L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Présidentielle française : Si les indécis devaient se décider...

Présidentielle française

Si les indécis devaient se décider...

 

Dans 48 heures, les Français se rendront aux urnes, non pas pour élire tout de suite leur président de la république, mais pour désigner deux candidats sur les 12 qu'ils veulent voir disputer la finale du 6 mai 2007. Car une chose est au moins établie depuis longtemps, aucun prétendant ne peut, dès le premier tour, s'adjuger au moins 51% des suffrages pour être élu. Nous ne sommes pas, vous vous doutez bien, en Gambie, au Burkina, au Gabon, au Cameroun, en Algérie, en Tunisie, en Egypte... ou même au Sénégal de Wade.

Mais pour être élu au second tour, encore faut-il naturellement être qualifié au premier ! C'est tout l'enjeu et l'intérêt de cette journée électorale du dimanche 22 avril 2007.

Si les sondages disent vrai, on devrait assister à une finale Nicolas Sarkozy/Ségolène Royal. Le candidat  de l'Union pour un mouvement populaire (UMP) caracole en effet depuis longtemps en tête des intentions de vote avec environ 28% d'opinions favorables. Il est suivi, à quelques longueurs (à peu près 25%), de la Marianne du Parti socialiste (PS), qui a fait sensation à un moment donné avant de voir sa côte se déprécier pour finalement se stabiliser.

Dans le rôle du troisième larron, François Bayrou, porte-étendard de l'Union de la droite française (UDF), crédité d'environ 18%, qui espère bien tirer profit de la neutralisation mutuelle des deux meilleurs prétendants.

Mais qu'il s'agisse des favoris ou de l'outsider, tous autant qu'ils sont savent bien que les jeux ne sont pas encore faits. D'abord parce que les sondages veulent bien dire ce qu'ils disent, c'est-à-dire que ce ne sont que des intentions de vote, qui ne valent pas toujours leur pesant de voix, mais qui peuvent aussi les dépasser.

Il suffit, pour savoir que c'est tout sauf une "science" exacte, et donc pour  s'en méfier, de comprendre l'alchimie dans laquelle ils sont réalisés et le travail de laboratoire auquel ils sont ensuite soumis (corrections, pondérations, redressements socio-démographiques des résultats bruts, souvenirs des votes précédents....).

On comprend pourquoi les sondeurs ne sont pas toujours en odeur de sainteté dans les milieux politiques, et pourquoi ils ont besoin eux-mêmes d'être sondés.

"La première victime, ce soir, ce sont les instituts de sondages, qui ont été complètement balayés dans leurs prévisions. Ça ne peut pas continuer comme ça. On ne peut pas confisquer ainsi la campagne ni le résultat dans un pays où le suffrage universel est libre". Savez-vous qui a prononcé cette terrible phrase qui traduisait une désillusion, un dépit et un désarroi profonds ? Nicolas Sarkozy en personne un soir de 1995 après qu'Edouard Balladur, pour qui il avait roulé en trahissant Jacques Chirac, se fut cassé les dents au premier tour de la présidentielle alors que tous les sondages le voyaient disputer la finale sinon rafler la mise.

Douze ans après, oubliées, ces récriminations. Sarko est l'un des plus grands  consommateurs de sondages. C'est que c'est tellement agréable de se voir jouer par les nombreux Instituts l'air qu'on veut entendre. Et plus ils nous sont favorables, plus on y croit.

Mais si l'histoire devait repasser les plats...

La deuxième inconnue qui ajoute à l'imprécision des enquêtes d'opinions et qui rend, de ce fait, l'issue du scrutin on ne peut plus incertaine, c'est le pourcentage impressionnant des indécis. Ils sont en effet quelque 40% à ne s'être pas encore déterminés pour ou contre tel (le) prétendant (e).

Autant dire un réservoir considérable de voix qui peut peser lourd dans la balance électorale. Si tous les indécis devaient se décider, certains auraient du souci à se faire, car véritablement personne ne connaît la typologie de cet électorat ainsi que ses attentes et, de ce fait, ne peut orienter sa campagne dans telle ou telle direction pour le séduire.

Tout au plus peut-on ratisser large, comme ils l'ont tous fait en espérant être dans le bon, de la lutte contre le chômage au problème du logement en passant par les délocalisations, la fiscalité, la maîtrise des dépenses publiques, les droits des pédés, l'immigration, le pouvoir d'achat, la politique de défense, l'Europe, les OGM, etc.

Si donc les sondeurs ne se trompent pas une fois de plus et si c'est le plus déterminé et le plus organisé qui doit empocher le jackpot, ce devrait être Sarkozy qui arrive, comme on l'a vu, en tête au premier tour pour ensuite transformer l'essai au second.

Ce palais de l'Elysée, il le veut depuis longtemps; il y pensait même, de façon obsessionnelle, chaque matin en se rasant pour reprendre sa célèbre formule et il s'est donné tous les moyens pour y parvenir, à commencer par cette O.P.A. politique lancée et gagnée sur l'UMP dont il a fait une véritable machine électorale au service de son ambition  comme l'ont fait  jadis  Mitterrand avec le PS et  Chirac avec le RPR. 

Quitte à courtiser ouvertement les partisans et sympathisants de l'extrême droite et à  flirter constamment avec la ligne rouge avec ce qu'il croit être des "prédispositions génétiques des pédophiles" et la création, s'il était élu, d'un ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale. Une francité donc, une sorte d'ivoirité à la sauce hongroise qui devrait réhabiliter un personnage comme Henri Konan Bédié dont le concept fumeux a contribué à mettre le feu aux poudres en Côte d'Ivoire. Si on ajoute à cela ses fameuses thèses sur l'immigration choisie et la stigmatisation de "la racaille" que "le petit facho de la place Beauvau", comme certains l'ont surnommé du temps où il était ministre de l'Intérieur, voulait nettoyer au kärcher, on comprend que ce fils d'immigré hongrois que raille Jean-Marie Lepen fasse peur à une partie  non négligeable des Français. Mais il a beau être dangereux, lui au moins est à la hauteur de ses péchés et il a le courage de clamer tout haut ce que nombre de ses compatriotes pensent tout bas au sujet de ces "bruits" et de ses "odeurs" (suivez mon regard).

C'est sans doute cette clarté, fût-elle parfois blessante, cette volonté et cette conviction, on allait dire cette ligne directrice qui manque le plus à Ségo-la-gaffe qui a passé le temps à zizaguer, disant une chose aujourd'hui et son contraire le lendemain, montrant souvent des lacunes terribles en matière de politique étrangère.

Comme l'écrit avec beaucoup de justesse François Soudan dans le dernier numéro de Jeune Afrique, "Quand on s'habille de blanc-couleur du deuil en Chine-sur la Grande Muraille, quand on prétend interdire le nucléaire civil aux Iraniens et boycotter les jeux olympiques de Pékin pour cause de Darfour et quand on fustige" le régime des talibans" cinq ans après sa chute, c'est qu'on a du progrès à faire".

Certes, Royal caresse le secret espoir que dans cette France de la loi salique (1),  les Français seront ... royalistes et voudront, pour une fois, essayer une femme, et voit en l'élection, ces dernières années, d'Angela Merkel (Allemagne), de Michèle Bachelet (Chili) et d'Ellen Johnson Sirleaf (Libéria) d'heureux présages, mais on peut raisonnablement douter que le sourire angélique qu'elle affiche comme seul programme de gouvernement suffise à faire la différence.

Et de fait, quand bien même il faudrait toujours les prendre avec des pincettes comme indiqué en début d'article, presque tous les sondages donnent Sarko vainqueur (52% contre 48%)  si le second round devait l'opposer à Ségo.

Plus dur à cuir pour le candidat de l'UMP serait l'enfant du Béarn si d'aventure  François Bayrou parvenait à se qualifier pour le match au sommet du 6 mai. Malgré son tassement dans les intentions de vote ces dernières semaines après une percée fulgurante (à l'image de Ségolène Royal), le patron de l'UDF, que l'Ex (l'ancien président Valéry Giscard d'Estaing) vient de lâcher, est perçu par de nombreux analystes et observateurs de la scène politique française comme celui qui peut battre super Sarko. Il est en effet établi qu'il bénéficierait d'un confortable report de voix socialistes si Dame Royal n'était pas admise à la finale alors que le contraire n'est pas évident.

Du coup, les farouches adeptes du T.S.S., entendez du Tout Sauf Sarko, y compris parmi les militants du PS, en viennent à souhaiter un duel entre "l'homme trop pressé" qui se voit déjà en président de la République et le chantre du "ni gauche ni droite" qui ambitionne de gouverner, par-delà les clivages politiques,  s'il avait la confiance de ses concitoyens, avec des compétences issues des différents courants. Un discours qui ne manque pas, il est vrai, de charmer une partie de l'électorat qui a, depuis des décennies, tout essayé tantôt avec la droite tantôt avec la gauche sans jamais trouver le meilleur. Alors, pourquoi pas cette troisième voie à l'Hexagonale pour refonder une République quasi monarchique sous les soleils de la Ve qui s'apprête à élire son sixième président?

Une chose est sûre, Jacques Chirac ayant sagement renoncé à solliciter une troisième fois les suffrages de ses compatriotes, c'est un renouvellement de la classe dirigeante, un passage de témoin à une nouvelle génération d'hommes et de femmes qui va s'opérer avec cette présidentielle. Et à respectivement 52, 53 et 55 ans, les trois principaux prétendants à la charge suprême promettent, chacun à sa manière, de donner un coup de pinceau à une bâtisse démocratique qui a pris un coup de vieux et qui en a de ce fait  bien besoin. Avec ce que ça va entraîner, pour nous autres Africains, comme changement dans les relations paternalistes et souvent quasi mafieuses que nous entretenons avec l'ancienne puissance tutélaire.

 

Ousséni Ilboudo

L'Observateur Paalga du 20 avril 2007

 

Note:

(1): Recueil de lois des Francs Saliens dont une des dispositions, qui exclut les femmes de la succession à la terre, a été utilisée à partir du XIVe siècle pour justifier l'ordre de succession au trône de France.



20/04/2007
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