L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Le dernier oral de Yonli ?

POLITIQUE

Le dernier oral de Yonli ?

 L'Etat de la nation ou le bilan d'un septennat à la primature ? Par moment, les deux se sont confondus. Mais c'est tout de même une fière chandelle pour cet outsider à qui on ne prédisait pas une pareille longévité au Premier ministère.

 Paramanga Ernest Yonli, Premier Ministre

Il aura fallu, note un diplomate occidental, que le Premier ministre annonce l'augmentation des salaires de 5% pour compter du mois d'avril, pour tous les fonctionnaires, pour que les députés qui somnolaient depuis le début de son intervention se réveillent et applaudissent à tout rompre. Annonce surprise, celle-là en était une incontestablement, qui au lieu d'intriguer les députés, dont le rôle est de concéder l'impôt et de contrôler les dépenses du gouvernement, les a réjoui plus que de raison. Est-ce parce que nombre d'entre eux iront au chômage dans les mois à venir ou est-ce en raison de l'exploitation électorale qu'ils pourront en faire ?

Probablement pour la seconde raison. Car pour la première, les députés qui ne seront pas réélus continueront de bénéficier de leurs émoluments pendant six mois après leur départ de l'Assemblée nationale. Une mesure généreuse mais appliquée sans discernement ni garde fou. Par exemple, pour prendre le cas français, une disposition semblable existe, mais ne profite qu'aux députés qui ne sont pas sûrs de retrouver un emploi rémunéré, juste à la fin de leur mandat. Ce qui exclut les députés fonctionnaires, qui normalement, retournent à leur administration et retrouvent leur salaire. Mais dans notre cas, la loi est volontairement floue. A dessein peut-être ? Certains élus veinards, les fonctionnaires notamment, se retrouvent avec un double mandatement du trésor public. Voilà une piste que la Cour des Compte pourrait avantageusement exploiter.


Mais revenons au discours de Yonli sur l'Etat du Burkina Faso ces douze derniers mois. Comme à son habitude, Yonli n'a pas été avare en formule pour peindre la situation du pays. Mais cette année, c'est à son patron qu'il aura dédié sa plus belle circonlocution. De Blaise Compaoré, il a dit qu' " il est aujourd'hui incontestable, qu'il est une chance pour notre pays, pour notre région, et même pour l'Afrique… " La dithyrambe vaut son pesant d'or. En tout cas, même si Blaise n'a pas été une chance pour d'autres, il l'a été sûrement pour Yonli. Grâce à lui, n'est-il pas resté pendant sept ans Premier ministre de notre pays ? Une faveur exceptionnelle qui ne trouve son pareil nulle part au monde. Pour Yonli donc, il a été une grande chance. Quant au Burkina et à l'Afrique, c'est à l'histoire qu'il reviendra de décider.

L'année 2006 aura été finalement une excellente année pour le Burkina Faso, si l'on en juge par le discours de Yonli. Une croissance économique de plus de 6% engendrant même une plus value monétaire que le Premier ministre accepte séance tenante de redistribuer sous forme d'augmentation de salaire aux travailleurs : " une augmentation générale de salaire au taux unique de 5% pour toutes les catégories salariales pour compter du 1er avril 2007. " Dans la même foulée, Yonli se montre particulièrement généreux pour tous les partenaires sociaux. La subvention aux syndicats est majorée de 50 millions, celle à la presse du même montant et puis le jack pot pour les hommes politiques. La subvention aux partis politiques est augmentée de 200 millions. Bingo ! Comme qui dirait.

Ainsi, personne ne se plaindrait. Chacun a eu sa part de la croissance. Quoique c'est quand même une drôle de façon de redistribuer les fruits de la croissance. Il montre aussi à posteriori, le peu de sérieux de notre loi de finance. Si le gouvernement peut, juste après avoir fait adopter le budget de l'année, s'autoriser une telle libéralité financière, c'est que la loi de Finance n'est vraiment qu'un papier. Et pour les partenaires qui accompagnent le Burkina Faso dans les appuis budgétaires, c'est un nouveau motif d'inquiétude.

Surtout qu'il n'y a pas longtemps, après avoir rencontré ses partenaires techniques et financiers pour leur parler du budget des législatives de mai prochain, qui vont coûter environ 8 milliards de francs CFA, entièrement financé sur le budget national, le gouvernement avait pressé les partenaires de libérer leur participation à l'appui budgétaire. Ce qui devait lui permettre de disposer de la liquidité pour financer plus facilement les députations. Or, ne voilà-t-il pas qu'au même moment, le gouvernement promet une augmentation salariale qui devrait prendre effet quelques jours avant le scrutin ?

Il faut juste signaler que sur les 8 milliards de f.cfa, une bonne partie ira pour le paiement des perdiems et autres prises en charge. De toute façon, la mission de la Banque mondiale et du FMI qui arrive courant mai ne manquera pas d'exiger d'amples informations sur cette soudaine générosité gouvernementale.
Pour la septième fois donc, Yonli nous dit que tout va bien, même s'il concède que sur le terrain de la démocratie par exemple, " L'Etat de droit demeure encore aux yeux de nombre de nos concitoyens un projet à réaliser… ".


Dans la même veine, les femmes apprécieront les réalisations à elles attribuées. Yonli affirme que le statut social et juridique de la femme s'est amélioré et que l'accès aux sphères de décision leur est garanti. Mais voilà qu'au même moment, pour les députations, la présence des femmes sur les listes n'a jamais été aussi anecdotique. Celles qui ont franchi le cap de la candidature sont si mal placées qu'elles sont sûres qu'elles ne seront pas élues. Alors, les femmes apprécieront la proclamation de Yonli.


Il en est de même de la prise en charge précoce de la méningite. Nous sommes aujourd'hui, selon les derniers chiffres, à plus de mille morts. On peut naturellement se poser la question de savoir qu'en serait-il alors si ces mesures précoces pour " une prise en charge correcte des cas de méningites et un accès au traitement gratuit " n'avait été urgemment décrétée ? ( lire à ce propos l'article de Ramata Soré : "Epidémie de méningite ; Une mafia s'enrichit du malheur des Burkinabè page 12".


Autres chiffres discutables, le taux de scolarisation. Le taux de scolarisation de 67% annoncé par le Premier ministre est discutable. La réalité serait autour de 60% avec des taux de déperditions immenses. Cela malgré le PDDEB qui sacrifie la qualité à la quantité. On est plus regardant sur les statistiques que sur la réalité des performances. Ce qui n'annonce rien de bon pour l'avenir. Mais vraisemblablement, le gouvernement tient son rendez-vous avec les Objectifs du millénaire, c'est-à-dire atteindre pour 2010 un taux de scolarisation de 70%. C'est un effort louable. Seulement que ce n'est rien d'autre qu'un bon bikini qui va cacher l'essentiel et montrer le reste. Il y a des domaines sur lesquels, il faut éviter de se chatouiller pour rire.


Enfin, la création des fonds pour les jeunes. C'est incontestablement une mesure louable. Mais elle a le désavantage d'être initié selon un mode qui a déjà fait la preuve de son inefficacité. Il ne suffit pas de donner l'argent, surtout en n'oubliant pas au passage de s'en donner à soi aussi par des prête-noms. Il faut imaginer une forme institutionnelle d'appui à la création d'emplois et notamment en favorisant les jeunes. Mais pas, comme on le voit, une sorte de discrimination à l'accès aux ressources financières qui n'est qu'un pis-aller.

Le monde de l'entreprise est trop complexe pour se réduire à la seule disponibilité de l'argent. A ce propos et pour mieux préparer les jeunes à l'auto emploi, il faudrait mieux investiguer les voies les meilleures pour créer des cadres d'apprentissage et d'initiation à l'entreprise et la gestion des projets. Autrement, ce sera un autre instrument de plus. Un simple instrument de pression ou de récompense.


Pour le reste, c'est tout de même un formidable destin pour Paramanga Yonli. L'outsider a pris de l'étoffe. Il ne reviendra probablement pas au Premier ministère après le 6 mai. Mais avec le parcours qu'il a eu, il peut bien croire qu'il a une bonne étoile…en attendant d'avoir un véritable destin national.

Par Newton Ahmed Barry

L’Evénement N°113 - 10 Avril 2007



21/04/2007
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