Tous des "sauvages" sauf Yonli ?
Tous des "sauvages" sauf Yonli ?
Le Premier ministre, son Excellence Paramanga Ernest Yonli s'est adressé à la nation burkinabé dans son traditionnel discours à la nation le 29 mars 2007 devant les députés. Le fond du discours n'a pas varié des précédents ; une croissance économique au rendez-vous ; il n'y a rien à craindre, le Burkina Faso émerge. Le chef du gouvernement a promis une augmentation de salaire de 5% à compter du 1er avril et une augmentation du financement des partis politiques qui passe de 300 millions à 500 millions de FCA. Mais l'interprétation que son Excellence le Premier ministre fait des manifestations violentes qui ont suivi les meurtres de Burkinabé mérite qu'on s'y attarde. Ces manifestations s'expliqueraient par une tendance « villageoise » des Burkinabé à résoudre leurs problèmes.
« L'Etat de droit demeure encore aux yeux, de nombre de nos concitoyens un projet à réaliser. Ils restent influencés dans leur vécu quotidien et dans leur perception des réalités par des principes et des règles de la société traditionnelle. Du point de vue des mentalités dominantes, le « Burkina des villes » est un condensé du « Burkina des villages ». Cette situation explique les tendances naturelles et spontanées à recourir à la justice privée et aux règlements de comptes personnels comme mode de solution aux différends et aux conflits sociaux ».
Ainsi s'est prononcé son Excellence le Premier ministre, Paramanga Yonli sur la tendance des citoyens ces derniers temps à se faire justice. Le compagnon qui fait passer de vie à trépas sa compagne ; les gens pour qui le corps humain peut remplacer valablement la viande de charcuterie où les bonnes parties sont enlevées -tête, bras- et le reste jeté dans la nature ; un patron qui dégaine aussi facilement comme dans une scène digne d'un film de western ; les populations qui dans un ras-le-bol saccagent tout sur leur passage ; autant de faits qui tireraient leur origine dans « la tradition » selon le discours du Chef du gouvernement.
On peut considérer cette vision comme une contribution au débat intellectuel sur la modernité et la tradition. La modernité est t-elle opposée à la tradition africaine ou elle doit prendre appui sur cette dernière ? Pour avoir contribué à enrichir le débat, le discours du Premier ministre est le bienvenu. Mais le contexte qui a inspiré cette idée lui a t-il donné raison ? Malheureusement non.
Il y a un nombre de faits qui expliquent que les Burkinabé se rendent justice eux-mêmes. Dans son discours, le Premier ministre dit : « Les évènements des 20 et 21 décembre derniers ont entaché la crédibilité de nos forces armées et de sécurité ». On pourrait ajouter à la suite que les évènements de Boupouré et de Piéla ont entaché la crédibilité de la police, le sort réservé aux dossiers de crimes de sang et économiques ont entaché la crédibilité de la justice burkinabé. Où est-ce que le citoyen lambda peut se tourner pour que justice soit rendue ? Nulle part si ce n'est dans une réaction spontanée.
Et, c'est dans le contexte de l'impunité qu'il faut placer les vendettas. Non seulement les victimes sont sûres qu'il n'y aura pas de justice, les bourreaux sont également sûrs qu'ils ne seront pas inquiétés. Abattre son employé à son domicile et à la vue de tous comme à Ouidi, se comprend dans la logique du « Je te fais et il n'y a rien ». Durant tous ces événements, le gouvernement ne s'est pas adressé aux populations horrifiées de voir que des personnes tuent aussi facilement. Il s'est enfermé dans un silence radio. Tout se passe comme si ce sont des faits divers qui ne méritent pas l'attention. Les populations semblent être abandonnées par ceux qui sont censés répondre à leurs préoccupations quotidiennes.
Si la tendance des populations à se faire justice à pour origine le « Burkina des villages », il y a longtemps qu'on l'aurait su et qu'on en parlerait.
Mais contrairement à ce que pense certains, le « Burkina des villages » pourrait inspirer le « Burkina de la civilisation ». Le respect de la vie humaine principe du « Burkina des villages » . Le « Burkina des villages » a peut être des habitudes condamnables mais il faut lui reconnaître un principe ; il s'agit du respect de la vie humaine. Il est érigé en valeur.
Les anthropologues diront que les Africains aiment tellement la vie que la mort n'est pas un arrêt de la vie mais une vie dans un autre monde. Dans ces circonstances, abattre son employé pour une histoire de salaire, dépecer un être humain comme un mouton de Tabaski, hacher sa copine sont des comportements déviants et criminels pour cette société. Le respect de la vie humaine est tellement ancré dans les mentalités traditionnelles que même les sorciers et les sorcières considérés comme de grands criminels ne sont pas mis à mort.
Ils sont invités à quitter le village. Donc un Burkinabé digne du « Burkina des villages » ne saurait tuer aussi facilement. Dans le « Burkina des villages », il y a au moins des autorités qui ne s'enferment pas dans un silence de carpe quand des honnêtes personnes se font trucider par des patrons pistolero. A la vue du sang du pauvre vigile-abattu de trois balles par son patron qui se répand sur le sol, le chef de terre aurait accouru pour faire des sacrifices de purification.
L'idée d'un mariage qui unit deux familles dans le « Burkina des villages » a disparu ; l'enfant au lieu d'être celui de la famille est l'enfant de son père. En cas de conflit, le plus fort se considère comme ayant droit de vie et de mort sur le plus faible. On a même vu des maris aller menacer de mort leur beaux parents, toute chose inadmissible chez « les villageois ». La situation de violence que vit le Burkina est à rechercher dans la gouvernance de l'impunité et elle n'est qu'une fumée qui annonce le début de l'incendie.
Ce qui pourrait encore retarder un temps soit peu cet incendie, c'est que le « Burkina des villes » s'inspire du « Burkina des villages »
Par Bamogo
Bendré du 3 avril 2007
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