BAC 2007 : "Cette pagaille qui fait couler le pétrole"
BAC 2007
"Cette pagaille qui fait couler le pétrole"
Quelque deux semaines après la constatation de fraudes massives à l'examen du BEPC, le Syndicat national des travailleurs de l'éducation et de la recherche (SYNTER) dénonce aujourd'hui "la pagaille qui entoure l'organisation du BAC 2007".
Pour le bureau national du SYNTER, les conditions drastiques de travail auxquelles sont soumis les correcteurs préfigurent un échec massif des candidats.
Au regard des conditions actuelles d'organisation des examens du secondaire, on est en droit de se demander si dans la vision des autorités, la fraude n'est pas une donnée incontournable ou alors celle-ci a pris une ampleur telle que l'option est l'encouragement si on fait semblant de la combattre.
Dans sa déclaration du 17 juin 2007, le SYNTER a relevé en son temps le lien entre la fraude et la déliquescence organisationnelle et morale dans laquelle se trouve plongé notre système éducatif : ce qui explique qu'il ait exigé la reprise des examens du BEPC sur l'ensemble du territoire et dans toutes les matières pour donner plus de chance aux différents candidats.
Face à la désapprobation générale de l'opinion nationale grâce à l'important travail d'information de la presse, le conseil des ministres du 20 juin 2007 a pris les sanctions à l'encontre de M. Gouba Félix, présumé cerveau de la fraude, et annoncé un audit du système d'organisation des examens. Nous suivons de près la suite de ces mesures.
Au regard de l'émoi créé face au scandale des fraudes au BEPC, on s'attendait à ce que toutes les dispositions et toutes les mesures nécessaires et efficaces soient prises pour permettre un baccalauréat plus crédible. Mais certains actes posés dans le cadre de l'organisation de cet examen semblent indiquer tout le contraire. En effet, les informations recueillies par notre organisation quelques jours avant l'administration des épreuves de l'examen faisaient ressortir que :
Des correcteurs à cheval sur six jurys
- de nombreux examinateurs, notamment à Bobo et à Ouagadougou, sont convoqués dans plusieurs jurys pour accomplir les tâches de correction en mathématiques, physique-chimie, SVT, philosophie. Ces correcteurs ont reçu chacun 2, 3, 4, 5, 6 convocations. Cela représente inévitablement, pour un seul correcteur, un nombre important de copies à corriger en moins d'une semaine. C'est un phénomène général dans les jurys de Bobo et Ouagadougou. Même un analphabète comprend qu'un travail de qualité n'est pas possible dans ces conditions. Comparaison n'est pas raison, mais nous avons entendu les médias français dire que les correcteurs avaient chacun en moyenne 31 copies à corriger ;
- particulièrement symptomatique de cette pagaille est le cas de ces examinateurs qui auraient reçu à la fois une convocation pour Ouagadougou et une autre pour Dori pour l'un et l'autre pour à la fois Ouagadougou et Tenkodogo ;
- certaines localités disposant de classes de terminale n'ont vu aucun de leurs professeurs convoqués. C'est le cas de Dano dont le lycée, avec ses 2 classes de terminale, n'a enregistré aucune convocation, et pourtant, certains professeurs qui ne sont pas en situation sont convoqués pour évaluer les élèves ;
- des enseignants arrivés en milieu d'année et ne tenant pas des classes d'examen ont été convoqués au détriment des titulaires des classes. C'est le cas au lycée Marien N'Gouabi ;
- au niveau de Ouagadougou, des professeurs de certaines disciplines d'un même établissement n'ont reçu aucune convocation. C'est le cas des dix-sept (17) professeurs de SVT du lycée Nelson Mandela, des 14 autres du lycée Ouezzin-Coulibaly et de ceux du PMK ;
- de nombreux autres professeurs ayant tenu des classes de terminale ont été convoqués pour des tâches de secrétaire de jury et non de correcteur, etc.
Ces quelques irrégularités parmi tant d'autres ont suscité au niveau du SYNTER des inquiétudes et des interrogations quant à la crédibilité et au bon déroulement des examens du baccalauréat. En effet :
- quel travail de qualité un correcteur à cheval sur six (6) jurys peut-il produire ?
- quel travail de qualité de suivi de qualité peut-il exercer lors des délibérations dans autant de jurys ?
- qu'est-ce qui justifie la convocation d'un correcteur dans plusieurs jurys pendant que des professeurs ayant tenu des classes d'examen ne le sont pas ?
Echec programmé de candidats
Ces constats et interrogations, le SYNTER les a exprimés au MESSRS lors d'une audience le 02 juillet 2007. Reconnaissant la pertinence de notre démarche, le ministre a instruit le directeur de l'Office du BAC d'examiner la situation des convocations multiples dans le cadre d'une commission tripartite. La présidente de l'UO, saisie, s'opposa à toute démarche d'examen du fichier des correcteurs. Car, affirma-t-elle, la production de convocations pour des correcteurs dans 3, 4, 5, 6 jurys est une mesure de sécurité, et aucun n'agira dans plus de 2 jurys. Elle alla jusqu'à soutenir qu'aucun correcteur ne corrigerait pas plus de copies que les autres années, c'est-à-dire, selon l'entendement du SYNTER, pas plus de 125 copies en moyenne.
Mais qu'avons-nous constaté sur le terrain ? Nos appréhensions de départ étaient bel et bien fondées. En effet, en maths, SVT, phisique-chimie, philosophie, histoire-géographie, droit, etc., la mise à cheval de correcteurs sur 3, 4, 5, 6 jurys est une réalité presque systématique à Ouagadougou et Bobo qui, à eux deux, regroupent plus de 68% des candidats au BAC 2007. Cette manœuvre vise à masquer un fait grave : un seul correcteur aura, dans ces circonstances, à charge l'équivalent du nombre de copies d'un jury entier ; soit environ 250. Cela correspond à une augmentation de 100% du nombre de copies en comparaison avec les années antérieures. Par ce truchement, le nombre de correcteurs se trouve réduit de moitié.
La situation est si grave que des correcteurs de différentes disciplines ont exprimé leur désapprobation lors des concertations, quant à un tel accroissement de la charge de travail et à une organisation aussi défectueuse de l'examen.
Comment en est-on arrivé là quand on sait que les candidats, à eux seuls, par leurs frais d'inscription, ont contribué à la bonne organisation de cet examen à hauteur de 10 000 FCFA par candidat, soit plus de 360 000 000 FCFA engrangés par l'Office du BAC ?
Le SYNTER estime que ces irrégularités constituent des risques évidents d'échecs injustifiés de candidats et de discrédit de l'examen du baccalauréat ainsi qu'une porte ouverte à la fraude. En conséquence, ne voulant pas être comptable de cette forfaiture, le SYNTER :
1 - dénonce et condamne vigoureusement ces graves irrégularités qui témoignent d'une pagaille monstre dans l'organisation des examens ;
2 - exige la convocation des professeurs tenant ou ayant tenu les classes de terminale et à même d'apprécier le travail des élèves ;
3 - exige la mise en place d'un système crédible d'organisation des examens ;
4- invite les correcteurs détenteurs de plusieurs convocations à prendre le temps nécessaire pour une correction objective sans céder à aucune pression liée à des délais de délibérations tels que prévus à l'étape actuelle ;
5- invite tous les collègues à plus de vigilance pour aboutir à des examens crédibles qui honorent notre fonction ;
6 - invite les présidents de jurys, les inspecteurs et conseillers (qui sont impliqués dans cette session), les correcteurs, les secrétaires de jurys, à jouer un rôle salutaire à même de sauvegarder la crédibilité du baccalauréat.
Pain et liberté pour le peuple !
Pour le Bureau national
Le secrétaire général
Mamadou Barro
L’Observateur Paalga du 6 juillet 2007
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