Chirac remet les clefs de la maison aujourd’hui
Palais de l'Elysée
Chirac remet les clefs de la maison aujourd’hui
Hier, à 20 heures précises, quelque temps après que le premier ministre Dominique de Villepin lui eut rendu sa démission ainsi que celle de son gouvernement, Jacques Chirac a prononcé son dernier discours de président pour dire au revoir aux Français. Cette ultime déclaration, empreinte d'émotion, a été retransmise en direct, et c’est aujourd’hui, selon un chronogramme réglé comme du papier à musique, qu’il remet les clefs de la maison (l’Elysée) à l’homme pressé qui, finalement, est arrivé à destination. Le 11 mars dernier, Jacques Chirac avait déjà lu à la télévision un message annonçant qu’il ne se représenterait pas à l’élection présidentielle. Son allocution avait déjà un petit goût d’adieu. Il l’avait conclue sur une déclaration d’amour à la France et aux Français. Le dernier message du genre remonte à Valéry Giscard d’Estaing, en 1981. Battu par François Mitterrand au second tour de l'élection présidentielle, VGE avait alors lancé un «au revoir» plein d'amertume à ses compatriotes, avant de quitter la pièce sous l’œil de la caméra. Pendant que celui qui va bientôt rejoindre Giscard d’Estaing dans le cercle très restreint des anciens présidents français en vie préparait son discours et faisait ses valises, Nicolas Sarkozy de son côté quittait officiellement la présidence de l’UMP à travers une sobre cérémonie. Bien sûr après les deux tambouilles provoquées par son escapade dorée sur l’île de Malte et les (nouvelles) frasques de son épouse Cécilia qui peine à porter la robe de première dame de France.
En effet, Sarko ne s'était pas encore remis des vagues provoquées par son escapade à bord d'un yacht de son ami (milliardaire) Bolloré qu'on apprenait que sa tendre moitié ne s'était pas donné la peine, au second tour, d'aller voter son futur président de mari. Mais la brève du "Journal du dimanche" sur le sujet ne paraîtra, puisque le canard, qui appartient au groupe Lagardère (un autre ami milliardaire du nouveau locataire de l'Elysée), a dû la sauter après que sa direction eut reçu samedi des coups de fil insistants. Reste maintenant à connaître les suites de cette censure présidentielle censure quand on sait qu'il y a un an, Alain Genestar perdait son poste de directeur de "Paris Match" pour avoir osé passer des photos de Cécilia bras dessus bras dessous avec son amant dans les rues de New York. Et Sarkozy n'était même pas encore président ! C'est Bayrou qui a raison, il a toutes les allures d'un Berlusconi français.
Mais Sarkozy, on le sait, n'est pas homme à se laisser démonter facilement, et avant de prendre les rênes du pouvoir, il a discutaillé avec les partenaires sociaux, qui, avec une ironie non feinte, se gaussent de son programme social, car, selon eux, il est tellement complet qu’il ne leur restera plus rien à revendiquer pendant son mandat. Le désormais président de la République, on le sait, se donne maintenant 100 jours pour prendre le cap du développement harmonieux au pays de Victor Hugo, et engager les grandes réformes promises pendant la campagne.
En attendant, ses compagnons grincent des dents après la décision qu’il a prise de mettre en place un gouvernement d’ouverture. "Nous ne devons pas avoir peur d'aller vers les autres, vers des idées différentes", a rassuré l’ancien homme fort de la place Beauvau avant d’ajouter, d’un air lyrique : "L'ouverture, c'est la caractéristique des âmes fortes. J'ai confiance en vous".
Pour ses anciens compagnons, cela ressemble plus à des incantations ; eux qui trouvent que Nicolas Sarkozy s'apprête à leur faire la nique en faisant la part trop belle à des personnalités de gauche, surtout que les places seront chères dans ce gouvernement resserré qui ne devrait pas excéder 15 ministres pleins. Alors si les "cocos politiques", comme Bernard Kouchner qu'on annonce au ministère des Affaires étrangères ou Hubert Védrine, devaient venir s'ajouter, le partage des morceaux les plus viandeux de la République deviendrait très difficile. Les déceptions ne manqueraient pas et il n'est pas, sûr que les "félons de service" comme Eric Besson ou la cargaison d'élus UDF qui ont volé au secours de la victoire soient payés pour "l'ensemble de leurs œuvres".
C’est dire que le nouveau locataire de l’Elysée, dont le premier chef de gouvernement devrait, sauf tremblement de terre, être François Fillon, a déjà du pain sur la planche avant même d’avoir occupé le palais présidentiel.
Mais le plus dur reste à venir, et les Africains que nous sommes attendent surtout de voir à quelle sauce il va vouloir manger nos frères qui ont déjà traversé l’autre rive et ceux qui s’apprêtent à le faire ; lui qui parle de l’immigration choisie comme s’il s’agissait d’un musulman qui allait au marché de moutons à Tanghin pour tâter et choisir son animal de sacrifice. Si fait que la victoire de ce monsieur, qui est fils d’immigré lui-même, n'a pas fait plaisir à beaucoup d’Africains, surtout pas à la frange jeune, qui rêve souvent d’aller faire fortune en Occident. N’a-t-il pas essuyé les foudres de notre compatriote Zêdess à travers une chanson éponyme dans laquelle ce dernier lui a gentiment demandé pourquoi son père avait fui la Hongrie ? Mais celui qui va présider aux destinées des Français durant 5 ans n’en a cure. Malheureusement, s’il arrivait à respecter ses promesses électorales, à côté de ses projets de lois sur l’immigration, les lois Pasqua (1) et les menaces du toujours candidat malheureux Jean Marie Le Pen feraient pâle figure. Nous disons bien s’il arrivait à les respecter. Car, même si l’on peut s’attendre à des changements dans la politique de l’immigration, ce ne sera tout de même pas la révolution annoncée. En effet, entre les promesses politiques électoralistes et leur application sur le terrain, il y a souvent un fossé abyssal. Généralement le réalisme politique prend le dessus et c’est tant mieux d’ailleurs, quand ce sont des hommes jugés dangereux qui arrivent aux affaires, dans tous les sens du terme.
Issa K. Barry
L’Observateur Paalga du 16 mai 2006
Notes : (1) Charles Pasqua était ministre de l’Intérieur sous Mitterrand pendant la cohabitation, de 1993 à 1995. Les lois qui portent son nom comportaient deux volets : le premier sur la maîtrise de l’immigration, et le second sur l’acquisition de la nationalité française. Votées en 1993, elles ont été appliquées à partir du 1er janvier 1994 et touchaient surtout les gens arrivés en France avant cette date.
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