Sénégal : Wade accapare toutes les cartes
Sénégal
Wade accapare toutes les cartes
C’est au pas de charge que s’est déroulée la recomposition de l’exécutif sénégalais après la démission du Macky Sall du poste de chef du gouvernement. Les choses sont allées très vite à Dakar où, quelques heures seulement après la nomination de Cheikh Hadjibou Soumaré à la primature, on assistait à la publication de la liste du nouveau gouvernement.
En jetant un coup d’œil sur cette équipe, force est de constater que Wade prend les mêmes et recommence. De fait, les titulaires des maroquins importants comme la Défense, l’Intérieur, les Affaires étrangères, la Justice, l’Economie & les Finances sont restés chacun à son ancien poste. Dans cet exécutif, de 37 membres, le nombre des femmes a connu une légère hausse, puisqu’on en compte 11 contre 6 dans l’équipe sortante.
Sans surprise, les partis qu’on présente comme étant la frange la plus significative de l’opposition sont absents du gouvernement. L’ouverture politique ne semble pas être le plat préféré du «pape du sopi».
Cette opposition-là est d’ailleurs mise sur le bas-côté de la chaussée du fait de son refus d’aller aux élections législatives du 3 juin dernier ; un scrutin évidemment et largement remporté par le parti au pouvoir, qui s’est taillé la part du lion avec 131 députés sur les 150 que compte l'Assemblée. Le Parlement a même tenu sa première session hier avec pour ordre du jour l’élection de son président.
Mais s’il y a une chose qui a pris tout le monde de court, c’est bien la nomination de Cheikh Hadjibou Soumaré au Premier ministère. Simple ministre délégué chargé du Budget dans le gouvernement de Macky Sall, personne ne misait sur cet outsider à ce poste. Et pour paraphraser les Ecritures, on peut dire que c'est du caillou que tous les ouvriers négligeaient que le chef de chantier a fait la pierre angulaire de son gouvernement.
Pur produit de l’administration publique sénégalaise, obéissant à la hiérarchie, et surtout sans ambition politique affichée, Cheikh Hadjibou Soumaré serait, à en croire ceux qui ont la bouche fendue du mauvais côté, cette chiffe molle dont Gorgui avait besoin après avoir souvent buté contre des Premiers ministres pas toujours taillables et corvéables à merci tels Moustapha Niasse et Idrissa Seck. Avec son caractère plutôt fougueux pour son grand âge, c'est à croire d’ailleurs que le vieux a du mal à s’accommoder de ses chefs de gouvernement, lui qui en est à son cinquième Premier ministre en sept ans. Un triste record !
Avec donc un Premier ministre apparemment docile, un gouvernement à sa merci et un Parlement acquis, Abdoulaye Wade, décidément, a accaparé toutes les cartes pour régner tranquillement tout au long de son nouveau quinquennat et pour mettre en œuvre le programme pour lequel il a été élu. Vraiment, personne n'aurait cru qu'avec sa longue expérience passée dans l'opposition et sa lecture d'intellectuel de haut niveau de la politique sénégalaise, il aurait accepté d'aller à ces législatives avec des candidats accompagnateurs, des poids plume de la scène politique nationale !
A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Et ainsi Wade a eu la victoire qu'il souhaitait. Mais qu'on ne s'y trompe pas. Cette situation inédite, qui est même quelque peu gênante, est pourtant la dernière cartouche du célèbre chauve de Dakar. S’il la bousille, c’en est fini de lui et de ses amis, car à jamais, la confiance sera rompue entre son pouvoir et le peuple. Qui pis est, on se demande bien comment il va diriger avec sérénité son pays, tout en gardant hors circuit ces mastodontes de la classe politique sénégalaise que sont Moustapha Niasse, Idrissa Seck, Amath Dan Sokho et autres.
Véritablement, comme l'a si bien dit un homme bien introduit dans la politique africaine, "il aurait mieux valu pour le Sénégal d'avoir ses opposants à l'intérieur du système et crachant dehors que de les avoir dehors, crachant dedans"...
Avec cette vague déferlante des ouailles du «pape du sopi» à l’Assemblée nationale, il faut espérer que le Parlement saura jouer à fond son rôle de contrôle de l’action gouvernementale pour ne pas être cette simple chambre d’enregistrement où tout passe comme une lettre à la poste. Pour gagner en crédibilité, les députés sénégalais feraient mieux de prendre de la graine chez leurs collègues nigériens qui n’ont pas hésité à faire chuter à Niamey le gouvernement de Hama Amadou.
Si malgré l’absence de l’opposition aux affaires, le parti au pouvoir parvenait à trouver des solutions idoines aux problèmes les plus pressants des Sénégalais, alors là, ce serait un coup fatal qu’il aurait assené à l’opposition, qui apprendrait alors à ses dépens que la politique de la chaise vide ne paie jamais.
Mais l’un dans l’autre, force est de reconnaître que cette situation ne fait pas l'honneur du pays de la Teranga, qu’on a souvent présenté comme un exemple de démocratie sur le continent. Mais enfin !
San Evariste Barro
L’Observateur Paalga du 21 juin 2007
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