L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Le parent de Cachan

Fidèle Nitièma

Le parent de Cachan

 

Le fait est assez inédit pour ne pas être souligné. En fin de semaine dernière, Radio France international (RFI) a en effet interviewé un certain Fidèle Nitièma, présenté comme l'un des porte-parole  des sans-papiers de Cachan dans le Val-de-Marne, qui viennent de voir leur situation régularisée (en partie) après un bras-de-fer de plusieurs semaines (grève de la faim à la clé) au cours desquelles ils ont été expulsés d'un squatt avant d'investir le Gymnase Belle-Image. Un Burkinabè, fût-il de Côte d'Ivoire comme on l'a entendu, porte-drapeau des indésirables que Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux voulaient raccompagner à la frontière, pour emprunter un néologisme du cru, on aura tout vu !

Car  jusque-là, c’étaient des Maliens et des Sénégalais qui étaient aux avant-postes. Normal ! Après tout, ils sont parmi les plus nombreux de la colonie africaine en France et c’est tout naturellement dans leurs rangs que se recrute le gros de la troupe des clandestins. Et malgré tout ce qu’on en dit ; nonobstant les quolibets, le mépris et les diverses autres avanies qu’ils essuient parfois même de leurs frères noirs, cela traduit à tout le moins le goût de l’aventure et du risque (sans lequel on obtient rien) des Africains du Mali et du Sénégal, ainsi que de ceux de pays comme le Ghana ou le Nigeria pour ouvrir à la partie  anglophone du continent. Car pour aller trimer là-bas, si on y arrive, courir le risque de se noyer au large des Canaries ou de mourir frigorifié dans le train d’atterrissage d’un avion, il faut avoir du cran et des tripes pour le faire.

Tant et si  bien d’ailleurs que dans ces pays s’est constituée une véritable économie de l’immigration, licite ou illicite, avec notamment les transferts financiers colossaux des migrants vers leurs pays d’origine. Combien de familles restées au village sont sorties de l’ornière grâce à cela et combien de contrées tropicales, à l’image de Kayes, se sont «développées» par ce biais ?

Qu’un de nos compatriotes soit donc le héraut d'étrangers en situation irrégulière en Hexagone, voilà qui sonne comme une petite révolution, et c’est tant mieux. Il faut reconnaître qu’à force d’être trop modestes ainsi qu’une image d’Epinal les présente souvent, les «hommes intègres» ont fini par être trop timorés, veules, incapables de se remuer pour obtenir quelque chose. La preuve, alors que jadis certains allaient déjà voir ailleurs, l’horizon de nos parents et grands-parents n’allait pas plus loin que le pays ashanti ou les plantations de la forêt ivoirienne avec sa banane plantain, son attièkè, ses agoutis et ces femmes baoulés qui suffisaient, pour ainsi dire, à leur bonheur.

Pour se rendre encore compte des «ambitions» minimalistes des Voltaïques d’hier et des Burkinabè d’aujourd’hui, il n’y a qu’à parcourir les enseignes qui pavent les rues de nos villes. Ici c’est «mini-alimentation» unetelle, là c’est «mini- quincaillerie» untel, de l’autre côté, on lit «mini mercerie» X, plus loin on voit «mini…..» Y. Ailleurs, on aurait écrit en lettres capitales et lumineuses «maxi café», «grand commerce», etc., même s’il s’agit de méchantes petites échoppes brinquebalantes. Mais elles voient grand et elles espèrent grandir. Ça n’a l’air de rien, mais ça traduit dans une certaine mesure un état d’esprit.

Fort heureusement, les mentalités sont en train de changer, et les lignes bougent avec elles. Pour les jeunes générations, Abidjan, Accra, Libreville, ou même Paname, c’est fini. Place au «pied de botte» pour ceux qui ont choisi l’Italie et ses champs de tomates pour changer la physionomie du pays bissa ; et au grand large, notre «nouveau monde», pour ceux qui rêvent d’autant plus d’Amérique que leurs «responsables» leur offrent  des concerts quand eux  réclament pain et travail. Qu’importe finalement si, là-bas, ils (sur)vivent dans des conditions proches de l’esclavage ou du bagne de Cayenne et s'ils sont traqués chaque jour que Dieu fait par un cerbère nommé Horte...feux.

Salut fraternel donc au parent Fidèle Nitièma qui, à bien des égards, porte haut le flambeau du Burkina Faso.

 

«Billets craquants» in L’Observateur Paalga du 20 août 2007



20/08/2007
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