Megamonde perd sa JC (Procès en contrefaçon )
Procès en contrefaçon et concurrence déloyale
Megamonde perd sa JC
Même s’il n’est pas coupable de contrefaçon, le groupe Megamonde n’a plus le droit d’apposer la marque JC sur ses motos. C’est là l’essentiel du verdict que la chambre civile du tribunal de grande instance de Ouagadougou a rendu le 20 février 2008 dans le dossier judiciaire qui a opposé la société chinoise JinCheng Corporation, au groupe Megamonde-Simmo.
JinCheng Corporation (JC) est une société industrielle chinoise qui fabrique entre autres des motos. Dans sa politique d’expansion, elle avait signé un contrat avec le groupe Megamonde-SIMMO (Société industrielle de montage de motos). En vertu de cet accord, JinCheng fabrique et envoie en pièces détachées des motos à Megamonde, qui les fait monter par SIMMO avant de les vendre. Sur les blocs-moteurs de ces motos vendues alors par Megamonde, on pouvait lire l’inscription JinCheng. Mais en 2004, l’idylle entre JinCheng et Megamonde vole en éclats. Le contrat est rompu. Chacun s’occupe désormais de ses propres affaires. Entre-temps, l'inscription JC a remplacé JinCheng sur les blocs-moteur des motos de Megamonde.
Mais il y a un nuage qui subsiste entre les deux parties, puisque la société chinoise a décidé, courant dernier trimestre 2007, de porter plainte contre son ancien partenaire burkinabè pour concurrence déloyale et contrefaçon. JinCheng reprochait à Megamonde de continuer à exploiter illégalement la marque JC pour vendre ses motos. Seulement, entre-temps, Megamonde avait réussi à enregistrer la marque JC auprès de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI). Un enregistrement que la partie chinoise dénonce, puisque, étant, selon elle, détentrice exclusive de la marque JC à travers le monde.
Avant d’aller au tribunal, chaque camp s’est attaché les conseils d’avocats. JinCheng a confié la défense de ses intérêts au cabinet Me Mamadou Savadogo tandis que Megamonde a, lui, opté pour les services du cabinet Me Mamadou Traoré. Le dossier a été enrôlé et appelé devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Ouagadougou le 21 novembre 2007. Mais après quelques échanges, il a été renvoyé pour être «mis en état».
Le 23 janvier 2008, les deux parties étaient une fois encore devant la justice mais cette fois devant la chambre civile. Cette audience s’est penchée sur deux requêtes de JinCheng : l’annulation de l’enregistrement de la marque JC fait par Megamonde à l’OAPI et l’infraction de contrefaçon. La plainte pour concurrence déloyale, elle, reste entre les mains de la chambre commerciale, qui a compétence pour connaître de telles affaires.
A son tour, Megamonde, en se fondant sur les articles 1382 du Code civil et 15 du Code de procédure civile (1), avait attaqué en justice JinCheng, à qui il réclamait quelque 150 millions de francs CFA pour réparation du préjudice qu’il a subi dans la plainte contre lui, et 20 millions pour ses frais de procédure et d’honoraires d’avocats.
A l’audience de la chambre civile, présidée par le juge Wenceslas Ilboudo, les protagonistes ont essayé de faire valoir leurs arguments. Mais au rendu du verdict, c’est JinCheng qui a tiré son épingle du jeu dans cette première manche. En effet, le tribunal, dans ses délibérations, a prononcé l’annulation de l’enregistrement de la marque JC fait par Megamonde à l’OAPI. Mais selon les juges, l’infraction de contrefaçon n’est pas établie contre Megamonde, qu’ils ont condamné à verser une amende de
Hier, hors de la salle d’audiences, nous n'avons pa pu échanger avec les avocats de Megamonde. Peut-être étaient-ils dans la salle. Toujours est-il que nous n'avons pas pu les voir. C'est donc Me Maliki Derra du cabinet Mamadou Savadogo, défendant la société JinCheng Corporation, qui a apprécié le verdict rendu. Il a exprimé sa joie de voir que le droit a été dit en faveur de son client. Il s’en est félicité, car «l’enregistrement de la marque JC fait au profit de Megamonde est nul. Mais le tribunal dit qu’il n’y a pas contrefaçon. Cela m’étonne personnellement et je trouve que le tribunal n’est pas allé jusqu’au bout de sa logique. Si l’enregistrement est nul, c’est que les importations qui ont été faites sous le sceau de cette marque, à mon avis, sont également nulles. Pour moi, il n’y a pas de doute, il y a contrefaçon. Mais vous savez, le tribunal est souverain. Il a jugé, il a statué et on va aviser».
Me Derra n’exclut pas le fait que Megamonde a la possibilité d’interjeter appel de ce jugement. Mais il se dit serein et attend de voir si
Concernant le verdict sur la contrefaçon, l’avocat de JinCheng a déclaré qu’avec son client, ils allaient examiner cette question à tête reposée avant d’aviser. Car pour lui, en principe, si on annule l’enregistrement, on doit en tirer toutes les conséquences.
Megamonde doit payer 300 000 FCFA à JinCheng à titre d’amende. Une somme que Me Derra trouve justifiée parce que «Megamonde nous a emmerdés et on était obligé de nous défendre et cela nous a occasionné des coûts».
Quant à la plainte de Megamonde contre la société chinoise et qui a été rejetée par le tribunal, Me Maliki Derra l’a trouvée incongrue et dans la forme et dans le fond. Il a expliqué que par cette requête «Megamonde avait estimé que nous l’emmerdions, que le fait de l’avoir assigné en justice lui a porté préjudice. En d’autres termes qu’on l’avait traîné injustement devant le tribunal. Mais fort heureusement, sa plainte a été rejetée. Nous, dans ce procès, nous n’avions demandé que deux choses : l’annulation de l’enregistrement de la marque JC au profit de Megamonde et l’assignation de cette société pour contrefaçon. Au lieu de dire que l’enregistrement est nul et que par ailleurs il y a eu contrefaçon, le juge a dit partiellement le droit à notre demande en disant que l’enregistrement est nul mais qu’il n’y a pas contrefaçon. Ce qui me paraît curieux. Si l’enregistrement est nul, bien sûr qu’il y a contrefaçon. Mais sur ça, on va aviser».
San Evariste Barro
Hamidou Ouédraogo
L’Observateur Paalga du21 février 2008
Notes : (1) l’article 1382 dit en substance que «Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.»
Quant à l'article 15 du Code de procédure civile, il stipule que : «L’action malicieuse, vexatoire, dilatoire, ou qui n’est pas fondée sur des moyens sérieux constitue une faute ouvrant droit à réparation (…)».
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