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Arrestation de Jean-Pierre Bemba : L’exilé de Faro au frais à Bruxelles

Arrestation de Jean-Pierre Bemba

L’exilé de Faro au frais à Bruxelles

Ça y est ! Les carottes sont désormais cuites pour le président du Mouvement de libération du Congo (MLC), Jean-Pierre Bemba. En effet, le N°1 de l’Opposition au Congo démocratique a été mis aux arrêts samedi dernier aux environs de 22 heures, heure locale, dans la banlieue de Bruxelles à la demande de la Cour pénale internationale (CPI), qui le suspecte de crimes sexuels en République centrafricaine.

Ce colosse de 46 ans, qui mesure 1,90 m, père de cinq (05) enfants et qui a fait une licence en sciences commerciales à Bruxelles, avait peut-être oublié qu’il risquait gros s’il s’hasardait à traîner plus que de raison dans la capitale de l’Europe. Mais pouvait-il vivre au Portugal, la porte d’à côté, sans chercher à traîner ses guêtres à Bruxelles et surtout au quartier Matongué, où vit une forte communauté de Congolais ? Pris dans les mailles du filet, il doit être présenté, dans les prochains jours, à un juge belge. Et il est attendu des autorités belges son transfert à la CPI dans les semaines à venir.

On se souvient que Bemba, qui est le président du MLC, un groupe politico-militaire et qui est arrivé au second tour deuxième à la présidentielle de 2006, derrière Kabila avec plus de 42% des suffrages exprimés, est intervenu dans le conflit en RCA en 2002-2003 avec une violence inouïe contre les populations civiles, marquée en particulier par une campagne de viols massifs et de pillage.

Et si les hommes de Bemba ont fait une incursion de l’autre côté de la frontière congolaise, précisément dans les localités de Bossangoa et de Mongoumba en RCA, avec la bénédiction du colonel Khadafi, c’était pour soutenir le régime du président Ange Félix Patassé (qui, depuis, vit en exil à Lomé, au Togo) contre les rebelles de François Bozizé, qui s’empara peu après du pouvoir. Lors de ces interventions, les milices du MLC, réputées sous-payées, se sont livrées à des exactions : vols, viols, pillages. En 2007, l’Organisation centrafricaine pour la compassion et le développement de ces familles en détresse (Ocodefad) affirmait avoir recensé un total de 1046 victimes, dont 480 femmes et fillettes violées.

Interrogé déjà en 2003 sur cette bien sensible question, le patron du MLC démentait de façon catégorique les accusations de canibalisme de la part de ses milices, faites par les Nations unies. Presque confondu par quelques faits précis relevés par les enquêteurs onusiens, Bemba s’était alors résolu à démettre de leurs fonctions les miliciens fortement soupçonnés d’avoir contraint sous la menace d’armes des femmes pygmées à cuisiner, puis manger leurs maris.

Un an plus tard, d’autres pygmées qui affirmeront être ceux supposés avoir été mangés, comparaîtront vivants devant la presse, créant ainsi un véritable doute sur les patronymes. Et c’est cela qui fut baptisé "l’affaire de Mambasa". Une affaire de fous, serait-on tenté de dire. Alerté par la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) en printemps 2003, le procureur de la CPI, Luis Morena Ocampo, pour des raisons qui lui sont propres, en parlait déjà, mais n’a ouvert son enquête qu’en mai 2007. Pour lui, il n’était pas question d’effacer les blessures infligées à ces pauvres pygmées par les hommes de Bemba, et il fallait à tout prix leur rendre justice.

On se souvient que des poursuites initiales entamées par la République Centrafricaine s’étaient soldées par un renvoi vers cette juridiction internationale. Elles visaient non seulement Jean-Pierre Bemba, mais aussi François Paul Barril, n°2 du GIGN, le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale, qui était intervenu au Congo Brazzaville, à la tête d’une compagnie privée de sécurité.

Etant depuis au moins 5 ans dans le viseur de l’ONU, l’ex-vice-président de la RDC et fils du richissime Saolona Bemba était à plusieurs reprises la cible de la Justice internationale. Durant la même année 2003 déjà, la Cour de Justice européenne le condamnait par contumace à un an de prison ferme pour "traite d’êtres humains". Il est également accusé de crimes qui auraient été perpétrés en République démocratique du Congo.

Cependant, il a été cueilli à froid samedi dernier à cause des crimes commis seulement en RCA ; les autres charges qui pèsent contre lui pourraient intervenir peu après. Bénéficiant à l’époque d’une immunité diplomatique, Jean-Pierre pouvait difficilement être l’objet d’arrestation. En effet, en juin 2003, il devenait vice-président du gouvernement de transition au Congo. Reconnaissons qu’avec un tel statut, il ne serait pas du tout aisé de procéder à son interpellation. Mais depuis le 11 avril 2007, lorsque ce challenger du président Joseph Kabila a choisi de s’exiler au Portugal - sous escorte de blindés de l’ONU, près de trois semaines après de sanglants combats dans Kinshasa entre sa garde rapprochée et l’armée - plus précisément dans la ville de Faro, où il possède une somptueuse propriété, bien d’observateurs se doutaient bien que son sort était désormais scellé.

Bemba, qui n’est plus qu’un simple sénateur ne pouvant plus avoir le bénéfice d’une immunité, était une proie facile aux yeux de la Justice internationale. Après un Charles Taylor, qui ne finit pas de bégayer devant les juges internationaux, et un Hissène Habré, qui fait de la résistance pour expliquer aux juges tous les malheurs qu’il a causés à ses frères tchadiens, voici un autre homme d’Etat africain pris par les fins limiers du CPI.

Certes, leur faire rendre gorge peut être salvateur pour lutter contre l’impunité, mais cette chasse aux anciens hommes d’Etat peut également, si on n’y prend garde, être fortement dommageable pour la démocratie en Afrique. En effet, par crainte d’être persécutés par la justice internationale, nombre d’entre eux, qui ne sont pas des exemples en matière de droit de l’homme, vont désormais user et abuser de stratagèmes pour se scotcher au pouvoir. Et là, ce sera, pour un certain temps au moins, le requiem de la démocratie.

Boureima Diallo

L’Observateur Paalga du 26 mai 2008



26/05/2008
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