Une JC peut-elle en cacher une autre ?
Procès pour contrefaçon et concurrence déloyale
Une JC peut-elle en cacher une autre ?
L’affaire JinCheng Corporation contre Megamonde pour contrefaçon et concurrence déloyale a été appelée le 21 novembre 2007 devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Ouagadougou. Mais le dossier a été immédiatement renvoyé pour être «mis en état».
Dans un pays où, à cause, entre autres, de la pauvreté, les moyens de locomotion à deux roues sont les plus répandus, un procès pour contrefaçon de motocyclettes suscite forcément un grand intérêt chez les populations et les médias.
Et de fait, les journalistes étaient particulièrement nombreux à l’audience de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Ouagadougou. Ils étaient là pour le procès que le groupe chinois JinCheng Corporation intente contre la société Megamonde pour contrefaçon et concurrence déloyale. Les intérêts de JinCheng sont défendus par le cabinet Me Mamadou Savadogo tandis que ceux de Megamonde le sont par le cabinet Me Mamadou Traoré. Ces cabinets étaient représentés à l’audience respectivement par Mes Maliky Derra et Flore Toé.
Mais les avocats n’auront pas l’occasion de croiser le fer, en tout cas, pas cette fois-ci à l’audience, puisque le dossier a été renvoyé pour être mis en état. Il faut dire que beaucoup s’attendaient un peu à une telle situation, car c’est habituel, un dossier enrôlé par voie d’assignation est souvent renvoyé.
Et l’audience n’aura duré que quelques secondes. Juste le temps qu’il faut pour que la présidente annonce que «le dossier est renvoyé pour la mise en état». Maigre récolte donc pour les journalistes qui avaient fait le déplacement. Alors pour étancher leur soif de savoir davantage sur l’affaire et surtout sur l’avenir du dossier, ils se sont rués à la sortie sur les avocats des deux parties.
«Megamonde doit mettre fin à la contrefaçon des motos JC»
D’abord l’avocat du groupe JinCheng, Me Maliky Derra, qui a été le premier à quitter la salle d’audiences. Il nous a expliqué la notion de «mise en état». Il faut dire, en substance, que la mise en état est une phase de procédure essentiellement écrite au cours de laquelle se déroule l’instruction de la cause du dossier sous le contrôle et la direction d’un magistrat du siège appelé juge de la mise en état lorsque nous sommes devant le tribunal de grande instance. Ce qui est exactement le cas de l’affaire JC contre Megamonde.
Durant cette phase, chaque partie est invitée à venir verser au dossier les pièces et les moyens de sa défense. Le juge chargé de la mise en état écoute chaque partie et prépare le dossier pour un éventuel jugement. Après cette procédure, le dossier, s’il doit être jugé, est renvoyé devant la chambre de jugement à laquelle il appartient. Le procès, comme on l’entend couramment, peut alors commencer.
Pour Me Derra, qui se dit très serein, soit dit en passant, «si mon client a intenté ce procès, c’est pour que Megamonde cesse de contrefaire sa marque et de mettre fin à la concurrence déloyale qu’il subit». Il a expliqué aussi que «comme nous sommes en matière commerciale, à tout moment, on peut abandonner le procès dès qu’on trouve un terrain d’entente avec Megamonde, à savoir la cessation de la contrefaçon et donc de la concurrence déloyale, puisque, depuis décembre 2004, une rupture de contrat est intervenue entre Megamonde et JinCheng. Depuis cette date, Megamonde ne pouvait plus exploiter la marque JC ni se prévaloir d’un quelconque partenariat avec le groupe JinCheng».
«Le dossier est entre les mains de la juridiction»
Si l’avocat de JinCheng a été prompt, voire enthousiaste à échanger un temps avec la presse, ça n’a pas été du tout le cas avec l’avocate de Megamonde, Me Flore Toé, qui, apparemment, ne voulait pas sentir les hommes de médias. En effet, lorsqu’elle a quitté la salle d’audiences, un groupe de journalistes l’a vite rejointe pour lui demander si c’était elle Me Toé, histoire de lui arracher quelques mots. Mais elle répondra par la négative. Lorsque nous avions eu l’assurance auprès de deux avocats qui devisaient que c’était bien elle Me Toé, nous avons couru pour la rattraper. Elle était sur le point d’entrer dans sa voiture. Là, à notre question, elle a accepté nous dire qu’elle est Me Toé, l’avocate de Megamonde. Alors qu’on la priait avec insistance de nous parler un peu du dossier, elle a tout simplement refusé en nous disant que «le dossier est entre les mains de la juridiction». Sur ces mots, elle a fermé la portière de sa voiture et a démarré.
Selon l’avocat de JinCheng, dès mercredi 28 décembre 2007 à 15 heures, le dossier sera devant le juge de la mise en état.
Qui des deux Mamadou remportera cette bataille judiciaire ? En tous les cas, les citoyens burkinabè n’attendent que le dénouement de cette affaire. Et vivement que le droit soit dit pour rassurer les consommateurs qui veulent, s’ils achètent une moto JC, qu’elle soit vraiment la vraie JC et non une JC qui en cache une autre.
San Evariste Barro
Hamidou Ouédraogo
L’Observateur Paalga du 22 novembre 2007
Encadré
La genèse de l’affaire JC
JinCheng Corporation, la société chinoise de fabrication de motos de marque JinCheng (JC), a effectivement assigné Megamonde en justice pour contrefaçon et concurrence déloyale. Pour la genèse, rappelons que dans le cadre d’un partenariat qui a débuté en 2001, Megamonde commercialisait des motos de marque Jincheng au Burkina. En décembre 2004, les deux partenaires ont mis fin à leurs relations d’affaires. Mais en dépit de cette rupture, Megamonde, selon la partie chinoise, continue toujours de vendre des motos sous la marque « JC », et qu’il en délivrerait souvent avec des certificats de conformité au nom de Jincheng Group. Pour la société chinoise, cette pratique n’est ni moins ni plus que de la contrefaçon et de la concurrence déloyale sur son modèle qu’elle a pourtant dûment enregistré, précisément sous le numéro 38835 auprès de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) à Yaoundé, le 31 mars 1999. Voilà qui rend perplexe JinCheng Corporation qui se demande pourquoi son ex-partenaire «frappe toujours, malgré la rupture de contrat, les motos qu’il importe, du label JC. Et pis, sans qu’on ne sache comment ni pourquoi, celui-ci est allé déposer, le 16 avril 2004, elle aussi, auprès de cette même organisation un autre dossier de reconnaissance de la même marque qui a été accepté et enregistré sous le numéro 48508».
Certainement fort de cette attestation de l’OAPI, dans une correspondance (en date de décembre 2005), la société burkinabè avait notifié à JinCheng que le label JC est la propriété exclusive de Megamonde et tout en se plaignant de concurrence déloyale. Megamonde menaçait même de faire saisir chez les grossistes du groupe chinois au Burkina «des motos contrefaites».
Il faut retenir que «JC» signifie «JinCheng» qui n’est autre que le nom de la ville chinoise où se fabrique les motos de cette marque (cf. L’Observateur paalga du 18 août 2004). Cette synonymie est confirmée par ailleurs par le patron même de Megamonde en ces termes: « Notre partenaire JinCheng (JC) fabrique d’ailleurs des pièces pour les constructeurs d’avions tels que Boeing… » (cf. Sidwaya du 3 mars 2006).
S.E.B.
H.O.
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