Affaire PAI : Philippe va-t-il enfin retrouver sa "chose" ?
Affaire PAI
Philippe va-t-il enfin retrouver sa "chose" ?
S’achemine-t-on vers une reconnaissance légale du Parti africain de l’indépendance (PAI) tendance Philippe Ouédraogo ? On est en tout cas fondé à le penser au regard de la tournure du dernier développement juridique de cette bagarre fratricide de légitimité que se livrent depuis bientôt une décennie Soumane Touré et Philippe Ouédraogo. En effet, le 31 août 2007, devant le Conseil d’Etat, on a assisté à un coup de théâtre : le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (mATD) se désiste de toute poursuite contre Philippe Ouédraogo et s’en tient à la décision de justice rendue le 30 juin 2005 par le tribunal administratif et qui annule l’arrêté du 5 mai 2001 reconnaissant le PAI de Soumane Touré. Le verdict est attendu pour le 9 octobre prochain.
C’est dans le dernier trimestre de 1998, peu avant l’assassinat de Norbert Zongo, qu’a débuté cette bagarre de légitimité que se livrent les deux tendances du PAI. Tout a commencé le 12 septembre 98 avec la démission globale du Bureau exécutif central (BEC) du PAI dirigé par Soumane Touré. Aussitôt, en attendant la tenue d’un congrès, le Comité central confie provisoirement la direction du parti aux membres d’honneur. Le BEC provisoire est dirigé par Philippe Ouédraogo. Mais voilà que le 4 décembre 99, Soumane le démissionnaire tient un congrès qui le consacre secrétaire général du BEC. Pour les Philippe, Soumane n’a aucun mandat ni aucune qualité pour convoquer un tel congrès. Malgré les protestations, le mATD reconnaît le bureau de Soumane. En février 2000, l’autre tendance organise à son tour un congrès qui consacre Philippe à la tête du BEC. Alors, question aux juristes : lequel des BEC est légitime ? Pour sa part, le mATD a tranché en faveur du clan Soumane. Mais les Philippe ne l’entendent pas de cette oreille et portent l’affaire devant la justice.
C’est alors le début d’une longue bagarre de légitimité, véritable feuilleton politico-juridique, que la tendance Philippe Ouédraogo a toujours remportée au prétoire, mais elle s’est toujours heurtée au refus du mATD qui a toujours délivré des arrêtés en faveur de Soumane.
La dernière en date est cette décision du tribunal administratif rendue le 30 juin 2005 en faveur des Philippe. C’est justement pour demander l’annulation de ce jugement que me Bannitio Somé, agissant au compte du mATD et de Soumane, a interjeté appel devant le Conseil d’Etat. L’affaire a donc été appelée le 31 août dernier à 9 heures.
Dès 8 heures, les journalistes faisaient déjà le pied de grue devant la salle d’audiences du Conseil d’Etat. Trente minutes plus tard, Philippe Ouédraogo fait son entrée. Il accepte un bref échange informel avec les hommes de médias, auxquels il confie avoir confiance en ce que le droit sera dit une fois encore. Quelques instants après, Arba Diallo arrive. Il a un court aparté avec Philippe, puis ensemble ils vont jeter un coup d’œil sur le tableau où est affiché le rôle d’audience.
Curieusement, on ne note ni la présence de Soumane Touré ni celle de ses lieutenants. Cependant, on peut comprendre leur absence puisqu’officiellement, c'est le mATD qui a interjeté appel.
Inexorablement, les aiguilles tournent, et l’audience doit bientôt débuter. Tout le monde s’engouffre donc dans la salle.
Les avocats de Philippe sont déjà là. Il s’agit notamment de me Charlotte Coulibaly du cabinet Kéré Barthélemy, et de me Bakary Tou du cabinet Tou & Somé.
Dès son entrée, le président de l'audience, Dieudonné Ouattara, procède à la vérification de la présence des différentes parties. Philippe et ses avocats répondent présent. Par contre, on note de l’autre côté l’absence de la Direction des affaires contentieuses et du recouvrement (DACR) ainsi que celle de l’avocat du mATD, me Bannitio Somé. Le mATD est représenté par Ousséni Vincent Sawadogo de la Direction des libertés publiques et Sébastien Sanou de la Direction des affaires juridiques.
Le président s’étonne de l’absence de l’avocat et de la DACR, car dans le dossier, il est indiqué que tous ont reçu notification de la date du procès. Qu’à cela ne tienne, il a estimé que l’audience pouvait se poursuivre, car "la procédure est essentiellement écrite".
Dieudonné Ouattara commence alors à lire le rapport qui fait l’historique de l’affaire. A la fin, il demande à Ousséni Vincent Sawadogo et à Sébastien Sanou de préciser à quel titre ils sont présents à l’audience. Voici leur réponse : “Nous sommes là parce que nous avons reçu lettre, mais sachez que le mATD n’a jamais rien introduit comme appel auprès de votre Cour”. C’était assez pour déconcerter la Cour et toute l’assistance.
S’introduisant dans la brèche, me Bakary Tou demande donc à la Cour de “prendre acte de ce que le mATD n’a pas introduit un recours devant la juridiction et de tirer toutes les conséquences qui s’imposent”.
Pour en avoir le cœur net, le président appelle à la barre Sawadogo et Sanou. C’est là qu’ils vont préciser les choses en affirmant que "depuis 2004, on a dit à notre avocat que le ministère prenait acte du jugement du tribunal administratif qui annule l’arrêté reconnaissant Soumane Touré comme secrétaire général du PAI".
Pour le président, il y a un couac, car le mATD, dès la réception de la lettre de convocation à l’audience, aurait dû entrer en contact avec la Cour pour lui signifier qu’il ne l’a jamais saisie.
A son tour, me Charlotte Coulibaly interroge les représentants du mATD afin qu’ils précisent à la Cour depuis quand ils ont dit à leur avocat qu’ils ne veulent pas faire appel de la décision du tribunal administratif. Réponse : “C’est en 2004, on a dit à l’avocat d’arrêter”.
Reprenant encore la parole, me Tou demande une fois de plus à la Cour de tirer toutes les conséquences de cette affaire, puisque le ministère, qui se tient devant elle, soutient n’être pas intéressé par l’appel, interjeté pourtant en son nom.
Sur ces entrefaites, le président, pour mettre fin aux débats, indique aux représentants du mATD la procédure à suivre pour se désister : "Ecrivez-nous pour nous confirmer que le ministère n’est pas intéressé par l’appel introduit devant notre juridiction". A cela Ousséni Vincent Sawadogo et Sébastien Sanou se sont engagés à donner une suite dans les plus brefs délais.
Sur ce, le président a renvoyé le délibéré au 9 octobre 2007.
Dehors, Sébastien Sanou confiera à la presse qu'"on a clairement fait savoir à notre avocat qu’il fallait arrêter la procédure et se conformer à la décision de justice. S’il a agi, ce n’est pas en tout cas au nom du mATD. C’est peut-être au nom de Soumane Touré".
De son côté, Philippe Ouédraogo peut souffler puisque, sauf tremblement de terre, le Conseil d’Etat devrait le rétablir légalement dans ses droits et qualités de secrétaire général du PAI.
San Evariste Barro
Abdou Karim Sawadogo
L’Observateur Paalga du 3 septembre 2007
Encadré
Philippe Ouédraogo
"J'ai de bonnes raisons d'espérer"
Le jugement a été renvoyé au 9 octobre, quel sentiment vous anime ?
• Nous avons assisté à un coup de théâtre, puisque les représentants du ministère de l'Administration territoriale et de la Décentralisation ont dit qu'en ce qui les concerne, ils n'ont jamais demandé à relever un appel du jugement qui a été rendu en 2005. Par conséquent, le président de l'audience attend d'obtenir une lettre écrite confirmant cette position avant de se prononcer. Ce qui a fait que nous n'avons véritablement pas assisté à un jugement. Nous espérons que lors du délibéré le 9 octobre, on tiendra compte du fait que le ministère n'a pas fait appel et que c'est apparemment l'avocat commun de Soumane et du même ministère, qui, de son propre chef, a décidé de faire appel. Nous tendons vers la confirmation des jugements du 26 mai et du 30 juin 2005 et, par conséquent, l'arrêté dont bénéficie irrégulièrement Soumane Touré sera annulé d'une part et d'autre part qu'il reconnaîtra enfin le bureau que je dirige comme étant le bureau légitime du PAI.
Pensez-vous que c'est ce à quoi on va aboutir en octobre prochain ?
• C'est ce que j'attends, et je pense que j'ai logiquement de bonnes raisons de l'espérer.
Soumane Touré a organisé récemment un congrès. Qu'est-ce que cela vous inspire ?
• Cest par la presse que j'ai appris qu'il aurait organisé un congrès en décembre 2006. Nous avons, à l'époque, saisi le ministère pour en relever l'irrégularité. Il a eu toutes sortes de gesticulations pour donner un semblant de crédibilité à sa position. Je pense que ça n'a pas juridiquement une importance réelle. Ça ne peut tromper que ceux qui veulent l'être, donc je vois que ça n'aura aucune conséquence sur la décision du Conseil d'Etat.
Propos recueillis par
S.E.B
A.K.S
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