L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

Homosexualité en Gambie

Les nouvelles frasques du "docteur" Jammeh

Iouri Loujkov, maire de la ville de Moscou, a qualifié la gay pride d’armes de destruction massive de l’Occident contre la Russie. Mais en Afrique, il y a plus homophobe que lui : « Je donne quelques jours aux homosexuels pour quitter la Gambie sinon ils subiront des conséquences terribles comme la décapitation y compris ceux qui les protègent ». Paroles de Jahya Abdul-Azziz Jemus Junkung Jammeh, maître de la Gambie, ce petit pays de l’Afrique de l’Ouest incrusté dans le Sénégal. C’était le 15 mai 2008.

Dernière frasque d’un président qui gère son pays comme sa famille ? Sans doute, car depuis qu’il a fait irruption à la tête de cet Etat en renversant le « père de la Nation », Dawuda Jawara, le 22 juillet 1994, cet ex-lieutenant de l’armée gambienne n’en finit pas de détonner voire de faire rire l’opinion internationale. D’abord l’homme intrigue par son accoutrement : qui n’a pas déjà vu les caméra s’attarder, lors des cérémonies, sur ce personnage haut en couleur avec amples boubous, turban, chéchia, long sabre et chapelet, et qui, plus est, psalmodie des versets du Coran ? Dans une Afrique pleine de mysticisme, une telle personne impose la crainte surtout que ses hagiographes affirment que son père est le plus grand « wakman » (1) de la région de Kansala, à 100 km à l’ouest de Banjul et que son sabre est un puissant antiballes. Même si les services secrets britanniques prétendent que son père est décédé alors qu’il n’avait que 9 ans et que si protecteur occulte il y a, ce doit être un autre que que son papa et que son emmitouflage cache, en réalité, un gilet pare-balles.

Toujours est-il que puissance mystérieuse ou pas, l’intéressé a la baraka, puisqu’il a échappé à plusieurs coups d’Etat supposés ou réels, et sous nos tropiques, cette chance exceptionnelle n’est pas fortuite. Et l’intéressé fait tout également pour cultiver le mythe qui l’entoure. Ainsi, pendant la présidentielle de 2006, il n’hésitait pas à déclarer : « Aucune élection, aucun coup d’Etat ne peut mettre fin à mon règne... je suis prédestiné à diriger la Gambie... pendant au moins trente ans ». Bon musulman, il ne manque pas ses prières quotidiennes, et, de l’avis de ses proches, il travaille beaucoup sauf les week-ends, durant lesquels il se repose dans son village de Kanilai, au milieu de ses moutons et biches apprivoisées.

Pourtant le chef de l’Etat gambien est loin d’être un modèle de dirigeant : prédateur de la liberté de la presse, il l’est assurément et l’emprisonnement à tour de bras de journalistes, l’assassinat (tel celui de Deida Hydara) ou les votes de lois antipresse en sont des preuves palpables. Cependant, le monde entier est resté éboubé lorsqu’en janvier 2007 « Aladji doctor Yahya AJJ Jammeh », comme lui-même aime s’appeler, prétendit qu’il soigne désormais l’asthme, l’hypertension artérielle (HTA) et surtout le SIDA à base de mixture faite de 7 plantes médicinales et en récitant des versets du Coran.

C’est dire donc que cette récente sortie, relative aux homosexuels, est à ranger dans le chapitre des actions ubuesques du premier magistrat gambien, qui commence à ne plus faire rire personne. Car on l’aura deviné, c’est moins le côté religieux et moral que vise ce dernier au sujet des gays et des lesbiennes que l’aspect one man show, qui a constitué, de tout temps, aux yeux des dirigeants une sorte de défouloir pour leur peuple, qui n’a souvent que sa misère pour viatique. Une vieille recette que le maître de Banjul applique donc à merveille aux 1,5 million de ses compatriotes. Et ça marche depuis 14 ans. Jusqu’à quand ce déroutant chef d’Etat va ainsi tenir ? Comme chaque peuple a le dirigeant qu’il mérite...

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

L’Observateur Paalga du 2 juin 2008

Note (1) « wakman » : se dit d’une personne dotée de pouvoirs surnaturels