Solutions à la vie chère : Faut-il chercher ailleurs qu’en nous-mêmes ?
Solutions à la vie chère
Faut-il chercher ailleurs qu’en nous-mêmes ?
C’est sans doute là une question susceptible de nous attirer les foudres de nombre de nos concitoyens tant les convictions sont faites que les solutions aux problèmes liés à la cherté de la vie sont de la responsabilité de nos gouvernants (gouvernement, Assemblée nationale, parti au pouvoir...). Or, si les convictions dans ce cas ont ceci de positif qu’elles mettent en branle des énergies pour dénoncer et combattre ce qui semble injuste et inique, elles ont cela de négatif que, sous-tendues par des erreurs d’appréciation, elles sont susceptibles de faire reculer la collectivité au plan économique, politique et social.
La question mérite donc d’être posée. Non pour nous interroger sur la justesse, la légitimité et la légalité des luttes multiformes de la société civile (à travers les syndicats notamment) mais pour offrir une autre perspective en termes de réflexion et de recherche de solutions.
En effet, se contenter d’identifier par exemple le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), "son" gouvernement et "son" Assemblée nationale comme les seuls responsables de notre situation est, pour sûr, un moyen de nous procurer un confort douillet, un cocooning enviable par les autres mais qui traduit sinon une pauvreté en matière de pensée, du moins une lenteur certaine dans l’appropriation par la raison des problèmes qui nous assaillent.
Ce qui, du reste, différencie, entre autres, l’humain en tant qu’être social de l’animal, c’est son aptitude consciente à se pencher sur les problèmes relatifs à ses besoins biologiques primaires et à leur trouver les solutions idoines :
le passage de l’économie de cueillette et de chasse à celle de l’agriculture et de l’élevage n’est-il pas dû en grande partie au souci de faire face à la rareté ou (en tout cas) aux difficultés d’approvisionnement en ressources ? Les changements des moyens de travail dans l’agriculture ne répondent-ils pas au souci d’augmenter la production agricole afin que les ressources disponibles soient en adéquation avec la poussée démographique ?
De l’Etat à vocation providentielle à l’Etat gendarme
Tous, nous avons opté en 1991 pour l’Etat de droit libéral et démocratique. Sur le plan économique, nous avons fait le choix de l’économie de marché, de la liberté d’entreprise, etc. L’Etat patron, qui concurrençait "de façon déloyale" les milieux d’affaires (privés), c’en était fini pour lui. Les rêves d’un état qui aurait pu devenir providentiel en jouant un rôle actif dans la promotion de la croissance économique, la protection sociale des citoyens, la correction des injustices sociales résultant de l’économie de marché se sont envolés.
L’Etat burkinabè est donc pour ainsi dire un Etat minimum, c’est-à-dire un Etat gendarme, dont l’intervention publique se limite aux fonctions dites régaliennes (police, armée, justice, monnaie).
De par notre choix conscient et volontaire, nous avons œuvré à réduire l’Etat à sa plus simple expression. Naturellement, c’est tant mieux pour l’ensemble des citoyens en termes de libertés d’opinion, d’expression et de presse, car l’Etat (d’exception) qui a précédé celui de droit en a fait voir des vertes et des pas mûres aussi bien à ses pourfendeurs qu’à ses thuriféraires. Le passif dans le domaine des atteintes aux droits humains que nous traînons est essentiellement l’héritage de cet Etat.
Cela dit, si la totalité des citoyens jouit des libertés sus-évoquées, c’est seulement une partie d’entre eux qui, de par leurs activités, profite de la liberté d’entreprise : importer, exporter, produire, vendre et transformer les biens et services. Ainsi, on peut penser que la grande masse des Burkinabè est à la merci de cette poignée d’opérateurs économiques.
S’il est vrai qu’ils tirent avantage de cette situation, il n’est pas faux d’affirmer que dans leur ensemble les Burkinabè sont assimilables à des gens qui subissent, au regard de l’état de leur économie et de ses agrégats, les lois et les pratiques économiques sur lesquelles ils n’ont aucune prise.
Ainsi, le renchérissement de la vie vient comme la preuve de notre impuissance. Des pays bien moins démunis que le Burkina en font l’amère expérience. Sont de ceux-là l’Afrique du Sud, le Cameroun,
Un mode de consommation extraverti et/ou source de maladies
Le moins que l’on puisse dire, c’est que nous sommes plus des consommateurs que des producteurs. Même si l’agriculture et l’élevage occupent 80% de nos concitoyens, le fait est là qu’ils ne nourrissent même pas 50% de la population.
Le déficit alimentaire est comblé par l’extérieur soit sous forme d’achat, soit sous forme de don dans un contexte ou l’Etat doit se replier sur ses fonctions régaliennes : le riz, les spaghettis, le pain, le savon, l’huile sont des produits essentiellement étrangers dont les prix dépendent des aléas que personne, à commencer par nous, ne maîtrise.
Or, en plus de cela, nous utilisons une bonne partie de nos revenus à acquérir et à assurer (au moins) les charges récurrentes des motocyclettes, des téléphones portables, des tenues vestimentaires... A cela il faut ajouter ce que nous buvons en termes d’alcool et de sucrerie sans oublier ce qui précède ou suit, c’est-à-dire la viande, le poisson...
On retiendra de ce qui vient d’être cité que le fait de s’y habituer développe des dépendances et de plus en plus de dépenses sans, en retour, faire entrer des ressources à la hauteur des dépenses. Peut-être que sur le plan du prestige social, de l’entretien des relations sociales ou de la satisfaction des caprices des papilles gustatives, on "gagne", mais combien perd-on en retour ? Si ce ne sont pas des devises que l’on jette par la fenêtre, c’est une partie du revenu que l’on utilise à "pratiquer la mal-bouffe". Conséquences dans ce dernier cas : diabète, maladie cardio-vasculaires, problèmes gastriques...
Des dépenses non redimenssionnées d’une minorité
à comportement majoritaire
Avec un tel rythme de vie, il va de soi qu’avec ou sans renchérissement de la vie, il serait arrivé un moment où les revenus ne permettraient pas de faire face à tous les besoins (même si ce n’est presque jamais le cas).
Certes, peut-être que certains de nos concitoyens en sont conscients, mais l’impression générale, c’est qu’en dépit des plaintes, des complaintes et des jérémiades, bien de citadins ne réajustent pas leur rythme de vie face aux exigences de la vie chère : les bicyclettes et les motocyclettes continuent d’être achetées pour les enfants et les maîtresses ; les bars, buvettes et boîtes de nuit reçoivent autant sinon plus de clients ; les belles de nuit aussi.
Or, ceux qu’on entend le plus, c’est cette catégorie de Burkinabè et assimilés. Sans nier la réalité de la cherté de la vie, des injustices révoltantes au sein de la société burkinabè et la nécessité pour ceux qui ont été élus de trouver des solutions à cette situation, il faut avoir le courage de dire que :
En somme, s’il est du devoir des gouvernants d’apporter leur contribution pour le solutionnement de nos problèmes individuels et collectifs, il est aussi de notre responsabilité de chercher à nous en sortir soit en redimensionnant nos dépenses, soit en changeant ce que nous consommons, soit en travaillant plus (consultations, élevage, agriculture et enseignement sont permis aux fonctionnaires par exemple), soit en faisant tout cela à la fois.
Z.K.
L’Observateur Paalga du 16 avril 2008
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