L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Après la barbarie, la civilisation ? (Lutte contre la vie chère )

Lutte contre la vie chère

Après la barbarie, la civilisation ?

Les dix (10) derniers jours de février ont, chacun le sait, éprouvé des villes comme Banfora, Bobo-Dioulasso, Ouagadougou et Ouahigouya eu égard au fait que la lutte contre la vie chère y a été le prétexte à l’instauration d’une certaine anarchie ayant engendré la destruction de biens publics et privés.

Si tout le monde a été unanime pour reconnaître que la vie a renchéri de façon intenable au Faso et si les ressentiments de ces "hordes" de jeunes ont été perçus par tous comme légitimes, personne n’a approuvé (officiellement au moins) les méthodes et les dégâts subséquents.

En effet, pouvait-il en être autrement quand on sait qu’il ne suffit pas pour une lutte et une cause d’être justes, nobles et légitimes pour que la manière de la mener ou de la défendre soit également et systématiquement juste, noble et légitime ?

Ce dont nous avons été tous témoins à Banfora, à Bobo-Dioulasso, à Ouagadougou et à Ouahigouya confirme simplement que la justesse du principe a nécessairement besoin de la pertinence de la méthode pour triompher.

Certes, il est des situations où ce type de réactions apocalyptiques peut se comprendre, mais encore faut-il que cela fasse partie d’une stratégie de riposte graduée ! Dans cette hypothèse, les manifestants pourraient, au fur et à mesure que le temps passerait et face à la surdité méprisante dont pourrait faire preuve le gouvernement, augmenter la pression au fil des manifestations jusqu’à aboutir à ce qu’on a vu.

Mais d’emblée et dans une totale anarchie, se mettre à casser tout sur leur passage tels des cyclones relève purement et simplement de la barbarie. Celle-ci, comme le disait Simone Weil, est "un caractère permanent et universel de la nature humaine, qui se développe plus ou moins selon les circonstances lui donnant plus ou moins le jeu".

Et les syndicats s’en mêlent

Après les bandes inorganisées de sans-culottes qui avaient envahi et cassé les villes dont nous avons déjà parlé, ne voilà-t-il pas que les syndicats ont décidé de faire entendre leur voix le 15 mars prochain. Au centre des marches-meetings, la "la lutte contre la vie chère", la "dénonciation de la corruption, de la fraude et de l’impunité" et la "défense des libertés".

Ils précisent que "les manifestations du 15 mars ne sont que les premières que nous envisageons cette année" dans le cadre des raisons déjà citées. Au contraire des casseurs qui, par instinct grégaire, sont descendus dans la rue, les responsables syndicaux se sont conformés à la loi. Mieux, ils incitent les démembrements de leurs organisations à le faire : "...

Des mesures doivent être prises pour, d’une part, une bonne mobilisation des travailleurs et un encadrement des marches, d’autre part, pour se conformer aux dispositions de la loi n° 22/97 AN du 21/10/97 relative à la liberté de réunion et de manifestation sur la voie publique, lesquelles disposent que les autorités communales, notamment les maires, doivent êtres tenues informées, au moins 72 heures à l’avance de l’organisation de la manifestation sur la voie publique".

On peut pour une raison ou pour une autre ne pas aimer les syndicats ou abhorrer certains de leurs responsables, mais force est de reconnaître que tout en étant fermes (mais ouverts au dialogue), ils envisagent d’organiser de manière citoyenne leurs manifestations. Reste à espérer qu’après la barbarie de fin février, adviendra la civilisation le 15 mars.

Les syndicats semblent les seuls interlocuteurs

Face à une opposition qui est à la recherche de son âme et dans une ambiance où les mouvements spontanés et incontrôlés causent les dégâts que l’on sait, les syndicats et, d’une manière générale, la société civile sont des interlocuteurs crédibles. En outre, ils ont l’avantage de ne pas faire de la conquête du pouvoir leur raison d’être (officielle, faut-il le préciser).

Aussi, de notre point de vue, le gouvernement gagnerait à développer une communication avec eux sur les mesures, du reste appréciables, qu’il a prises. Ils ont l’avantage d’avoir une existence légale, d’agir dans le cadre de la loi et de disposer de militants qui ne répondent qu’à leurs mots d’ordre.

Toutefois, négocier suppose que l’on gagne et perde quelque chose. Or, après que le gouvernement a décidé de la suspension des frais de douane pour trois (3) mois et de la diminution des prix qui s’ensuit, que peut-il faire de plus aujourd’hui ?

La première chose, nous semble-t-il, consiste à faire de sorte qu’il y ait une parfaite adéquate entre le droit et l’effectivité du droit. Autrement dit, la décision de la baisse des prix doit être effective pour que le consommateur puisse apprécier concrètement les efforts du gouvernement. S’il le faut, l’Etat doit utiliser les moyens de coercition dont il dispose pour cela ;

la deuxième chose, c’est, si les textes et les moyens le permettent, de mettre un numéro de téléphone vert à la disposition des consommateurs afin que les commerçants qui refusent de pratiquer les prix fixés soient dénoncés auprès des autorités compétentes ;

la troisième et dernière chose, c’est de penser d’ores et déjà à la façon de gérer la situation quand les trois mois de suspension des frais de douane seront passés.

Une communication à améliorer

Si le principe de la communication gouvernementale, développée au plus fort de la présente crise, est bon, les personnalités ne disposaient pas de temps ni de relais pour mettre leurs machines respectives en branle. Pourquoi le temps et les relais faisaient-ils défaut ?

D’abord, parce que les choses sont allées si vite que tout le monte a été pris au dépourvu à commencer par le gouvernement ; or, si la tête est surprise, qu’adviendra-t-il du tronc et des membres ?

Ensuite, parce que dans la communication gouvernementale, il n’y a aucune place, à notre connaissance, pour les leaders d’opinion. Certes, ils sont, en tant que responsables religieux, coutumiers et politiques, invités à certaines cérémonies ; mais il n’y a pas une stratégie de communication qui les concerne en temps de paix sociale et en période de crise nationale.

Or, si en temps de paix des leviers, des canaux et des relais ne sont pas édifiés pour gérer la paix et prévenir la crise autant que l’on peut, comment voulez-vous que lorsque la crise survient, on dispose, comme par enchantement, de ces instruments pour traiter cette crise ?

Tertius Zongo et Filippe Savadogo, respectivement Premier ministre et chef du gouvernement et ministre en charge de la Communication doivent, sans tarder, réfléchir à cette question, car le prix du baril de pétrole, qui a atteint la barre des 108 dollars américains, n’augure rien de bon.

Z.K.

L'Observateur Paalga du 12 mars 2008



12/03/2008
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