Riz, lait, sucre... : Le Burkina doit rompre avec la dépendance extérieure
RIZ, LAIT, SUCRE...
Le Burkina doit rompre avec la dépendance extérieure
Les temps sont durs. Qu’il soit citadin ou paysan des campagnes, le Burkinabè se "cherche" comme on dit. La flambée du prix du pétrole n’arrête plus de faire grimper celui du litre d’essence à la pompe. Les ménages commencent à peine à s’habituer à ces effets pernicieux du marché du pétrole sur leurs revenus que d’autres mauvaises nouvelles pointent à l’horizon. Les produits de base que sont le riz, le lait et le sucre vont encore faire des dégâts dans le panier de la ménagère. Les prix de ce côté sont en train de s’emballer et les conséquences sociales sont imprévisibles.
L’alerte a été donnée par la forte augmentation du prix du lait en poudre. Le sac de 25 kg est passé du simple au double à cause d’une diminution de la production mondiale. Les grands producteurs du Nord, du fait de la suppression des subventions, ont réorienté leur production vers les dérivés du lait, plus porteurs.
La menace est encore plus grave avec la situation de crise annoncée du riz. Les spécialistes africains réunis à Cotonou du 25 au 27 juin dernier sous l’égide de l’ADRAO (Association pour le développement de la riziculture en Afrique de l’Ouest) sont formels : "Les réserves mondiales de riz, estimées à 80,6 millions de tonnes en 2005-06, sont à leur niveau le plus bas depuis 1983-84. Ces stocks représentent moins de 2 mois de consommation et la moitié des stocks sont détenus par la Chine. La consommation mondiale en riz continue de distancer la production rizicole. Les prix du riz augmentent sans cesse et doubleront probablement dans les années à venir."
L’alarme est donnée. Il appartient aux décideurs politiques d’anticiper sur ces phénomènes qui n’annoncent rien de bon au plan social. Concrètement, cela veut dire que les ménages dépenseront plus pour satisfaire les besoins alimentaires de base : se nourrir.
Est-ce tolérable qu' un continent ou un pays dépende de l’extérieur pour des produits aussi vitaux ?
Le Burkina importe chaque année le lait à coup de milliards de F CFA. Du fait de cette propension à importer des produits moins chers pour nourrir sa population, le Burkina se retrouve aujourd’hui avec une filière lait encore artisanale, dominée par de petites unités de transformation qui ont de la peine à résister à la concurrence des produits importés.
Mais à quelque chose malheur est bon. La hausse des prix des produits importés va peut-être amener les décideurs à revoir leur copie en matière de politique agricole et de protection commerciale. Elle doit susciter chez eux un sursaut afin que soit réduite la dépendance du pays par rapport à ces produits de base. Paradoxalement, le Burkina dispose d’un potentiel énorme pour combler les besoins de la consommation domestique.
Qu’on n'y oppose plus la qualité douteuse des produits locaux! Il a été prouvé par les experts que le riz de Bagré ou du Sourou était plus sain et plus nourrissant que les restes de stocks de sécurité des pays asiatiques déversés sur nos marchés. Il se pose en réalité au Burkina un problème d’habitude de consommation et de promotion de ces produits. Et c’est là que l’échec des politiques est flagrant. Malgré son imposant cheptel, le Burkina ne dispose pas encore d’une laiterie digne de ce nom. Il est également difficilement supportable que la seule unité sucrière de notre pays, capable pourtant de combler les besoins nationaux, soit au bord de la faillite à cause d’importations anarchiques. Il faut une véritable protection pour le marché local.
L’Etat est prêt à s’endetter sur des années pour investir dans la production. Mais se soucie-t-il vraiment de la chaîne de commercialisation et de distribution? Toutes les filières de production burkinabè connaissent ce problème. Aucun opérateur privé national n’a le courage ou les moyens de se lancer dans ce créneau , livrant le secteur aux mains de l’informel. L’Etat doit les y encourager à travers une politique incitative ou à tout le moins combler le vide pour permettre aux filières de respirer un peu.
Le coût du riz local, jugé cher par les populations, est une réalité. Peut-on pour autant laisser mourir des filières entières, laisser supprimer des milliers d’emplois en milieu rural ? Un sursaut patriotique est désormais nécessaire non seulement de la part des politiques, à travers des actions vigoureuses, mais également des consommateurs. Ces derniers doivent changer de comportement, car l’argument du prix n’est pas valable pour tous les produits. Actuellement, avec la mauvaise situation du riz et du lait importés, les produits locaux sont compétitifs. Aux consommateurs d’en profiter pour découvrir les vertus des produits du terroir. Mais cela doit s’accompagner d’une vaste campagne de promotion et de sensibilisation que les producteurs de riz et de lait n’ont pas les moyens de mener. Les campagnes promotionnelles déjà menées, parce que trop brèves et timides, n’ont pas eu les résultats escomptés. Le travail devra se faire dans la durée.
On a encore en mémoire la crise de l’exportation du haricot vert, magistralement gérée par les révolutionnaires du 4 août. Le régime, pour éviter une perte sèche de la part des producteurs, avait obligé les fonctionnaires à commander chacun une certaine quantité. C’est de cette façon que de nombreux Burkinabè ont découvert ce légume qui était destiné uniquement au marché européen. C’est pendant cette période également que le slogan "consommons burkinabè" a été lancé. Aujourd’hui, plus que jamais, ce slogan est d’actualité, car il y va de la survie de notre économie et des emplois en milieu rural. Pendant longtemps, les Burkinabè n’ont eu d’yeux que pour ce qui venait de l’étranger, une sorte de snobisme développé même au sommet de l’Etat. Il est temps d’inverser la tendance. C’est une question de volonté politique.
Le Pays du 13 juillet 2007
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