Le combat de trop d’un tyrannosaure (Elections au Zimbabwe)
Elections au Zimbabwe
Le combat de trop d’un tyrannosaure
Quelque cinq jours après la tenue des élections générales dans leur pays, les Zimbabwéens sont toujours dans l’attente. C’est l’expectative dans cette ancienne Rhodésie du Sud, qui ne sait pas encore si elle va continuer à végéter sous la férule de Papy Bob ou si, au contraire, elle respirera l’air du changement avec l’avènement d’une nouvelle formation politique aux affaires.
Samedi 29 mars 2008, près de 6 millions de Zimbabwéens sont allés aux urnes pour élire leur président, leurs députés, sénateurs et conseillers municipaux. Mais la présidentielle constitue, sans nul doute, l’enjeu majeur de tous ces scrutins.
Si pour l’instant on ne dispose pas encore de résultats officiels, une chose est cependant sûre : l’opposition a réalisé une percée spectaculaire dans tous ces scrutins. D’ailleurs elle revendiquait déjà hier soir la victoire aux législatives. Et selon toute vraisemblance, le score de la présidentielle sera très serré au point que les observateurs de la scène politique zimbabwéenne annoncent l’organisation probable d’un second tour pour départager Robert Mugabe et son opposant historique, Morgan Tsvangirai.
Mais le fait même d’être en ballottage, c’est déjà en soi une défaite humiliante pour Mugabe, ce dinosaure du paysage politique africain qui a réussi la prouesse de braquer toute la communauté internationale contre lui. Lui qui, comme un chauffeur ivre, a conduit son pays à la banqueroute et qui n’hésite pas du tout à refaire le portrait de ses opposants. Ce n’est pas Morgan Tsvangirai qui dira le contraire.
Avec la perspective de cette déconvenue électorale, on peut dire qu’agrippé au pouvoir, Robert Mugabe n’a pas vu ou senti que la vague de sympathie qui le berçait et le portait depuis l’accession de son pays à l’indépendance en 1980 s’est émoussée, essoufflée et est retombée depuis comme un soufflet.
C’est d’ailleurs pour cela qu’il faut reconnaître que le maître de Harare a vécu plusieurs vies. Il a d’abord été comme un messie, héros de la lutte d’indépendance avant de devenir par la suite le tyrannosaure qu’il est aujourd’hui.
C’est vrai que l’ancien colonisateur (
Il faut convenir que l’Occident a aussi contribué à faire de lui ce qu’il est aujourd’hui. Traqué et poussé dans ses derniers retranchements par les pouvoirs successifs à Londres et leurs alliés américains et européens, Robert Mugabe a dû tenir tête à une communauté internationale qui lui est très hostile au point qu’il est passé pour une victime. D’où l’incroyable aura dont il jouit auprès d’une certaine frange de jeunes et même de vétérans ici et là en Afrique.
Mais n’empêche, à 84 ans, le vieux dinosaure aurait dû faire valoir ses droits à la retraite depuis déjà bien longtemps au lieu de se laisser pousser, inélégamment, petit à petit, vers la porte. Une sagesse populaire de chez nous dit que «le gros poisson s’enfonce dans la vase avant que la rivière ne tarisse». C’est un peu une version de ce que disait en substance le général De Gaule : il faut savoir quitter les choses avant qu’elles ne vous quittent.
Et c’est ce que Mugabe n’a pas compris tout comme bien d’autres chefs d’Etat du Gabon, du Cameroun, du Tchad, du Burkina, etc. Parce que le doyen n’a pas compris cela, il est aujourd’hui rudoyé par des opposants qui ont l’âge de ses propres enfants.
Espérons que quelle que soit l’issue de ce dernier baroud d’honneur, Robert Mugabe se pliera au verdict des urnes et partira sans chercher à s’accrocher à son fauteuil, car là, le risque d’un embrasement du pays, à l’instar de ce qui s’est passé au Kenya, est réel.
San Evariste Barro
L’Observateur Paalga du 3 avril 2008
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