ont jamais été considérés comme des prisonniers ordinaires et n'ont pas eu leurs droits convenablement respectés. La preuve, lui-même commissaire du gouvernement s'est assis sur toutes les demandes que les intéressés ont fait pour jouir des droits reconnus à tout prisonnier. Nous l'avons écrit dans ces mêmes colonnes, le président du Faso, de façon subreptice, a gracié progressivement le soldat Ousseni Yaro, reconnu coupable par la justice de meurtre sur la personne de David Ouédraogo après d'inhumaines tortures par le feu. Par contre, le président Compaoré n'a pas donné suite à la demande de grâce de Naon et de Ouali. Dans le premier cas, Ousseni Yaro a commis un meurtre affreux. Dans le second cas, Naon et Ouali sont reconnus coupables d'avoir voulu faire un coup d'Etat, dont ils n'avaient ni les moyens ni la carrure. Pour traduire cet état de fait, nous l'avions résumé, au lendemain du procès, en ces termes : " Le complot des frustrés ", pour traduire le sentiment général qui s'est dégagé pendant les assises où on a vu, excepté Ouali, des gens meurtris de n'avoir pas été récompensés à la hauteur de leur dévouement pour un régime et pour un homme, Blaise Compaoré.
Alors et cette affaire de fuite ?
Dans la logique des conditions qui ont été toujours faites à Naon et à Ouali, la permission accordée à Ouali a été une surprise totale pour tous ceux qui suivent de près cette affaire. Ouali a été particulièrement plus soumis à un régime sévère pendant sa détention. Jusqu'à ce qu'il obtienne cette permission, sa première depuis qu'il était en détention, il avait été le plus clair du temps en isolement. C'est vrai qu'il avait une bonne conduite à la prison. On n'a jamais signalé un incident de sa part depuis quatre ans. Mais en règle générale, les sorties accordées à des prisonniers, tenus en régime de détention sévère, se font sous bonnes escortes, surtout que c'était la première fois et le prisonnier Ouali n'avait pas de domicile connu. Ce fut le cas pour le sergent Naon à sa première sortie. Il est arrivé chez lui menotté et escorté d'un GSP et d'un gendarme. Pourquoi le commandant Bagoro n'a-t-il pas pris ces précautions d'usage pour Ouali ?
Un événement qui s'est produit récemment à la MACO nous laisse penser que cette fuite de Ouali serait plutôt voulue.
En effet, faisant suite à la mutinerie des soldats en décembre dernier, certains militaires pris en flagrant délit de vols et d'attaques sur les routes ont été déférés à la MACO. Ils seraient une trentaine environ. Parmi ces soldats, il y aurait des dealers de drogue. Un fournisseur d'un de ces dealers est appréhendé à la porte alors qu'il apportait la marchandise à son client. Ce dernier informé de ce qui est arrivé se transporte à l'entrée de la MACO et confisque toute la drogue qu'il trouve. C'est l'émeute. Les soldats par solidarité se mettent à battre toute personne qu'ils croisent. La panique commence à prendre quand Naon et Ouali commandent aux soldats d'arrêter. Ils sont obéis. Cet incident embarrasse l'administration pénitentiaire et encore plus les autorités de la justice militaire. Dans un premier temps, on a fait courir le bruit qui accuse les deux de pousser les soldats à la révolte. Puis progressivement, sans avoir au préalable levé le régime de quarantaine qui les frappe, Naon a pu bénéficier de permissions à durée exceptionnelle. 72 heures dans un premier temps, puis une semaine et encore dix jours. A l'expiration de ces dix jours, Naon avait demandé et obtenu une prolongation. C'est au cours de cette prolongation que le commandant Bagoro l'informera de la fuite de Ouali, qui avait lui aussi, entre-temps et pour la première fois, obtenu une permission de sortie. Les conditions de la permission laissent perplexe. Il faut juste savoir que lorsque Naon a obtenu la permission d'aller faire ses papiers à la CARFO, il partit menotté et bien accompagné par un GSP et un gendarme. Pourquoi avoir laissé partir Ouali sans escorte et sans un minimum de précaution ? Il est connu depuis le début de cette affaire que Ouali n'avait pas de domicile personnel connu. Le commandant Bagoro et son adjoint ne sauraient même pas où il habite. Alors comment ont-ils pu laisser partir un détenu sans adresse sûre ? Cette affaire est trop floue. C'est pourquoi d'aucuns ne sont pas loin de croire qu'il s'agirait d'un moyen de soustraire la bande de soldats actuellement détenus à la MACO et dont le jugement n'interviendrait pas de sitôt, à la mauvaise influence des deux barbouzes. Il faut se rappeler que dans la nuit du 20 au 21 décembre 2006, les soldats mutins, étaient déjà allés à la MACO pour libérer Ouali et Naon, leur demandant de venir prendre la tête de la mutinerie. Les deux avaient décliné l'offre. Il y a au moment où nous traçons ces lignes, deux informations contradictoires que nous avons du mal à vérifier. La première prétend que Ouali a quitté le pays, il aurait même téléphoné à une connaissance pour indiquer où il se trouvait. Une seconde, tout aussi insistante, affirme qu'on l'aurait liquidé. Affaire à suivre donc !
Newton Ahmed Barry
L'Evénement du 25 juin au 8 juillet 2007
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