L’éducation est-elle vraiment une priorité du Burkina ?
Regard sur l’actualité
L’éducation est-elle vraiment une priorité du Burkina ?
C’est résolument la fin d’année scolaire au Burkina Faso. Si pour les élèves des classes intermédiaires les jeux sont déjà faits, chacun sachant s’il passe ou non en classe supérieure ou s’il est remis définitivement à ses parents pour un autre emploi, par contre, pour les élèves des classes du CM2, de 3e et de terminale, c’est encore l’expectative. Est-ce que l’année se soldera par un succès éclatant ou un échec cuisant ? De toute façon, tous seront situés là-dessus d’ici peu, même si, à vrai dire, chacun, au fond de lui-même, sait plus ou moins à quelle sauce il sera mangé. On ne récolte que ce qu’on a semé, et en la matière, il faut avouer que les miracles ne sont pas légion. C’est vrai, même si c’est rarissime, il arrive que des majors échouent lamentablement à l’examen et que des tocards, sur lesquels même pas leurs parents ne misaient, créent parfois la surprise en décrochant leur parchemin.
La série d’examens de fin d’année scolaire a débuté hier 13 juin 2007 avec les épreuves combinées du Certificat d’études primaires (CEP) et du concours d’entrée en classe de 6e des lycées et collèges. Les élèves de 3e, eux, entrent dans la danse dès aujourd’hui pour tenter de décrocher le Brevet d’études du premier cycle (BEPC) tandis que ceux des classes de terminale feront face aux épreuves du Baccalauréat, le premier diplôme universitaire, à partir du 3 juillet prochain.
Les examens sont d’ailleurs un bon prétexte pour parler de la baisse du niveau général des élèves. Ce triste constat a d’ailleurs l’air d'une querelle de générations, chaque promotion s’estimant plus apte que les suivantes.
Mais loin d’être un simple cliché, la baisse du niveau est un phénomène réel qui, hélas, a toutes les chances d’aller de mal en pis à cause, entre autres, d’un mauvais usage de la modernité : en regardant la télévision, les enfants lisent de moins en moins, et avec le téléphone portable ou Internet lors des chats, ils utilisent à l’écrit un français particulier qui ne peut que leur garantir à terme zéro sur vingt en dictée.
Il faut dire que les élèves, dans leur grande majorité, ne sont pas du tout aidés, car ils prennent leurs cours dans des salles surchargées, pouvant atteindre jusqu'à 120 élèves, et que les enseignants, quels que soient leurs talents, ne peuvent faire des miracles pour suivre chaque élève. Dans ces conditions, seuls ceux qui sont bien suivis à domicile ou qui sont vraiment motivés parviennent à tirer leur épingle du jeu.
Une autre raison de la baisse du niveau, c’est l’usage excessif de la courte échelle par de plus en plus d’élèves aidés, comble du scandale, par leurs parents ou même des enseignants. Les pétroles, en clair les deals des épreuves des examens et autres concours de la fonction publique, sont légion. Et les procès pour faudes ou tentatives de fraudes, quand il y en a, débouchent sur des peines tellement minimales qu’elles sont bien loin de décourager toute récidive.
Si le niveau des élèves a baissé, force est de reconnaître en toute honnêteté que celui des enseignants l’a fait aussi. Beaucoup d’entre eux, de véritables mercenaires de la craie, n’ont aucune vocation pour l’enseignement. Ils y sont juste pour échapper au chômage et, ainsi, assurer leur pitance quotidienne. De tels braconniers d’un nouveau genre n’ont souvent aucune conscience professionnelle, et nombre d’entre eux ploient sous le poids des heures de vacation, qu’ils accumulent de gauche à droite pour, disent-ils, arrondir leurs fins de mois.
Mais franchement, entre nous, comment peut-on demander à un enseignant qui mange de la vache enragée, qui est mal logé, qui n’est pas en sécurité dans une classe parce qu’elle peut s’écrouler sur lui (on en a vu, des cas cette année même), qui peine évidemment à nourrir sa famille avec son maigre salaire de se donner à fond dans son travail ? C’est utopique, car il ne saurait être exemplaire.
Ce sont autant de problèmes criards auxquels il convient de trouver des solutions appropriées. Pourtant c’est loin d’être le cas, le signe patent que malgré les discours officiels, l’enseignement n'est pas une grande préoccupation contrairement à ce qu'on veut nous faire croire. Car l'importance de l'éducation, c'est dans les moyens y consacrés qu’on la voit.
Toutes les allocutions pompeuses portant sur un éventuel développement du Burkina resteront lettre morte si le pays a mal à son éducation. Plus que jamais, on doit tous garder à l’esprit donc que tant qu’on n’aura pas gagné la bataille de l’éducation, on ne gagnera pas celle du développement.
San Evariste Barro
L’Observateur Paalga du 14 juin 2007
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