L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Adam’s Surface : "J'ignore pourquoi on cherche à m'abattre"

Adam’s Surface

"J'ignore pourquoi on cherche à m'abattre"

L'affaire de la 4x4 volée à Sikasso au Mali. Cela remonte au 15 octobre 2004. Mais pour Adama Bella, plus connu sous le nom de Adam's Surface, c'est comme si c'était hier. Le propriétaire de l'alientation "La Surface" a en effet fait les frais de ce braquage qui a été opéré au Mali. Incarcéré pendant environ 3 mois à la Maison d'arrêt et de correction de Bobo Dioulasso, Adam's a été éloigné de sa famille et de ses affaires. Aujourd'hui, il est libre de ses mouvements, la justice ayant pris une décision de non-lieu à son endroit le 13 mars 2007. Que devient l'homme ? Quels souvenirs garde-t-il de cette période de détention ? Entretien.

Comment avez-vous vécu cette affaire de 4x4 volée à Sikasso ?


Ce fut un moment très difficile de ma vie. Cela m'a marqué négativement mais aussi positivement. Je dis négativement parce que je fais allusion à la méchanceté de certains ici au Faso. Positivement parce que c'est quelque chose qui a forgé ma conviction qu'il ne faut jamais faire du mal dans cette vie et que tôt au tard la vérité finit toujours par rattraper le mensonge, la calomnie et la médisance.

La justice a prononcé un non-lieu à votre profit. Doit-on entendre par là que vous êtes innocent dans cette affaire ?

 

Bien sûr. La justice a pris tout son temps pour investiguer et c'est le droit qui a été dit, à travers ce non-lieu. Je savais et je le disais à mes proches que je n'étais mêlé ni de près, ni de loin à cette affaire. Ce non-lieu me blanchit mais je répète que je suis toujours marqué, par cette histoire.


C'est difficile de croire que vous n'êtes mêlé ni de près, ni de loin à cette affaire, puisque vous étiez poursuivi par la Justice.


Il y avait des rumeurs qui circulaient sur moi. Mais cela ne m'empêchait pas de gagner honnêtement ma vie. Je faisais correctement mon travail, surtout qu'au niveau d'Interpol-Ouaga, des mesures sont prises pour que nous ne tombons pas dans ces genres de travers. Tous mes véhicules que j'achète passent d'abord par la loupe d'Interpol. Le véhicule volé dont il est question, je ne l'ai jamais vu n'en parlons pas de l'acheter. On m'avait accusé d'avoir financé l'opération de vol. Heureusement, dans le groupe de ceux qui ont été pris, il y a un qui a reconnu avoir financé le voyage sur Sikasso. Il l'a reconnu et dit dans sa déposition. Malgré tout, il fallait qu'on fasse tout pour m'impliquer, moi Adam's.

Vous avez passé un coup de fil à quelqu'un par rapport au vol de la 4x4

Je n'ai pas appelé l'un de ceux qui ont été pris. J'ai passé un coup de fil à quelqu'un avec qui j'ai l'habitude de communiquer parce qu'il est également dans les démarches de véhicules. On s'appelle chaque fois et on s'appellera toujours. Lorsqu'il a été interpellé, et que son épouse m'a informé, j'ai appelé plusieurs fois sur son cellulaire et à chaque fois, c'est quelqu'un d'autre qui décroche et me dit de rappeler plus tard.


Vous ne vendez donc pas des véhicules volés ?

 

Quand il n'y avait pas Interpol, c'était difficile pour nous de distinguer les véhicules volés des non volés. Mais avec l'action d'Interpol, nous sommes parés contre ce travers. Demandez à tous ceux qui ont acheté des véhicules avec moi. Faites même une annonce dans le journal. Non. Je ne crois pas que vous trouverez quelqu'un qui vous dira qu'il a acheté un véhicule volé avec moi.

Au moment des faits, il a été dit que Adam's n'allait jamais faire la prison, qu'il ne sera jamais inquiété par la justice. Etes-vous un intouchable ?


(Sourire). J'étais à la fois triste et heureux que les gens me prennent pour un intouchable. En fait ils se trompaient sur ma personne. On disait et des gens continuent de faire de moi l'homme de telle ou telle personne. D'autres disent que je suis un homme du pouvoir. Aujourd'hui ils ont su que je ne suis pas l'homme du pouvoir. Si tel était le cas, on ne m'aurait pas arrêté pour un véhicule volé à Sikasso et qui n'est même pas rentré au Burkina. Des gens ont fait à l'occasion leurs dépositions et ont reconnu avoir fait certaines choses dont le financement de leur voyage au Mali. Malgré tout, comme si j'étais l'homme à abattre, c'est sur moi qu'on met tout. Et pour cela, j'ai fait 3 mois en prison. Pourtant, à supposer même qu'il y ait quelque chose, je n 'ai pas la tête de quelqu'un qui peut fuir le Burkina pendant que des enquêtes sont menées. Je suis responsable, j'ai ma famille, j'ai mes affaires, j'ai tout ici. Et par-dessus tout, le Burkina c'est ma patrie, mon pays que j'aime profondément. Même si on me demandait de déposer une caution en attendant les résultats des investigations, ce qui m'aurait permis de rester près de mes affaires, je le pouvais. Non. J'ai été arrêté et j'ai fait 3 mois inutilement en prison. J'ai été humilié avant d'être libéré puisqu'on n'a rien trouvé contre moi. Non, je ne suis pas intouchable.

Comment allaient vos affaires durant ce temps de détention ?


Je vais être franc avec vous, mes affaires ont pris un grand coup. Je vous donne une illustration de mes déconvenues. J'ai été arrêté en octobre 2004. Le 31 décembre de la même année, des agents du ministère de Commerce sont passés à mon alimentation "La Surface" à Zogona pour un contrôle sur le sucre. Nous avions du sucre acheté à la Compagnie internationale de distribution (CDI). J'avais avec moi les reçus et les factures. Ils sont venus et mes employés leur ont dit que les documents du sucre étaient avec moi mais que j'étais absent. C'était la fin de l'année et la boutique était bondée de clients. Mes employés ont promis envoyer les factures la semaine qui suivait. Les agents de contrôle leur ont rédigé un bout de papier manuscrit où ils ont mentionné "main-levée", ce qui signifiait qu'ils laissaient la marchandise mais que nous n'avons pas le droit de la vendre. Ils étaient avec des policiers. Faisant ensuite fi de ce papier, ils ont embarqué tout le sucre et sont partis. C'était 35 sacs de sucre granulé et 19 cartons de sucre en carreaux. La semaine qui a suivi, mes employés sont allés au ministère du Commerce avec les factures. Plusieurs fois, ils ont été priés de revenir sous le prétexte que ceux qui avaient ramassé le sucre étaient absents. Vers le 15 janvier 2005, on leur a finalement dit que le sucre a été vendu. A ma sortie de prison, je suis allé moi-même au ministère courant février après ma libération. Ils m'ont fait savoir que le sucre était déjà vendu. J'ai demandé un procès-verbal de saisie parce que le papier que les agents du ministère nous avaient délivré portait la mention "main-levée", donc ils ne pouvaient pas partir avec le sucre. Ils m'ont dit que c'est une cuisine interne qu'ils vont gérer. Je suis retourné plusieurs fois au ministère avant de m'entendre dire que le sucre a été vendu. J'ai demandé un procès-verbal de vente. Etant dans le domaine, je connais la procédure et le temps qu'elle doit prendre. En principe, la vente après la saisie devrait prendre du temps. Ce ne fut pas le cas avec mon sucre. Je me dis donc que tout était mis en oeuvre pour me déstabiliser. Jusqu'à l'heure où je vous parle, la situation n'a pas évolué. J'ai adressé plusieurs correspondances au ministère. C'est le secrétaire général qui m'a répondu en me faisant savoir que ses agents sont assermentés. Mon coeur s'est déchiré à la pensée qu'un secrétaire général, d'un ministère de Commerce parle d'agents assermentés après le comportement que ceux-ci ont eu. Quand nous leur avons montré les factures par la suite, ils ont vu que le sucre venait de CDI. Pourquoi ne sont-ils pas allés là-bas ? Je suis même allé demander à cette adresse s'ils n'ont pas été contrôlés. Ils m'ont répondu qu'ils n'ont vu aucun agent de contrôle. Si le sucre n'était pas bon, c'était l'occasion pour eux d'aller le vérifier à ce niveau au lieu de se contenter des moins de 2 tonnes qui étaient chez moi. Et on me parle d'agents assermentés. C'est pour me prouver que je ne suis rien. Ce n'est pas grave, un autre soleil s'est levé, et la vie continue.


Où en êtes-vous avec cette affaire de sucre saisi ?


Le secrétaire général du ministère du Commerce continue de me narguer. Quand je l'appelle il me dit toujours qu'il me rappellerait afin de me fixer un rendez-vous. Je me suis même rapproché de certains de ses collaborateurs qui ont demandé des rendez-vous pour moi. Il ne m'a jamais reçu. Il y a un nouveau ministre qui est là. Je vais lui écrire aussi, tout comme j'adresserai une correspondance au Premier ministre. Je n'ai pas été le seul à subir ce préjudice. Ils ont vendu tout le sucre ramassé chez nombre de commerçants à cette époque, sans PV. Où est rentré cet argent ? Si c'est dans les caisses du Trésor public, ils n'ont qu'à nous délivrer des papiers en bonne et due forme qui prouvent que des marchandises ont été saisies chez nous. Cela nous permettra au moins de bien tenir notre comptabilité. Toutefois, je ne désespère pas. Je pense qu'il y a une justice dans ce pays à laquelle je m'en remettrai et je crois que je rentrerai dans mes droits.


Vous êtes membre de l'AGRAPA, une structure qui défend les intérêts des gérants et propriétaires d'alimentations. Qu'est-ce qui a été fait à ce niveau ?

La présidente de l'AGRAPA a adressé une correspondance au secrétaire général du ministère du Commerce pour lui exposer le problème. Dans sa réponse, ce dernier a dit à la présidente de se démarquer de mes revendications à moi, parce que ses agents sont assermentés. J'ai dit à la présidente de se tenir tranquille et que je poursuivrai le combat tout seul, et jusque-là, je lutte pacifiquement.

Y a-t-il un acharnement gratuit sur votre personne où ne pensez-vous pas avoir une part de responsabilité quelque part ?


C'est depuis ce temps que j'ai senti qu'on m'accordait toute cette importance. Pour moi, je n'étais qu'Adam's, le simple citoyen qui s'adonne à son commerce. En mon âme et conscience, je sais que je ne suis pas nuisible à mon pays, et j'ignore donc pourquoi on chercherait à m'abattre. Bien au contraire, je suis un être très social et de nombreuses personnes peuvent le témoigner. J'aide tout le monde sans distinction aucune. Même si vous allez dans mon village, les populations vous diront ce que je leur apporte comme appui. Il y en a qui ont plus de moyens mais ne font pas le 1/10e de ce que je fais. Dans mon quartier à Ouaga, il y a des enfants dont moi Adam's je paie la scolarité sans même connaître leurs parents. Je suis inoffensif bien qu'on raconte plein de choses, les unes aussi fausses que les autres, sur moi. Depuis qu'on m'a libéré, j'ai même peur et c'est pour cela que je suis resté dans mon coin où je me fais tout petit comme avant d'ailleurs. J'ai laissé la justice faire son travail. Ça a duré 3 ans. 3 ans pendant lesquels mes affaires ont périclité. J'ai souffert le martyr. Je ne sais comment vous exprimer toute ma déception de ces gens qui passent leur vie à faire du mal aux autres. A "La Surface", ça va même si nous connaissons, tout comme d'autres commerçants, une baisse des ventes. Mais ça c'est général. Mais côté véhicules d'occasion mes affaires ont pris un sérieux coup. Heureusement, que le non-lieu est venu me blanchir.


Pourquoi c'est seulement maintenant que vous sortez de votre silence pour vous exprimer à travers la presse ?


Même là, vous ne seriez pas venu à moi que je n'aurais pas parlé. Je suis toujours dans la hantise, dans la peur. Ces mêmes gens existent toujours. Ils sont toujours aussi puissants et aptes à faire ce qu'ils veulent. Ils sont méchants inutilement. Je ne voulais pas parler parce que j'avais toujours peur, ne sachant pas ce qu'ils préparent encore. De toutes les façons, moi je suis très croyant et je m'en remets à Dieu. Seule la puissance de Dieu est éternelle. Ceux qui font le bien ont leur fin, a fortiori ceux qui font le mal. Toutefois, je leur demanderai de se calmer. Nul n'est éternel sur terre. Un beau matin, Adam's mourra et ils auront la paix, si tant est que c'est moi qui les dérange. Un jour, eux aussi mourront également et on en parlera plus. Ils n'ont qu'à me laisser tranquille. Pourtant moi mon souhait est qu'ensemble nous prions Dieu afin qu'il nous comble de sa bonté incommensurable. Nous devons prier Dieu afin qu'il donne au Burkina de nombreux Oumarou Kanazoé, beaucoup de Kadhafi (Mahamadi Sawadogo, ndlr), plein de Alizèta Gando, des Sogli à l'infini. (Tous ces hommes et femmes cités par Adam's sont des opérateurs économiques burkinabè fortunés, ndlr). Au lieu de chercher à détruire, cherchons à construire afin que le Burkina qui nous est tous cher prospère davantage. Les gens pensent qu'il faut couper la tête à Adam's parce que qu'il a quelque chose. Adam's n'a rien. Le peu qu'il a, c'est Dieu qui le lui a donné. Il faut que les gens mettent fin à la méchanceté gratuite pour que le Burkina soit mieux construit. Si vous voyez Adam's qui a un cheval, priez Dieu qu'il vous en donne aussi. Ne priez pas Dieu pour qu'il tombe avec son cheval. Heureusement que tous les Burkinabè ne sont pas méchants. Ils sont nombreux, mes concitoyens qui vivent selon un esprit de bien.


En conclusion à cet entretien, comment se passe votre vie côté famille ?


C'est avec cette affaire que j'ai compris davantage que ce qu'un homme a de plus important dans sa vie, c'est sa famille. Je suis un homme heureux, marié, père de six filles. Je n'ai pas de garçon. Mes filles m'écoutent et je les adore. J'ai aussi quelques bons amis qui sont là. C'est donc tout ça qui me procure du bonheur et me donne le courage de continuer à me battre. Ce sont eux qui me remontent le moral. Je prie Dieu qu'il donne la santé et la prospérité à tous les Burkinabè. Moi je ne déteste personne. Pas même ceux qui sont méchants avec moi. Que Dieu change leur coeur car la méchanceté inutile ne fait pas avancer un pays. Ayons tous la foi et prions avec ferveur comme lors du Mouloud organisé, en différé le vendredi 22 juin par le Cheick Bandé. Le stade du 4-Août a refusé du monde cette nuit-là. Je n'ai jamais vu cela. Restons donc unis dans cet amour de Dieu afin que les Burkinabè s'acceptent, se tolèrent et s'aiment.

Propos recueillis par Morin YAMONGBE

Le Pays du 29 juin 2007



02/07/2007
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