Cimetière de Dagnoën : Lettre ouverte à "un homme franc et direct"
Cimetière de Dagnoën
Lettre ouverte à "un homme franc et direct"
Le cimetière de Dagnoën, c'est cet endroit devenu très connu depuis qu'un Thomas Sankara y a été enterré dans la nuit du 17 octobre 1987. Dans l'écrit qui suit, Saïdou Golo, riverain de ladite zone, s'adresse à l'édile de la ville de Ouagadougou, Simon Compaoré, pour lui faire état de l'insalubrité qui règne dans cette nécropole et dans ses environs.
Monsieur le Maire de la commune de Ouagadougou
II nous est apparu au fil des jours, que vous êtes notre dernier recours, l'unique personne à même de résoudre nos problèmes.
Aussi, au nom des riverains du cimetière de Dagnoën et de la réserve la jouxtant, j'ai l'honneur de vous exposer la situation dramatique dans laquelle nous nous trouvons.
Au commencement, c'était une zone non lotie mais où il faisait bon vivre, où les habitants vivaient décemment en parfaite entente, dans une ambiance familiale, si bien qu'au lotissement, personne ne voulait être déplacé.
Puis est arrivé comme indiqué plus haut, le lotissement avec son corollaire de malheurs : une bonne partie des résidants fut déguerpie pour laisser place à une réserve dont la
destination n'a jamais été clairement définie.
Ceux qui durent partir le firent avec le cœur gros et les larmes aux yeux dans une atmosphère de deuil ; et nous les «plus chanceux», tout en ayant beaucoup de compassion pour eux, cachions mal notre joie de pouvoir rester et continuer de vivre dans cet espace que nous affectionnions tant.
Mais ce que nous croyions être de la chance va plutôt au fur et à mesure se révéler être un calvaire pour nous.
Monsieur le Maire, si j'ai tenu à rappeler ces faits, c'est pour que vous sachiez a quel point nous étions plus heureux dans la situation de précarité qui était la nôtre avant le lotissement qui, pourtant, est censé apporter plus de bien-être aux citoyens : la zone était propre et salubre et le cimetière aussi.
Aujourd'hui, nous sommes entourés d'ordures dont les odeurs pestilentielles font fuir même les animaux, si bien que nous nous demandons : quel crime avons-nous pu commettre pour mériter un tel sort ?
Et pourtant, nous ne sommes pas restés les bras croisés ; nous avons protesté, crié, pleuré, lutté de toutes nos forces, mais rien n'y fit ; notre sort restera inchangé.
Courant 2000, nous avons pris langue avec les services de la voirie à Gounghin. Ils sont venus nous voir et ont promis de nous aider. Un engin est venu un matin racler une partie des
ordures, et puis plus rien.
Nous avons alors saisi le maire d'arrondissement de l'époque en la personne de Mme Zénabo Drabo. qui s'est même rendue sur les lieux. Son constat a été le suivant : «Quand je suis arrivée sur les lieux, il se trouvait qu'on avait brûlé des ordures et l'odeur qui s'y dégageait était si nauséabonde que je me suis demandée comment on pouvait vivre avec ça». Et Mme le maire, tout en nous promettant de nous aider, nous demanda ce que nous souhaiterions. Nous avions à l'époque écarté l'option qui consistait à y planter des arbres par crainte que notre environnement ne devienne un repère de tous les criminels et brigands de la ville, l'espace étant déjà fréquenté par des marginaux de toutes sortes ; on y a déjà déploré des pertes en vies humaines.
Nous avions donc à l'époque préconisé que l'espace soit loti et attribué à des citoyens autres que nous, ou alors qu'on l'attribue à une personne ou une institution capable d'y investir.
Mme le maire nous a promis de nous aider ; nous avons attendu longtemps. Lorsque nous avons voulu la relancer, il ne nous a plus été possible d'obtenir un rendez-vous.
Nous en avons déduit qu'elle était dans l'impossibilité de régler la question et qu'elle devait faire face à d'autres pesanteurs malgré le dynamisme qu'on lui connaît.
C'est pourquoi nous n'avons pas contacté son successeur qui, du reste, est un ressortissant du quartier, qui connaît bien la zone et le problème, convaincus que nous sommes qu'à ce stade la solution ne se trouve pas dans notre mairie d'arrondissement, mais à votre niveau, vous le premier responsable de la commune de Ouagadougou parce que :
1) Vous avez toujours combattu pour la propreté et la salubrité de votre ville.
2) Vous connaissez également la zone et le problème : il me souvient en effet que vous nous avez rencontré sur le site courant 2001 ou 2002 pour nous proposer un reboisement de l'espace, ce que nous avions catégoriquement refusé séance tenante pour les raisons précédemment invoquées.
3) Notre situation s'est aggravée avec l'installation contre notre gré de bacs à ordures.
Ainsi donc toutes les ordures des 1200 logements, de Zogona, de Wemtenga, de Sinyiri, e Dassasgho et tous leurs yaars sont déversées chez nous alors que les services commis à leur collecte sont souvent défaillants en ce sens qu'il s'écoule parfois trois (3) à quatre (4) jours sans qu'ils viennent, et lorsque les bacs sont pleins, c'est devant et autour de nos concessions que les gens vident leurs charrettes.
4) II y a le cas du cimetière que nous avons soulevé depuis longtemps ; il est plein depuis plus de dix (10) ans, est censé être déclassé, mais les gens continuent à y enterrer leurs morts au motif qu'ils n'ont pas les moyens d'aller plus loin. Ainsi donc, on enterre jusque devant nos domiciles, sans que cela n'émeuve aucune autorité compétente.
5) II y a aussi cette voie qui traverse le boulecard Charles de Gaule pour finir en face du cimetière, l'allé a été aménagée en route moderne ; son prolongement vers les 1200 logements en bordant la réserve aurait amélioré quelque peu la situation ; mais voilà, quand les financements ont été obtenus, c'est de nouvelles voies qu'on est allé ouvrir et bitumer.
6) Et puis ce cimetière, Monsieur le Maire, il est aussi un dépotoir. Est-ce qu'on devrait déverser des tonnes de saletés sur les tombes des défunts ? surtout lorsque
parmi eux, il s'en trouve qui ont mérité de la nation au point qu'ils ont été élevés au rang de héros national.
Et pourquoi n'est-il pas clôturé ce cimetière ? Pourquoi la police municipale ne viendrait pas y dissuader les indélicats au lieu d'être toujours aux mêmes carrefours bien camouflés et à la recherche d'infractions (non-respect des feux tricolores).
Monsieur le Maire, vous êtes un homme franc et direct, entreprenant et décidé (c'est pas pour flatter votre ego), vous êtes un responsable préoccupé de la bonne santé de sa commune ; vous ne pouvez donc pas logiquement laisser cet état de fait perdurer. Nous attendons de votre part une réaction à la mesure des problèmes soulevés. Si cela n'est pas possible, dites-nous franchement pourquoi ? S'il est vrai que tous les Ouagavillois sont égaux en droit, qu'ils ont tous droit à une vie décente et calme, il n'y a pas de raison que pour permettre à des citoyens d'être heureux, on les débarrasse de leurs ordures pour en charger et rendre malheureux d'autres citoyens.
Nous n'avons jamais rien réclamé à la ville malgré le fait que nous soyons assujettis aux mêmes impôts que ceux qui se plaignent pour tout et pour rien ; alors, pour cette seule fois.
donnez-nous satisfaction en nous débarrassant de ces maudites ordures et mêmes de ces bacs à ordures, et solutionnez s'il vous plaît le problème du cimetière pour donner à nos morts le respect à eux dus ; nous vous en serons infiniment reconnaissants.
En vous remerciant par avance de votre compréhension et de votre soutien, je vous prie d'agréer Monsieur le Maire l'expression de mes sentiments les plus respectueux.
Saïdou Golo
Secteur 29 Ouaga
L’Observateur Paalga du 4 septembre 2008
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