L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Un Ditanyé bien difficile en langues nationales

Un Ditanyé bien difficile en langues nationales

J'étais jeune fonctionnaire. Un matin, notre directeur, monsieur Zallé Poko Moctar, appela dare-dare tous ses cadres. J'étais du nombre. Il nous informa abruptement que le " régime voulait sa peau. " D'après lui, cela était clair par rapport à la mission qu'il venait de recevoir de la bouche même du président du Faso : " Il a dit que le gouvernement avait besoin que l'Institut d'Alphabétisation et de la Formation des Adultes (notre service) traduise en langues nationales le Ditanyé. Je lui ai demandé dans quelles langues, et il m'a répondu dans toutes celles qui sont maîtrisées par l'écriture. J'ai essayé de lui faire comprendre la difficulté d'une telle chose, mais il ne m'a même pas écouté. Je suis donc certain qu'on cherche en haut lieu, un moyen pour m'écarter ! " Nous avons alors fait remarquer au directeur que la première chose à faire, c'était d'essayer. " Nous nous mettrons au travail. Et comme le PF (Président du Faso) lui-même a dit que tous ceux dont nous aurions besoin, même de Dakar, seront mis à notre disposition, nous allons essayer de faire ce qu'il nous a demandé. Après tout, nous sommes des linguistes… "

Au bout de quatre semaines, le Ditanyé était traduit en douze langues nationales burkinabè. Le directeur n'en revenait pas. Il fit un emballage d'une grande enveloppe contenant les douze traductions, qu'il envoya à la Présidence du Faso. Avec probablement un grand ouf ! Seulement, sa consolation fut de courte durée. Le lendemain, quelle ne fut notre surprise de trouver que notre travail envoyé à la Présidence la veille était revenu au complet avec une autre directive du président Thomas Sankara : " Chantez les traductions " !

Il fallut naturellement reprendre tout le travail, parce que nous n'avions initialement qu'un seul objectif, celui de traduire le plus fidèlement le Ditanyé, sans tenir aucun compte de partition musicale ! Et sur ce dernier registre, notre travail était absolument inutilisable ! Il fallut tout recommencer. Couper d'un côté. Allonger un peu de l'autre. Tout cela sans perdre le sens des phrases et des idées générales… Puis la Présidence réquisitionna la Radio Diffusion Télévision du Burkina, tous les après midi, pour les équipes de traduction. Il fallait d'abord lire chaque texte en intégralité. Puis le groupe chantait le même texte in extenso.
Le directeur de l'Institut National d'Alphabétisation et de Formation des Adulte, le camarade Zallé Poko Moctar, envoya une seconde fois le travail comprenant cette fois les traductions en langues nationales et les douze cassettes où étaient lus et chantés ces textes.

Quelques jours après, nous reçûmes l'information que le Président du Faso venait à l'INAFA, le jour-même, à dix heures. En toute hâte, nous nettoyâmes et astiquâmes tout ce que nous pouvions, étant donné l'urgence. A dix heures tapantes, le président du Faso, Thomas Sankara, arriva avec deux gardes du corps et un chauffeur. C'était la première fois que je le voyais d'aussi près. Il tint à serrer la main de tous les agents de notre service, réunis au grand complet. Aussitôt installé, il nous dit à peu près ceci : " Camarades, vous venez de démontrer ce que nous avons toujours soutenu, à savoir que : " Tout ce qui sort de l'imagination de l'homme est réalisable par l'homme !" Vous savez que cela est un des slogans majeurs de la Révolution. Lorsque l'idée de traduire le Ditanyé a été émise, même des camarades ministres n'étaient pas certains que cela fût possible. Et si je suis venu vous encourager personnellement, c'était pour vous donner la certitude que ceux qui demandaient le travail, c'est-à-dire le gouvernement, était persuadé que la chose était faisable. Et vous l'avez fait. Si nous avions demandé à des spécialistes internationaux de faire ce que vous venez de réaliser en deux mois, ils prendraient peut-être deux ans pour le faire, et cela nous aurait coûté beaucoup d'argent. En ayant simplement confiance en vous-mêmes, vous l'avez fait en très peu de temps et pour presque rien. Le gouvernement a fait un Conseil de ministres spécial afin de lire toutes les traductions et d'écouter toutes les douze cassettes. Je suis venu ce matin simplement pour vous remercier… ". Après de tels compliments, qui ne se serait pas senti fier comme un coq de basse cour ?

On peut remarquer qu'en traduisant l'hymne nationale en langues nationales, c'était la meilleure manière de le rendre populaire. Peut-être que la RDP avait voulu reconnaître la justesse de la remarque de l'abbé musicologue. En tout cas, il me semble dommage que la République ait laissé aux oubliettes ce travail. Aujourd'hui qui chante le Ditanyé en langue nationale ?

Bétéo D. Nébié

L’Evénement spécial 15-Octobre



23/10/2007
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