Benoît Lompo : Lui était vraiment intègre !
Benoît Lompo
Lui était vraiment intègre !
Son père l'appelait Miyemba, qui signifie "c'est moi qui les commande" en langue gulmancéma. Baptisé à 15 ans, il avait opté le prénom catholique de Benoît.
Ainsi, Miyemba Benoît Lompo s'en est allé et ceux qui l'ont connu pleurent un homme intègre.
Décédé mardi 30 octobre dernier, il repose désormais dans son village de Mantougou dans la Tapoa.
L'homme
Benoît Lompo, nous le connaissons presque toujours. Et pour nous, en matière d'intégrité, c'était une espèce en voie de disparition. Il suintait l'intégrité et peu de personnes auriont peu à redire si on le comparait à un général Sangoulé Lamizana ou à un certain Amirou Thiombiano, le fondateur du Parti africain de l'indépendance, qui passent pour être des parangons de vertu.
La dernière grande interview avec ce grand commis de l'Etat qu'était Benoît Lompo date de juin 1997. Il y a un peu plus de dix ans déjà !
Et quatre heures durant, il nous avait parlé de son enfance, de son cycle scolaire et universitaire et de son engagement politique.
Né au début des années 40 d'un père chef et orphelin de mère dès l'âge de deux ans, c'est l'oncle maternel de Miyemba qui l'inscrivit à l'école du Blanc en se disant que selon le sable, demain, Benoît commandera des gens, beaucoup de gens.
Et à dire vrai, le sable n'avait pas menti, car depuis 1954, Miyemba n'a cessé de présider à la destinée d'un grand monde.
Tenez, il a été successivement :
- juge d'instruction ;
- président du tribunal du travail ;
- vice-président du tribunal de première instance ;
- président de la Cour suprême ;
- président de la Haute-cour judiciaire ;
- ministre de la Justice ;
- grand chancelier ;
- député ;
- avocat.
Le sable lui avait prédit qu'il serait un "grand quelqu'un" et il l'a été assurément. Mais le sable avait dit aussi que passé la cinquantaine, il tomberait malade gravement. Ce qui fut et Benoît Lompo, qui était rarement malade, dut être évacué en France.
Bref, de lui, le sable avait révélé bien de choses qui se sont réalisées.
Enfant intelligent, Miyemba commença le primaire en 1947 à Diapaga puis, fit successivement le collège de Fada en 1954, le lycée Moderne de Ouagadougou (actuel lycée Philippe-Zinda-Kaboré) jusqu'en terminale où il obtint le Bac série D.
Envoyé à l'école William Ponty pour devenir professeur de CEG, faute de bourse d'études, il quitta cette faculté après deux ans sans diplôme. Rentré au bercail, il fut affecté à Fada comme prof de Lettres.
On le retrouvera plus tard à la faculté de droit de l'Université d'Abidjan, où il obtint sa Licence.
Rentré au Burkina, ce licencié de droit souhaitait devenir avocat, refus catégorique du ministre de la Justice de l'époque, l'officier de gendarmerie Bondé Bagnamou, qui le prédestinait plutôt à la magistrature. Et en 1970, Benoît Lompo était recruté en qualité de magistrat.
Le politique
De par le passé, il avait flirté avec le Parti africain de l'indépendance. Mais de tout temps, Benoît Lompo se définissait comme socialiste. Au printemps des partis politiques au Burkina au début des années 90, il créa, avec quelques amis dont Ouindlassida François Ouédraogo (qui fut député PDP/PS), le Parti socialiste burkinabè PSB.
Aux législatives de 1992, et sauf erreur ou omission, sur les trois élus de la Tapoa, l'ODP/MT obtint deux sièges contre un pour le PSB de Benoît Lompo. Le seul siège au niveau national de ce Parti. Etant à l'époque Grand chancelier des ordres burkinabè, il céda son siège à son suppléant, Kamoadi Ouoba.
Lorsque ce dernier décéda en cours de mandat et contre toute attente, Benoît décida de quitter la Grande chancellerie pour siéger. C'était inédit, car personne ne comprenait pourquoi il abandonnait ce poste oh combien moelleux de Grand chancelier pour se contenter d'être simple député.
Pour Benoît Lompo, il n'y avait pas de quoi fouetter un chat, car avait-il laissé entendre : "J'étais politiquement obligé d'occuper ce siège, il ne fallait pas qu'il soit vacant et c'est ainsi que j'ai écrit au chef de l'Etat pour demander ma démission de la Grande chancellerie".
Politiquement parlant, la route de Benoît Lompo et de son ami Ouinlassida s'est séparée lorsqu'il s'est agi pour le PSB d'aller se fondre dans le PDP du prof Ki-Zerbo.
Benoît n'en voulait pas et créa alors le Parti socialiste unifié PSU.
Quant à François Ouédraogo, il a rejoint le PDP, ce qui a ajouté au sigle de cette formation politique la particule PS, Parti socialiste.
Benoît Lompo nous l'avait dit et nous n'avons aucune raison d'en douter : Après 30 ans au plus haut niveau du système judiciaire de notre pays, où, dit-on, la corruption est reine, il n'a ni villa louée, ni actions dans les sociétés.
Face à cette course effrénée vers l'enrichissement illicite qui semble être depuis un sport national, certains hommes nous donnent encore quelques raisons pour nous dire que tout n'est pas perdu en matière de vertu.
Et c'est en cela que Sangoulé Lamizana, Amirou Thiombiano, Benoît Lompo... méritent toute notre attention.
Adieu maître !
Boureima Diallo
L’Observateur Paalga du 2 novembre 2007
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