Chefferie coutumière à Oula : Un autre son de cloche
Chefferie coutumière à Oula
Un autre son de cloche
L'intronisation d'Adama Touré, directeur des ressources humaines, chef de gestion des contrats de travail à la SONABEL/Ouagadougou, comme chef de canton de Oula sous le nom de règne Naba Tigré suscite toujours des vagues.
Après la marche de protestation d'un clan se réclamant autochtone du village de Oula et les versions des différents protagonistes dont nous avons fait cas dans notre édition du mardi 31 juillet 2007, un autre membre de la famille, Yacouba Touré qu'il s'appelle, nous a joint au téléphone dans la matinée du dimanche 12 août 2007, demandant à raconter sa part de vérité sur la succession au trône de Oula. Habitant au secteur n°8 de Ouahigouya quartier Baloum Naba, infirmier à la retraite, 80 ans environ, celui-ci, à qui nous avons tendu notre micro, est le frère cadet de l'actuel Baloum Naba Koanga, ministre de l'intérieur de Naaba Kiiba, roi du Yatenga.
Tout dernièrement, il y a eu du bruit autour de l'intronisation d'Adama Touré, de son nom de règne Naba Tigré, comme chef de canton de Oula. Pouvez-vous nous faire un peu la genèse de l'histoire ?
• Quand le chef de Oula est mort, la grande famille a tenu une réunion. Le doyen, du nom de Rasmané Ouédraogo, nous a posé la question de savoir si nous allions participer à la succession du chef, parce que nous avions toujours nos parents là-bas ; les tombes de nos ancêtres y sont également. Par la même occasion, il nous a demandé de proposer quelqu'un de dynamique et rassembleur comme prétendant au trône. Au cours de la rencontre, c'est Amadé Karengsamba qui a été à l'unanimité désigné comme le candidat de la famille. Le doyen lui a demandé d'aller voir les autres membres de la famille à Ouagadougou pour les informer de cette décision. Il l'a fait. Mais à Ouagadougou, l'envoyé n'a pas informé le Baloum Naba en premier lieu. Il a informé d'abord d'autres frères avant d'arriver chez lui. Cela ne semble pas avoir plu au Baloum Naba.
Je pense que toute l'histoire est partie de là. La famille a soutenu la candidature d'Adama Karengsamba chez le roi du Yatenga. Durant tout ce temps, au nom du Baloum Naba, nous partions chez le roi pour la candidature d'Amadé Karengsamba.
Un beau matin, soit six mois après, le Baloum Naba est venu avec un de ses fils et l'actuel chef Adama Touré. Il a envoyé m'appeler pour me dire que finalement c'est Adama Touré son candidat. Je lui ai demandé s'il mesurait la portée de son acte, car cela faisait 6 mois que la famille se rendait chez le roi du Yatenga pour plaider la cause d'Amadé Karengsamba. "Baloum Naba, nous t'informons des étapes de nos démarches. Si tu attends à la dernière minute pour proposer un autre nom, ça va créer des bouleversements dans la famille", lui ai-je dit.
Le Baloum Naba m'a dit que son choix était déjà fait et qu'il avait déjà communiqué le nom au roi du Yatenga qui a donné une date pour l'intronisation. J'ai invité alors le Baloum Naba à venir annoncer la nouvelle à l'ensemble de la famille. Ce qu'il a fait. Sur-le-champ, le doyen de la famille a prononcé les mêmes propos que moi tout en invitant le Baloum Naba à surseoir à son choix afin qu'on trouve un consensus. Il a refusé et s'est dirigé chez le roi du Yatenga pour présenter Adama Touré, son candidat. Au même moment, nous aussi avons délégué le doyen et un autre membre de la famille pour qu'ils rejoignent le Baloum Naba chez le roi du Yatenga afin que ce dernier sache que le choix d'Adama Touré ne fait pas l'unanimité au sein de la famille. Les deux envoyés n'ont pu rattraper le Baloum Naba, qui était déjà parti. Quand ils ont expliqué la situation au roi, celui-ci leur a reproché de n'être pas venus en même temps que le Baloum Naba. Cette histoire s'est passée deux ans avant la nomination tout dernièrement d'Adama Touré.
Est-ce à dire que vous soutenez le clan à Oula qui proteste contre la nomination de l'actuel chef Naba Tigré ?
• Nous n'avons rien à voir avec le groupe qui proteste à Oula. Nous ne sommes mêlés ni de près ni de loin à ce qui se passe à Oula. C'est au sein de notre famille que nous ne soutenons pas la candidature d'Adama Touré. Ce dernier et Amadé Karengsamba sont tous du même sang (leurs papas sont issus d'un même père et d'une même mère). Amadé Karengsamba est l'aîné d'Adama Touré. C'est la raison pour laquelle nous estimons que c'est à l'aîné que le trône doit revenir. D'ailleurs il est agent d'agriculture et il a servi pendant 15 ans à Oula. On le connaît mieux dans la localité.
Ce qui veut dire que vous n'avez pas accompagné Adama Touré à son intronisation.
• En tout cas, aucun membre de la famille à Ouahigouya, ici, n'a été à l'intronisation d'Adama Touré. Ceux qui soutenaient sa candidature ont recruté des gens à gauche et à droite pour faire croire qu'ils mobilisent.
Comment se faisait la succession au trône dans le passé ?
• Avant, c'est le roi du Yatenga qui nommait le chef de canton de Oula. Notre père a été nommé par le Naba Tigré, roi du Yatenga, en juin 1939 et il a régné jusqu'à 1974.
Si c'est le roi du Yatenga qui nommait auparavant, on ne comprend pas trop votre désaccord concernant le choix de l'actuel chef.
• Les temps ont changé. La famille s'est agrandie. Ce qui exige un choix consensuel pour éviter les scissions. Nous sommes en démocratie et nous pensons que la famille devait mieux se concerter pour proposer le plus méritant et celui qui fait le plus l'unanimité.
Mais après la mort de votre père, est-ce un de la famille qui lui a succédé ?
• C'est un autochtone du village de Oula qui a succédé à notre père.
Est-ce le roi du Yatenga de l'époque qui l'avait nommé ?
• Ce dernier n'a pas été nommé par le roi du Yatenga. Je peux en quelque sorte dire que le successeur de notre père a été intronisé par Gérard Kango Ouédraogo. Il a été investi illégalement. C'est notre grand-frère Touré Adama qui a été investi par le Naba Koom, roi du Yatenga, à l'époque. Quand notre grand frère est reparti à Oula après l'investiture, on a mis en avant des histoires politiques pour le chasser.
Subitement, il avait été décidé que désormais il fallait passer par des votes. Il y avait deux candidats, au départ ; après, on a fabriqué un troisième. Au premier tour, notre frère était majoritaire. Sur-le-champ, le troisième candidat fabriqué a désisté et ses voix ont été comptées pour l'adversaire de notre frère. C'est par ce tour de passe-passe qu'on a retiré le trône à notre famille.
Qu'est-ce qui vous lie à l'actuel Baloum Naba Koanga, ministre de l'intérieur de Naba Kiiba roi du Yatenga ?
• Le Baloum Naba Koanga, actuel ministre de l'intérieur du Naba Kiiba est mon grand frère. Lui c'est Mamadou Touré, moi Yacouba ; nous avons un autre frère, Souleymane Touré, plus une autre sœur infirmière qui est décédée. Nous sommes quatre (04) de la même mère. Nous sommes fils de Naba Sanem, qui a régné à Oula de 1939 à 1974.
On dit que du temps de son règne votre père a refusé l'implantation d'une école et d'une maternité à Oula ?
• Les gens racontent des faussetés. Ils tronquent l'histoire. Notre père était l'un des premiers élèves de la localité du temps colonial. Il connaissait bien l'utilité de l'école. La majorité de tous ses enfants ont été inscrits à l'école. Mais à l'époque, c'était Gérard Kango Ouédraogo et Michel Dorange qui faisaient la pluie et le beau temps dans la région.
A l'époque dans le canton de Oula, il y avait un ancien combattant qui était proche de Gérard Kango et de Michel Dorange. Il n'y avait que deux école pour la localité. C'est eux qui ont manigancé pour implanter l'une à Rigui et l'autre à Ziga, deux villages du canton de Oula, aux dépens du chef-lieu, parce que tout simplement notre père qui y régnait n'était pas de leur bord politique. A l'époque, notre père était proche d'Amadé Bougouraoua Ouédraogo, adversaire politique de Gérard Kango et de Michel Dorange. C'est vous dire simplement que le Naba Sanem, notre père, à l'époque était impuissant parce que le pouvoir n'était pas de son bord politique. Sur le plan sanitaire, il faut avouer que depuis son intronisation, notre père, en tant qu'ancien infirmier et par ses relations, avait toujours à sa portée un important lot de médicaments qu'il distribuait aux malades. Par la suite, grâce toujours à ses relations, il a pu construire une maternité à côté de la cour royale.
Mais dans votre famille, il y a un peu une confusion, on rencontre tantôt des Ouédraogo et des Touré. Au juste d'où êtes-vous originaires ?
• Nous sommes originaires de Gourcy, plus précisément de Tangaye. Tout le monde se nommait Ouédraogo. Mais comme notre père était fonctionnaire de l'administration coloniale, il a pris le nom Touré peut-être pour des raisons administratives. A sa mort, il a laissé 60 enfants. Présentement 50 sont toujours vivants. Vous comprendrez maintenant pourquoi ce nombre croissant des Touré dans la famille.
Maintenant que le vin est tiré, est-ce que vous ne prêchez pas dans le désert, en continuant de dénoncer le choix d'Adama Touré, actuel Naba Tigré de Oula ?
• Nous voulons simplement faire savoir que dans la famille, seul le Baloum Naba Koanga a fabriqué Adama Touré comme chef de Oula. Nous qui représentions la majorité, nous ne le reconnaissons pas. Adama Touré demeure l'enfant de mon frère et je le considère comme mon neveu, mais pas comme chef de Oula. Nous l'appellerons toujours par son nom à l'état civil. Nous ne sommes pas contre lui, mais nous refusons de cautionner la dictature du Baloum Naba. Il aurait dû agir dans le bon sens pour éviter les frustrations.
Propos recueillis par
Emery Albert Ouédraogo
L’Observateur Paalga du 14 août 2007
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