L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Accouchements et soins obstétricaux : La main secourable de l'Etat

Accouchements et  soins obstétricaux 

La main secourable de l'Etat

 

Au Burkina Faso, le taux de fréquentation des formations sanitaires est en deçà des normes de l'OMS. Cette situation se traduit par une faible utilisation des services de maternité par les femmes enceintes. Une des causes majeures de cette sous-utilisation est que les coûts de la prise en charge ne sont pas toujours à leur portée. Pour corriger une telle défaillance du système sanitaire qui contribue à maintenir élevés les taux  de mortalité maternelle et néonatale, le gouvernement burkinabè a décidé de subventionner à 80% les accouchements, les soins obstétricaux et néonatals d'urgence dans le cadre de la lutte contre la pauvreté et dans l'optique d'atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) en 2015. Quelle est la réalité de l'application de cette directive dans les formations sanitaires ? Pour en savoir plus, nous avons choisi le cas du Centre médical avec antenne chirurgicale (CMA) du secteur 30 de Ouagadougou.

 

Les indicateurs de la mortalité maternelle et néonatale au Burkina Faso restent élevés : 484 décès pour 100 000 naissances, 31‰ (mortalité néonatale) et 83‰ (mortalité infantile).

Pour infléchir la courbe, l'Etat a pris différentes mesures au nombre desquelles "le renforcement de la capacité des structures sanitaires (formation, équipement, ,approvisionnement en intrants, appui aux soins), la sensibilisation à la fréquentation des centres de santé et la construction de formations sanitaires pour réduire le rayon moyen d'accès qui est de 7 kilomètres".

Malgré tout, des obstacles liés à la distance, aux croyances, à la qualité des prestations et surtout à la barrière financière  favorisent  la faible fréquentation des services de santé maternelle et infantile (maternité et SMI).

"Face à cette situation, indique le Dr Fatimata Zampaligré   directrice de la Santé de la Famille (DSF), les autorités sanitaires ont d'abord instauré la gratuité des soins préventifs des femmes enceintes et des enfants de zéro à cinq ans pour les motiver à aller dans les formations sanitaires. Ensuite, elles ont initié récemment  un système de subvention des accouchements, des soins obstétricaux et néonatals  d'urgence".

En effet, le Conseil des ministres, en sa séance du 22 mars 2006, a examiné et adopté un rapport relatif à un projet de décret portant sur l'introduction d'une stratégie nationale de subvention des Soins obstétricaux et néonatals  d'urgence (SONU) et des accouchements.

 Quelques mois plus tard, une note du secrétaire général du ministère de la Santé, le Pr. Jean-Gabriel Ouango, indiquait aux différents directeurs généraux et aux médecins-chefs de district qu'au titre de l'année 2006, seules les césariennes et les laparotomies (complications de la grossesse et de l'accouchement) sont concernées par la subvention; le tarif à ne pas dépasser pour ces deux prestations est de onze mille (11 000 F CFA) quelque soit leur coût de production. La circulaire précise que le tarif rentre en vigueur à partir du 1er octobre 2006 dans toutes les formations sanitaires concernées (CHU, CHR et CMA). Les accouchements et les autres soins obstétricaux et néonatals d'urgence seront pris en compte à partir de l'année 2007.

 

Le CMA du secteur 30, district sanitaire de Bogodogo, un exemple de réussite

 

Nous sommes en 2008. C'est dire donc que la subvention est en marche dans les formations sanitaires. Pour cerner ses aspects pratiques, nous nous sommes intéressé au Centre médical avec antenne chirurgical (CMA) du secteur 30 de Ouagadougou qui est «l'hôpital de référence» du district sanitaire de l'arrondissement de Bogodogo composé de 32 centres de santé et de promotion sociale publics (CSPS). Le district de Bogodogo, un des cinq districts de la région du Centre, couvre l'arrondissement de Bogodogo, et les communes rurales de Saaba et de Koubri.

Le choix de ce CMA s'est révélé judicieux en ce sens qu'il a connu une expérience en matière de subvention avant même celle de l'Etat. En effet, à en croire le médecin-chef du district (MCD), Dr Lionel Wilfrid Ouédraogo, un système de partage des coûts pour les urgences obstétricales avait été mis en place dans le district sanitaire de Bogodogo, avec l'appui du projet AQUASOU (Projet d'amélioration de la qualité et de l'accès aux soins obstétricaux d'urgence), qui a pris fin en 2005. Mais le CMA ne s'est pas arrêté en si bon chemin. Le système de partage des coûts s'est poursuivi en 2006 avec d'autres acteurs à savoir les Comités de gestion (COGES)  des CSPS et des formations sanitaires confessionnelles, les collectivités territoriales et locales  (haut-commissariat, Préfectures, mairie de Ouagadougou, communes de Koubri, de Saaba et Komsilga, arrondissement de Bogodogo), le ministère de la Santé (ressources/crédits du Budget national alloués au district pour la dotation en médicaments et consommables médicaux) et bien sûr la modeste contribution de la patiente ou sa famille.

Dès lors que la subvention étatique a été décidée, le CMA de Bogodogo avait une longueur d'avance sur les autres. Mais, ses responsables n'ont pas voulu faire dans la précipitation. Car, indique le Dr Charlemagne Ouédraogo, gynécologue obstétricien et médecin-chef de l'unité de  maternité du CMA, il fallait faire des réunions avec les structures décentralisées pour les informer parce qu'il y a beaucoup d'outils à remplir. "Nous avons donc tenu des rencontres avec les populations, les agents de santé, les comités de gestion qui gèrent les structures de santé décentralisées (CSPS), les collectivités territoriales et locales et les gestionnaires de district pour savoir la procédure, la date de démarrage et la formule des avancements d'argent. Parce que le district comme le ministère de la Santé préfinance et cela doit être justifié trimestriellement selon une périodicité arrêtée par la Direction des Affaires financières (DAF) du ministère de tutelle". C'est après ces mesures de précaution que la subvention a été mise en route au CMA du secteur 30 de Ouagadougou. Comment fonctionne-t-elle ?

Dr Charlemagne Ouédraogo : "Dès qu'une femme en travail arrive aux urgences de la maternité du CMA après référence, elle rentre en salle d'accouchement. On l'examine. Selon le cas présenté, on lui remet un bout de papier pour aller au dépôt pharmaceutique chercher un  gros sachet dans lequel se trouvent les produits pour les  soins. Lorsque la patiente entre en bloc opératoire, on lui établit une fiche, et chaque fois qu'elle a besoin d'un médicament, il lui suffit de présenter la fiche au dépôt pour être servie gratuitement. Si le produit n'existe pas, le CMA s'engage à rembourser sur présentation du reçu de l'officine privée". Dr Charlemagne Ouédraogo est formel : "Le système a été si bien étudié qu'il est difficile d'avoir une indélicatesse". "Les dossiers passent au niveau du bureau du système de partage des coûts qui suit toute la subvention. Il n'y a pas d'argent liquide dans le circuit. Ce ne sont que des traitements de papier, c'est à la sortie que la patiente paye ce qu'elle devrait payer, c'est-à-dire 900 F CFA pour un accouchement et 6 000 F CFA pour une césarienne au CMA du secteur 30".

 

Toutes les femmes enceintes sont concernées

 

Les bénéficiaires du système (au coût de 6 000 FCFA pour les interventions obstétricales majeures) sont les femmes enceintes résidant dans l'aire sanitaire de Bogodogo. Toutefois, souligne le médecin-chef du district, les femmes résidants hors de l'aire du district sanitaire de Bogodogo bénéficient des mêmes soins, mais ne peuvent pas bénéficier du tarif préférentiel et doivent payer à l'acte conformément aux tarifs des prestations subventionnées.  (Voir encadré).

Les interventions prises en charge sont les suivantes :

- les césariennes en urgence ; 

- les interventions obstétricales majeures (laparotomies pour grossesse extra-utérine, les hystérectomies d'hémostase;

- les réparations de déchirures compliquées du périnée ou du col nécessitant une anesthésie générale.

Sont compris dans le forfait tous les frais en rapport avec l'intervention en urgence :

- le transport en ambulance ;

- l'intervention chirurgicale ;

- les examens complémentaires de laboratoire;

- les soins postopératoires pour la mère et son enfant pendant le séjour au CMA ;

- l'hospitalisation ; et

- les pansements en externe jusqu'à la cicatrisation.

Ne sont pas compris dans le forfait :

- les frais de transports en taxi et en voitures privées ;

- les traitements liés à une affection chronique.

Sur ce dernier point, Dr Charlemagne Ouédraogo précise : "La subvention n'a pas eu la prétention de prendre en charge toutes les pathologies que la femme en travail a avant son admission au CMA ; ce qui fait que si la parturiente souffre d'une diarrhée qui n'a pas de rapport avec la grossesse et l'accouchement, elle doit honorer elle-même ses ordonnances liées à ce mal. Donc, lorsque l'infirmier ou la sage-femme d'Etat prescrit une ordonnance, il ne faut pas tout de suite penser à une situation de fraude".

Avec la stratégie nationale de subvention des accouchements et des SONU, la fréquentation des centres de santé (CSPS, CMA et hopitaux) connaît forcément une augmentation comme c'est le cas au district de Bogodogo.

A en croire, le médecin-chef de l'unité de maternité, en 2007, 1162 femmes dont 808 cas relevant des soins obstétricaux ont été enregistrés si fait que le CMA, qui a une capacité de 80 lits dont seulement 24 en maternité, est débordé. "On se voit dans l'obligation d'envoyer certaines parturientes à l'hôpital Yalgado pour manque de place ici".

La subvention des accouchements et des SONU était une nécessité au regard de la pauvreté des ménages au Burkina Faso. "Le gouvernement, les autorités sanitaires et les députés qui ont voté le projet de loi y relatif ont été clairvoyants. Et il faut que les structures déconcentrées et décentralisées s'y investissent pour sa réussite", apprécie notre spécialiste Dr Charlemagne Ouédraogo. Le MCD et le médecin-chef de l'unité de maternité soutiennent par ailleurs que la réussite de la subvention est liée au fait qu'elle a été l'aboutissement d'une double démarche technique et politique. La preuve, ajoutent-t-ils :

"Dans certains pays, on l'a d'abord annoncé dans les discours politiques et sa mise en application n'a pas suivi".

Jusqu'en 2015, l'Etat burkinabè (Budget national) mettra de l'argent à la disposition du ministère de la Santé pour le financement de la stratégie nationale de la subvention des accouchements et des soins obstétricaux et néonatals d'urgences dans les formations sanitaires publiques et ce, dans le but d'atteindre l'un des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) qui est la réduction de la mortalité maternelle et néonatale.

Pour que les indicateurs changent (selon la directrice de la Santé de la Famille) dans le sens des prévisions, la subvention devrait être accompagnée d'autres mesures qui sont déjà en cours comme le renforcement des infrastructures et des équipements sanitaires, la sensibilisation à certaines pratiques traditionnelles et du personnel, la participation communautaire et des autres secteurs de développement tels que le ministère de la Promotion de la femme, celui des Infrastructures et des Equipements, de la Communication, de la Promotion des droits humains, etc.

 

Adama Ouédraogo

Damiss

L'Observateur Paalga du 26 février 2008

 

Liste détaillée des prestations subventionnées et leurs tarifs

 

 

Prestation                               Tarif actuel                      Tarif Applicable

 

Au niveau CSPS

 

Accouchement eutocique               4 500 f                           900 f

Accouchement dystocique       18 000 f              3 600 f

 

Au niveau CMA

 

Accouchement eutocique               4 500 f                          900 f

Accouchement dystocique       18 000 f                           3 600 f

 

Prise en charge de prééclampsie et des crises d’éclampsie 18 000 f  3 600 f

 

Soins intensifs au nouveau-né inférieur ou égal à 7 jours

(pour souffrance cérébrale aiguë, infection néonatale sévère, détresse respiratoire sévère et hypothermie)  18 000 f                            3 600 f

 

Aspiration manuelle intra- utérine  18 000 f                           3 600 f

Césarienne            55 000 f                           11 000 f

Laparotomie (GEU et RU)  55 000 f             11 000 f

 

Au niveau CHR/CHU

 

 

Accouchement eutocique               4 500f                           900 f

Accouchement dystocique       18 000 f                            3 600 f

Prise en charge de prééclampsie et des crises d’éclampsie 18 000 f                     3 600 f

 

Césarienne            55 000 f               11 000 f

Laparotomie (GEU et RU)  55 000 f                  11 000 f

 



25/02/2008
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