L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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"Votre intégration-là, c'est à la télé"

Carnet de voyage

"Votre intégration-là, c'est à la télé"

 

Du 16 au 26 août 2007, une dizaine de journalistes burkinabè, avec le soutien financier du DED et de Telmob, ont effectué un voyage d'études au Bénin, au Togo et au Ghana. Dans notre édition du mardi 4 septembre 2007, nous publiions la première étape de cette randonnée journalistique à Cotonou, la capitale béninoise.

Aujourd'hui, cap sur Lomé et Accra, les deuxième et troisième étapes de notre périple.

 

Lundi 20 août. Fin de notre séjour à Cotonou. Avant de quitter la coquette capitale béninoise, nous sommes reçus par le président du Conseil économique et social (CES) du Bénin, Rafiou Toukourou, lequel s'est réjoui du choix de son pays par le Réseau informel des journalistes du Burkina (RIJ) pour ce voyage d'échanges confraternels avant de prodiguer des conseils aux scribouillards que nous sommes pour faire correctement notre métier tout en n'oubliant pas les intérêts de la nation. Car, dit-il, autant le journaliste participe à la consolidation de la démocratie, autant il peut mettre le feu au pays dans certaines circonstances. Cinq petites minutes de "prêche" sur la bonne  pratique du journalisme, que nous avons écouté religieusement.

 

Ouidah, triste souvenir de la traite négrière

 

Puis, les appareils des photographes crépitent pour la photo de famille. Fin de la visite de courtoisie chez l'homologue de Thomas Sanon, président du CES au Burkina.

Retour à notre hôtel pour le départ sur Lomé, située à 150 km, à bord d'un mini-bus spécialement loué, qui devrait nous transporter jusqu'à la frontière Bénin-Togo via Ouidah, ville historique,  culturelle et touristique de l'ancien Dahomey, mondialement connue parce qu'elle a été  un centre de la  traite négrière et est le cœur du vodoum. C'est dans cette localité, située à 42 km de Cotonou, que réside le chef suprême du vodoum. Chaque 10 janvier de l'année, il y est célébré la fête du vodoum en présence de milliers d'adeptes de ce culte, de touristes et d'anonymes.

Ouidah, c'est aussi une ville de l'esclavage, où se trouvait un port portugais. C'est là que les esclaves du Dahomey au 15e siècle étaient parqués et embarqués de force dans des bateaux vers l'Amérique pour être vendus comme des bêtes. Pour la mémoire collective d'un tel triste souvenir, l'Etat béninois a érigé un monument dénommé Porte du non-retour en 1992 et inauguré en 1995, qui symbolise les souffrances des bras valides de l'époque. Située en bordure de mer, la Porte du non-retour est un lieu touristique où des jeunes, qui ont par cœur son historique, se sont transformés en guides pour expliquer à tout venant la charge historique de cette partie du Bénin, d'où près de 10 millions d'esclaves seraient partis vers le Nouveau Monde.

Le temps ne nous   permettra pas de voir le Temple des Serpents ou Temple des Pythons, où ces reptiles revêtent  des significations symboliques dans la culture. Nous ne verrons pas non plus la Forêt sacrée, où il y a une variété de divinités africaines.

Ouidah, c'est aussi la ville qui a connu les premiers Pères Blancs du Dahomey, arrivés le 18 avril 1861, Borghero et Fernandez, lesquels ont été rejoints en 1877 par trois religieuses que sont sœur Monique, sœur Cyprienne et sœur Dominique. Tout comme l'Etat béninois, l'Eglise catholique y a construit, non loin de la Porte du non- retour, un monument en leur mémoire, devenu un lieu de prière et de recueillement pour des disciples de Jésus-Christ.

 

La traversée de la frontière est payante

 

L'arrêt touristique terminé, nous poursuivons notre route vers Lomé, en traversant des localités telles que Comé (là où les Togolais s'étaient réfugiés massivement lors des troubles socio-politiques suite à la présidentielle de  2005) et Ahémé, un village lacustre où beaucoup d'habitants se déplacent en pirogue avant d'atteindre Hilla-Condji, la petite ville-frontalière où nous avons  abandonné notre mini-bus pour emprunter les taxis de Lomé, qui n'était située qu'à une quarantaine de kilomètres.

Au poste de police, nos papiers d'identité sont enregistrés et signés. Alors que nous pensions que nous ne serions pas victimes de tracasseries comme à l'entrée du Bénin, nous tombons des nues en découvrant que les pratiques semblent universelles dans ces pays côtiers.

En effet, après le premier contrôle, que nous avons passé  haut la main, il y avait un second poste béninois avant de fouler le territoire togolais.

Koffi Amettepé,  qui avait rejoint le groupe après avoir pris part aux funérailles de sa mère, est le premier à présenter son passeport. Il franchit la barrière sans aucune difficulté.

Mais au tour de Paul Ismaël Bicaba de Sidwaya, le policier lui réclame 300 FCFA. Notre confrère essaye de lui expliquer qu'il est journaliste en mission muni de tous les documents nécessaires. L'agent ne lui prête aucune attention. Il demande à tous les autres journalistes qui suivaient en file indienne de payer la somme d'argent mentionnée.

Koffi Amettepé, qui connaît bien la pratique, fait demi-tour pour expliquer à l'homme en treillis qu'il fait partie de l'équipée.

Le policier s'en moque. Nos identités ne l'intéressent pas. Il ne comprend que le langage des pièces de monnaie et des billets de banque. Le journaliste de JJ élève le ton, et lui fait comprendre que nous disposons tous de cartes CEDEAO, qui nous permettent de circuler librement et que s'il tient à percevoir une "taxe" pour notre passage, il faut qu'en retour, il nous fournisse un reçu. Car, dit-il, nous sommes en mission, et toute dépense doit être justifiée.

Acculé, l'agent change de stratégie. Il nous demande de nous mettre à l'écart et de déléguer un responsable pour le voir. Refus catégorique d'Amettépé : "Nous n'avons pas de chef. C'est tout le groupe qui répond".

L'éclat de nos voix parvient au bureau d'un officier. Complice, celui-ci ne peut pas sévir sur son collègue. Il calme les esprits et nous fait accéder au pays d'Eyadéma par un autre passage.

Cette fois, nous sommes face aux policiers togolais. Nous ne sommes pas emmerdés, mais nous constatons que tous ceux qui quittent le territoire du Togo pour le Bénin versent de l'argent au poste de police dans un panier tenu par un agent rabougri, gros et ventru, assis dans une maisonnette. L'intégration tant souhaitée a encore du chemin à faire. D'ailleurs, un policier ghanéen avait dit à un de nos confrères que cette intégration-là, c'est à la télévision.

19h. Nous y sommes. Au préalable, sur suggestion de confrères, qui ont séjourné à Lomé dans le cadre de la CAN des cadets, nous avions réservé des chambres dans une auberge gérée par un de nos compatriotes.

Nous sommes désagréablement surpris de constater que notre réservation n'est pas effective alors qu'on en avait reçu confirmation. Il fallait tout de suite trouver un autre endroit.

 

Mon bloc était réservé aux passes

 

La fatigue se faisait sentir. Les paupières devenaient lourdes. Le soleil s'était déjà couché, et le ciel menaçait d'ouvrir ses vannes. Koffi Amettepé et Suzanne Fucks du DED étaient au four et au moulin pour trouver un hôtel. Hamadi Baro, collaborateur du journal Le Pays, musulman fieffé, cherchait à s'orienter vers l'Est pour accomplir ses prières. Bénédicte Sawadogo et Sylvie Yaro de la RTB bavardaient, affalées sur une table.

Le reste du groupe avait chacun son portable collé à l'oreille, et conversait avec des proches à Ouaga pour leur annoncer que nous étions à Lomé. Quant à moi, j'étais assis au comptoir de l'auberge pour échanger avec une jeune fille et apprendre quelques phrases en mina,   une langue du Togo.

Je découvre dans ma conversation avec la demoiselle, qui n'a pas su tenir sa langue, qu'en réalité, certaines chambres étaient momentanément occupées par des gens venus se livrer au plaisir de la chair avec des "gonzesses". Je garde le "secret" pour moi-même pour ne pas heurter certaines sensibilités.

Après de multiples coups de fil, on finit par trouver un hôtel non loin de là où nous étions, mais il n'y a pas de place pour tout le monde. Certains doivent donc partager des chambres à deux.

Finalement, l'on a pu obtenir les dix chambres individuelles.

L'hôtel en question est un R+1. A l'étage, il y a deux blocs de bâtiments. Là où je me trouvais semblait étrangement réservé aux passes.

En effet, pendant que les autres confrères dormaient tranquillement, je souffrais le martyre du fait de bruits de pas, des grincement de lits et de gémissements de filles. Impossible de fermer l'œil. J'étais obligé de sortir pour m'asseoir sur la terrasse se trouvant à l'entrée de la réception. J'assiste à un ballet incessant de couples qui défilaient dans l'hôtel. Je compris que ce beau monde venait pour y tirer un petit coup (sic). Je remonte les escaliers pour taper à la porte de Kader Traoré et  lui expliquer la situation. Celui-ci me fait comprendre que de nombreux hôtels survivent à travers ce buisness. Il fallait faire avec.

Je retourne me coucher et je finis par trouver le sommeil.

Au réveil, une bonne nouvelle m'attendait : on change de logement. Cette fois, c'est à l'hôtel des Marins que nous déposons nos valises. Mais les chambres  ne sont pas encore libérées. Il faut attendre 17h. Peu importe, l'essentiel est que nous avons eu un cadre agréable, situé à 300 m de la mer et où l'air frais vous caresse à longueur de journée.

La capitale du Togo était en fait une étape transitoire de notre périple. Le programme concocté était à cet effet léger : visite de la Maison du journalisme, du port et de Nana FM, "la plus belle dame de Lomé", son autre appellation, une radio de proximité, située non loin du grand marché de la ville.

La nuit, il fallait découvrir les points chauds de la ville sur l'avenue du 13-Janvier, un grand boulevard portant la date de la prise du pouvoir en 1967 par le défunt président Eyadéma. Cette avenue est à l'image de Kwamé N'Krumah à Ouaga, mais l'ambiance y est plus "grave". Là-bas, on n'attend pas le week-end pour prendre d'assaut les maquis. Comme dans toute rue du genre, les prostituées ont installé leur quartier général à la recherche de clients.

Les petits chômeurs ont également trouvé là un filon pour démarcher les filles et vendre discrètement des préservatifs dans de petits sacs noués à la ceinture. Et comme tout se fait dans la discrétion, ils ont l'intelligence de vous vendre des condoms qui coûtent cher.

Dans un premier temps, nous nous sommes installés à "La Brochette de la capitale" pour un repas communautaire avant de se disperser.

Mais presque tous ont choisi de boire une bière ou une sucrerie sur  la terrasse du bar d'en face, "Seven Clash". La musique y tonnait à fond la caisse, et les filles de joie, de tout format, se trémoussaient sur la piste, cigarettes en main, qu'elles   fumaient entre deux pas de danse.

Le lendemain, nous prenons la route pour Accra via Afflao, la ville-frontière du Ghana avec le Togo. Cette fois, les tracasseries ne viennent pas des policiers, mais de jeunes garçons et de femmes, qui se proposent de porter vos bagages. "Ne cédez surtout pas sous peine de voir disparaître vos effets", nous avait martelé Koffi Amettepé, sans lequel, avouons-le, le voyage aurait été très difficile.

 

De nouveaux billets de cédi en circulation

 

Mercredi 22 août 2007. Nous arrivons dans la capitale ghanéenne aux environs de 22 h. Nous sommes accueillis par des taximens qui tentent de nous escroquer en augmentant le prix du déplacement de la gare à notre lieu d'hébergement alors que tout avait été conclu avant qu'on bouge. Cela parce qu'ils s'étaient rendu compte que nous sommes des étrangers ne maîtrisant pas le cédi, la monnaie ghanéenne, surtout que de nouveaux billets (un nouveau billet de cédi équivaut à 520 FCFA) datant de cette année seulement sont en circulation. Chacun savait désormais à quoi s'en tenir dans cette affaire de change. Pour y remédier, nous faisons recours à Kader Traoré qui, à l'aide de son cellulaire, faisait les conversions à tel point que certains ont fini par le surnommer "le convertisseur".

A Accra, il fallait se débarrasser de ses vieilles habitudes du Burkina. On ne pisse pas n'importe où et n'importe comment. La cigarette est également interdite en public. Sur de nombreux murs, on peut lire "No smoking".

Notre agenda nous conduit à radio Happy FM, qui dispose également d'un hebdomadaire, Sunday World.  Le personnel  y travaille dans d'agréables conditions. Les locaux sont impressionnants du point de vue équipement.

 

"Vous avez de très bons journalistes en presse écrite"

 

Nous rencontrons Anna Umbima de  radio BBC, venue pour dispenser une formation de deux semaines à  des journalistes ghanéens. Elle a dit apprécier la presse écrite burkinabè. "Vous avez des journalistes qui écrivent très bien". Et a cité, en exemple l'article de notre grand reporter, Alain Zongo Saint-Robespierre, qui a remporté récemment le prix CNN dans la catégorie presse écrite francophone.

Par la suite, nous visiterons Ghana News Agency (GNA), l'agence nationale d'information à l'image de l'AIB du Burkina, le Daily Graphic, le quotidien d'Etat, qui a un tirage supérieur à celui de l'ensemble des douze quotidiens d'Accra et enfin le Centre international de Presse.

Samedi 26 août. Fin de notre séjour à Accra. Dans le programme, il est prévu une nuit à Kumassi, consacrée au bilan du voyage d'études. Mais nous y séjournerons deux jours, car il n'y avait pas de car dimanche pour Ouagadougou, un jour sacré où tous les commerces sont fermés, et la ville, calme  comme s'il y avait un deuil.

Fatigués, nous sommes restés cloîtrés dans notre hôtel sans chercher à découvrir la magnifique capitale du Pays Ashanti...

Lundi 28 août à 17h. Nous avons quitté Kumassi, sans Kader Traoré, Modeste Nébié et Firmin Ouattara, obligés d'y rester encore quelques jours par manque de place dans le car, pour arriver  à Ouagadougou le lendemain sous une pluie battante.

 

Adama Ouédraogo Damiss

L'Observateur Paalga du 7 septembre 2007



07/09/2007
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