Vendredi noir pour la chaîne des Kundé
Découverte de corps sans tête
Vendredi noir pour la chaîne des Kundé
Plusieurs bandes de jeunes en furie ont incendié et saccagé des débits de boisson appartenant à la célèbre chaîne des Kundé à Ouagadougou. Le domicile d'un supposé parrain de cette chaîne, du nom de Modibo Maïga, n'a pas été épargné au cours de cette expédition enclenchée le vendredi 16 mars et qui s'est poursuivie le lendemain. Selon les manifestants, M. Maïga aurait commandité l'assassinat des deux hommes dont les cadavres ont été retrouvés décapités. Une escroquerie dans l'achat d'un véhicule serait à l'origine de ces événements.
Un gros nuage noir enveloppait une partie du ciel ouagalais, dans l'après-midi du vendredi 16 mars 2007, alors que la croisade était encore en cours. La sirène des sapeurs-pompiers ne cessait de rugir. Panique dans la cité. Une horde de fervents disciples de Némésis (déesse grecque de la justice et de la vengeance) déterminés à incendier les derniers bastions des bars Kundé avaient pris d'assaut certaines artères de la ville après avoir causé d'importants dégâts matériels et mis le feu aux Kundé de la cité An II, des secteurs 28 (le Blue One) et 30.
C'est à coups de gaz lacrymogène et de matraque que la police est parvenue à dissuader les manifestants qui tentaient de s'attaquer au Kundé du quartier Dagnoën. Ceux-ci sont même allés exprimer leur colère devant le commissariat central de police. Interrogé sur la raison de la manifestation, un des meneurs, nommé Louré, et qui avait été bastonné après avoir reçu un projectile de la police dans la fesse droite, a signifié qu'il s'agissait d'une action pour venger la mort de ses deux oncles assassinés par un gestionnaire des Kundé, du nom de Modibo Maïga.
Selon ses explications, il s'agit d'une affaire de vente de voiture entre M. Maïga et les deux hommes. Après avoir grugé ses clients, a-t-il dit, le nommé Maïga les aurait assassinés. Les explications de notre interlocuteur se rapportent aux deux cadavres humains décapités retrouvés la veille et l'avant-veille par la police, l'un dans le barrage de Boulmiougou et l'autre vers le barrage de Ouaga 2000. Les restes dont il est question avaient être retrouvés complètement dépecés et dépourvus de tête.
Reconnu grâce à son bracelet
C'est grâce au bracelet qu'il portait à l'un des membres supérieurs qu'une des victimes a pu être identifié par sa famille. Celle-ci , du nom de Oumarou Maré, dit "Bambo", était un homme très connu à Ougadougou. La soixantaine environ, il était chauffeur, responsable des transporteurs de la ligne Ouaga - Zabré. Il s'est aussi remarquablement illustré à travers ses actions de solidarité envers les rapatriés de Côte d'Ivoire pendant l'opération "Bayiri", en mettant plusieurs véhicules à la disposition des ressortissants de son village natal dans le Zoundwéogo pour faciliter leur retour au village.
A son domicile au quartier Patte-d'Oie où nous nous sommes rendus le même vendredi, de nombreuses personnes, voisins, amis ainsi que ses collègues et de simples connaissances, étaient venus témoigner à sa famille leur compassion. Sous un hangar couvert d'une bâche étaient assises des femmes et au milieu d'elles étaient exposée une mallette contenant plusieurs armes blanches, dont des couteaux. On nous a fait comprendre alors que ces armes avaient été retrouvées dans la maison du présumé meurtrier.
Pierre Maré, fils adoptif d'Oumarou Maré, que nous avons rencontré sur les lieux, donne sa version des faits : "Mon oncle (Oumarou Maré) avait quitté la maison le mardi matin pour accompagner un autre oncle venu du village pour acheter un véhicule de transport en commun, un minicar. Et ce n'est que le mardi, vers 13 h, qu'on a constaté qu'il n'était toujours pas rentré. Selon ce que j'ai appris, c'est le nommé Maïga, un importateur de véhicules d'Europe, qui devait leur vendre le camion.
Ils s'étaient entendus sur la somme de 4 millions de FCFA et Maïga avait déjà encaissé une avance d'un million. Et c'est ce mardi-là qu'il devait encaisser le reste de l'argent. Ce dernier leur (les deux acheteurs) avait donné rendez-vous chez lui. Mais comme il avait revu à la hausse le prix du véhicule, mes oncles ont refusé de l'acheter et ont exigé que Maïga leur rende l'avance qu'ils avaient laissée. C'est ainsi que Maïga les a conduits à Ouagarinter, prétendant vouloir leur montrer un autre véhicule qui pourrait les intéresser.
Je ne crois pas qu'ils aient vu ledit véhicule. Comme l'autre oncle (celui venu du village), insistait pour que son argent lui soit remboursé, il a alors été embarqué dans une 4X4 par Maïga et des complices sous prétexte qu'ils l'amenaient chez eux pour lui rembourser son argent. Ensuite, deux autres messieurs avec qui il discutait ont emmené à leur tour mon oncle (Oumarou Maré) pour, lui ont-ils dit, rejoindre son compagnon. Il a été emmené à bord d'une autre 4X4 aux vitres fumées cette fois-ci.
Mais les deux véhicules à bord desquels sont montés mes oncles n'ont pas pris la même direction. C'est ainsi que mon oncle Oumarou a été conduit hors de la ville pour être abattu. Ce que nous nous demandons en ce moment c'est la tête et ... (NDLR : il fondit en larmes)." Ce n'est que le samedi 17 mars, aux environs de 17h, que les deux têtes ont été repêchées du barrage n°2 de Tanghin. Il n'y a aucun doute, l'une d'elles appartient à Oumarou Maré, dit Bambo.
Des ruines après le passage des manifestants
Interpellé par un groupe de transporteurs, Modibo Maïga n'aurait pas eu d'explications convaincantes quant à ce qui se serait exactement passé entre lui et les deux hommes. Suspecté alors de meurtre, il serait présentement aux mains des forces de sécurité, lui et un certain Boubacar Sana, présumé être un de ses complices. Nous avons contacté le jour même des manifestations, le commissaire central afin de procéder à des recoupements.
Mais celui-ci nous a signifié n'être au courant de rien. Selon certaines sources, le présumé commanditaire de l'assassinat, Modibo Maïga, est l'un des parrains de la chaîne des célèbres bars-dancings "Kundé". Toute chose qui explique la colère des manifestants contre lesdits établissements. Le domicile du commerçant Maïga, où stationnaient trois voitures et un camion benne, n'a pas échappé à la casse. Certains voisins en ont même fait les frais. Le bilan de la violence de vendredi dernier est très désolant.
Après leur passage, les manifestants n'ont laissé que des ruines. Le lendemain samedi, des tentatives de regroupements sur certaines artères de la ville ont également été constatées. Certaines personnes, profitant du cafouillage, n'ont pas hésité à piller, emportant caisses de bière, chaises, tables ainsi que de l'argent. C'est le dimanche 18 mars aux environs de 14h qu'Oumarou Maré et son compagnon d'infortune ont été inhumés, après que leurs têtes ont été restituées à leurs familles respectives. La deuxième victime se nomme Bansé Sampadé et serait originaire du même village que la première.
Lassina SANOU et Paul KABORE (Collaborateur)
Le Pays du 19 mars 2007
A découvrir aussi
- Remède contre la Sida en Guinée : Les "preuves scientifiques" du Pr Barry
- La saison des bonnes nouvelles (Campagne cotonnière 2008/2009)
- Le CDP renoue avec le "tuuk-guili" (Reprise des municipales à Bané, à Gounghin, à Nasséré et à Yondé)
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 1021 autres membres