Une arme de destruction contre Simon Compaoré ?
Rapport 2005 de la Cour des comptes
Une arme de destruction contre Simon ?
Il y a déjà quelque temps, la Cour des comptes a rendu public son rapport 2005. Depuis lors, vu l'envergure des administrations et des personnalités épinglées, ledit rapport suscite des polémiques. Ce n'est certainement pas une situation qui va prendre fin de si tôt, même si Simon Compaoré, maire de Ouagadougou, a promis, quant à lui, qu'il ne reviendrait plus sur le sujet après s'en être longuement expliqué le vendredi 10 août dernier face à la presse.
Les commentaires sur la question ne sont pas près de s'arrêter, avons-nous déjà dit, et cela est confirmé par ce qu'on entend dans la rue, sur la place du marché, dans les débits de boissons, dans les cercles de causerie où on joue aux cartes, etc.
Les raisons de cet état de fait trouvent leurs fondements dans:
- la mentalité burkinabè qui veut qu'on se délecte des déboires d'autrui ou de ce qui est supposé tel ;
- les institutions et la carrure des personnalités concernées dont les principales sont la mairie de la commune de Ouagadougou avec à sa tête le truculent Simon Compaoré, le Conseil national de lutte contre le Sida (CNLS) dirigé par le médecin colonel Joseph André Tiendrébéogo mais qui relève de la Présidence du Faso, et le Programme national de gestion des terroirs (PNGT) que dirige l'ancien ministre de l'Agriculture Jean-Paul Sawadogo et qui est placé sous la tutelle technique du ministère de l'Agriculture, de l'Hydraulique et des Ressources halieutiques pour ne citer que ces exemples. A part Simon Compaoré qui est déjà une personnalité politique plus que connue, J.A. Tiendrébéogo et J.P. Sawadogo, bien qu'ils aient été ministres tous les deux, sont plutôt des techniciens. Mais derrière le premier responsable du CNLS, il y a Blaise Compaoré ; et le patron du PNGT a comme supérieur hiérarchique Salif Diallo.
- L'évidence est que c'est la première fois (sauf erreur de notre part) que la Cour des comptes indexe aussi publiquement et aussi clairement la gestion de certains services publics. Une telle chose ne pouvait donc pas manquer de soulever des vagues, car le nouveau en lui-même est source de remous.
Des avis partagés sur le rapport 2005
Pour les uns, ce rapport est rédigé dans l'intention de nuire aux institutions et aux personnalités concernées, en l'occurrence Simon Compaoré, qui est la seule grosse pointure du système à être mis au banc des accusés.
A l'appui d'une telle thèse ou d'une telle conviction:
- le "Jugement de valeur" (selon les propres termes de Simon Compaoré) porté par le président de la Cour des comptes, B. Pierre Nébié, à travers le passage suivant du rapport: "Tout semble avoir été mis en œuvre pour qu'il (le marché) soit attribué à l'entreprise Fadoul Technibois" au lieu de Sol Confort et Décor, qui avait été pourtant retenue dans un premier temps parce que son offre était moins disante et techniquement bonne ;
- les luttes de leadership auxquelles se livreraient les éléments de l'entourage immédiat de Blaise Compaoré qui pour être plus influent auprès de ce dernier, qui pour se préparer à lui succéder. Dans un tel climat, tous les coups tordus sont permis. A l'intérieur du régime, de gros bonnets voudraient donc tuer politiquement le maire de Ouagadougou (par exemple) par le biais de la Cour des comptes et réduire ainsi le nombre de prétendants au trône ou, au moins, le nombre de courtisans. Le fait d'indexer le CNLS et le PNGT ne serait alors qu'une façon de brouiller les pistes.
Pour les autres, l'institution n'a fait que son travail.
En effet :
- afin d'asseoir sa crédibilité, elle ne pouvait se contenter de "coincer" des menus fretins. Il fallait un gros poisson, et c'est tombé sur S. Compaoré.
Il n'y aurait donc pas de chat à fouetter à moins qu'on veuille que, comme nombre d'institutions, la Cour des comptes soit une coquille vide ;
- Blaise Compaoré, selon cette catégorie de personnalités, était au courant du programme de travail de B. Pierre Nébié et du contenu dudit rapport. Et s'il a laissé faire, c'est à lui que le bourgmestre de la capitale devrait s'en prendre et non pas au président de la Cour des comptes.
La réaction compréhensible du bourgmestre
A partir de ce qui s'est dit et écrit sur le rapport et sur ce qu'a dit S. Compaoré, il devient relativement aisé de comprendre la réaction de celui-ci:
- le profil psychologique du sujet pour parler comme les psychologues fait que du stimulus (ce qui fait réagir) à la réponse, il ne se passe pratiquement pas de temps. Que cela lui plaise ou (surtout) lui déplaise, Simon Compaoré réagit au quart de tour comme le disent les journalistes ;
- comme le souligne l'Observateur paalga n°6948 du 14 au 15 août 2007 dans la rubrique "Regard sur l'actualité" "...Si le document inédit (NDLR: le rapport de la Cour des comptes) de l'institution que dirige Pierre Nébié fait pousser autant d'urticaires, c'est que sous nos cieux les responsables politiques... ne sont pas encore habitués à ce qu'on leur remonte ainsi publiquement les bretelles". Une explication plus que pertinente ;
- politiquement, le bourgmestre traînera à coup sûr ce rapport comme une casserole pour le moins encombrante et bruyante. Ses adversaires à l'intérieur comme à l'extérieur du régime ressortiront ce rapport chaque fois qu'ils estimeront qu'il pourrait leur servir. Il faut simplement se rappeler que l'un des arguments que les concurrents de Tertius Zongo au poste de Premier ministre utilisaient à l'envi contre lui a été cette mallette contenant 800 millions de francs CFA avec laquelle il aurait voulu prendre la poudre d'escampette alors qu'il venait de quitter le gouvernement. Or, le cas de T. Zongo peut être considéré comme moins grave dans la mesure où aucun fait concret ne l'a confirmé. Par contre dans le cas de S. Compaoré, c'est une institution de la République qui a fait de lui l'objet de son rapport.
Les insuffisances de la démarche de Simon
Qui que vous soyez, un tel rapport ne peut vous laisser indifférent. Tant et si bien qu'à la place de S. Compaoré tout un chacun aurait peut-être eu tendance à avoir le même comportement que lui ou serait allé au-delà de ce qu'il a fait.
Cependant, il faut admettre que ce n'est pas la bonne méthode. Autrement dit, la communication développée par le bourgmestre est loin d'avoir été pertinente et d'avoir produit les effets escomptés.
La pertinence est d'autant plus discutable que:
- malgré le rang de S. Compaoré dans les sphères politiques, il est reste un maire. Certes, c'est le maire de la capitale mais du point de vue hiérarchique, il est situé à un niveau inférieur à celui de Clément Sawadogo, ministre de l'Administration territoriale et de la Décentralisation.
Or, même ce dernier dans l'architecture institutionnelle du Faso n'a pas le rang de B. Pierre Nébié. Se lancer dans des productions épistolaires de cette nature à l'adresse de ce dernier dont la légalité et la légitimité viennent de qui nous savons est inopportun ;
- la conférence de presse, en dépit du respect de S. Compaoré pour la Cour des comptes, a tantôt pris l'air d'un procès intenté, à l'institution, tantôt emprunté l'allure d'un mémoire en défense de quelqu'un qui n'est ni un prévenu (personne traduite devant les juridictions en manière correctionnelle ou contraventionnelle) ni un accusé (personne soupçonnée d'un crime et traînée devant la Cour d'assises). Des irrégularités ont certes été constatées ; est-ce pour autant que S. Compaoré est coupable ? Bien sûr que non ! Parce que cela, il faut le prouver ;
- dans les actions de communication (du maire de la capitale) en général et sur ce dossier en particulier, les services de communication n'ont pas suffisamment joué leur rôle. Alors, de deux choses, l'une : ou tout le monde a été emporté par la fougue de S. Compaoré, à laquelle personne ne pouvait résister, ou nul n'était à la hauteur. Cependant, la première hypothèse semble la plus plausible et c'est dommage, car des conseillers en communication doivent avoir des avis déterminants en la matière. Mais c'est bien connu, hélas, peu de responsables savent écouter leurs conseillers et tenir compte de leur avis souvent motivés au point qu'on se demande parfois à quoi ils servent.
Enfin, au regard des réactions suscitées par cette conférence de presse et du silence observé, pour l'instant en tout cas, par la Cour des comptes, les effets escomptés ne se sont pas produits.
Pour autant, S. Compaoré est à l'évidence un bosseur; il est visiblement quelqu'un qui a un grand cœur et une grande âme (et nous savons de quoi nous parlons). C'est à lui qu'il revient de faire sa propre introspection afin de combler ses insuffisances dont la manifestation fait parfois oublier que la précarité de sa santé est due surtout au fait qu'il consent des sacrifices immenses pour le développement de son pays et de sa ville : en commençant par penser que ce rapport n'est pas fait pour le détruire mais vient comme un miroir lui permettant de se regarder en face et de corriger ses erreurs ou/et celles de ses collaborateurs.
Z.K.
L'Observateur Paalga du 16 août 2007
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