Algérie-Iran : Atomes crochus sur le nucléaire
Algérie-Iran
Atomes crochus sur le nucléaire
Rompues en 1993 et rétablies en 2003, les relations bilatérales entre l’Algérie et l’Iran connaissent un regain de dynamisme. La visite que vient d’effectuer le président iranien au pays de Bouteflika traduit cette embellie diplomatique. Ce renouveau de la coopération entre Alger et Téhéran intervient toutefois dans un contexte international marqué par une radicalisation des contentieux entre les Etats-Unis et l’Iran. Classé parmi les pays de l’Axe du mal, l’Iran est frappé d’ostracisme et devient infréquentable sous peine d’encourir les foudres de la toute puissante Amérique. Seuls quelques pays, généralement hostiles à la politique extérieure de George W. Bush, acceptent de flirter avec l’Iran. Il en est ainsi du président Vénézuélien Hugo Chavez, dont on connaît l'aversion pour l'administration Bush. Que l’Algérie ouvre grandement les bras à l’enfant terrible des relations internationales, traduit l’indépendance qu’elle affiche vis-à-vis des grandes puissances qui veulent imposer leur ordre sur le reste du monde. L'Algérie n'a pas les positions radicales de Cuba ou du Vénézuéla, mais elle tient à ce qu'on la respecte, ainsi qu'elle l'a démontré notamment dans ses relations tumultueuses avec la France. D’ailleurs, le président Mahmoud Ahmadinejad repart avec un soutien sans ambiguïté de son homologue algérien sur le droit de l’Iran à disposer d’une technologie nucléaire mais à des fins civiles.
Cette reconnaissance sera-t-elle suivie d’un autre pas comme le transfert de la technologie nucléaire à l’Algérie ? Pour le moment, les discours officiels n’évoquent pas une telle éventualité, mais le seul fait de défendre le droit pour chaque pays à pouvoir développer du nucléaire pacifique donne une idée des ambitions algériennes en matière d’énergie nucléaire. Le pays est du reste à la pointe des concertations qui se mènent sur le continent africain en vue d’une exploration de la piste nucléaire comme réponse aux nombreux problèmes énergétiques. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l'Algérie qui regorge de pétrole et de gaz, réfléchit à d’autres sources d’énergie. Cette capacité d’anticipation permettra au pays de préparer l’après-pétrole.
En s’affichant avec l’Iran et en le soutenant sur le dossier du nucléaire, l’Algérie donne par la même occasion un coup d’oxygène au pouvoir iranien cerné de toutes parts par l’Amérique. George W. Bush ne cesse de déployer diverses initiatives pour isoler l’Iran et briser son influence au Proche et Moyen-Orient. La dernière en date est la série d’accords militaires signés avec Israël, l’Arabie Saoudite et l’Egypte. On peut, dès lors se demander si Algérie ne risque pas de se faire taper sur les doigts pour ce coup de pouce diplomatique apporté à l’Iran. C’est fort peu probable. Avec les ressources du pétrole, le pays de Bouteflika a lancé de grands chantiers de construction qui attirent entrepreneurs européens et américains. Il ya donc des sous à se faire en Algérie, et les Etats-Unis, pour si peu, ne s’aviseront pas de contrarier leurs hommes d’affaires. De toute façon, d’autres entreprises seraient heureuses d’occuper la place ainsi abandonnée.
Mais la manne du pétrole n’explique pas à elle seule cette position algérienne qui pourrait être assimilée à un défi, voire à un affront. Elle s’inscrit dans une longue tradition de non-alignement qui se perpétue après la fin des blocs. C’est pourquoi au moment où la plupart des pays africains ont une peur bleue de se prononcer sur le nucléaire iranien et sur l’injustice qui l’entoure, l’Algérie n’a pas craint de dénoncer, très subtilement certes, le diktat occidental. Le drame de l’Afrique réside justement en son incapacité à exprimer ses convictions sur des sujets sensibles mais qui engagent son avenir comme celui qui oppose Téhéran et Washington. Rester politiquement et économiquement dépendants, tel semble être le destin de la plupart de ces pays qui s’y complaisent bien. Il ne faut donc pas s’étonner que toutes leurs stratégies de développement soient bâties sous le prisme des institutions de Bretton Woods qui sont l’émanation des pays occidentaux.
L’acte de courage de l’Algérie serait encore plus utile s’il aidait les pays africains à décomplexer leurs relations avec les pays industrialisés. Car la cause défendue par l’Iran et l’Algérie sur le plan du nucléaire civil –et pourquoi pas militaire- est aussi celle des pays d’Afrique que l’on continue d’infantiliser, en leur refusant de s'assumer dans bien des domaines de souveraineté.
Le Pays du 9 août 2007
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